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Objectif e-business : les étapes du lancement

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La remise en cause commence dès que la décision est prise : ouvrir un site de commerce électronique. Intégrer le canal de vente en ligne est un chantier à ne pas lancer à la légère. Mode d’emploi.

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Malgré les apparences, vendre sur internet n’est pas simple. La courbe d’apprentissage pour une entreprise est souvent longue. Elle passe notamment par une analyse stratégique, tactique, opérationnelle des fonctions marketing et commerciale, en vue d’insérer le média dans les canaux de distribution existants.” Cette mise en garde, extraite de l’ouvrage collectif de l’Electronic Business Group*, rejoint nombre d’avis d’experts sur les ressources à employer pour ouvrir son site de vente en ligne. La question n’est plus aujourd’hui de savoir s’il faut ou non se lancer dans l’e-business, B to C ou B to B, mais de comprendre comment le faire avec cohérence. E-business : le choix stratégique Avant toute action en vue de créer et d’organiser une activité d’e-commerce, les marques qui existent déjà dans le monde réel doivent se poser la question, formulée par Georgy Kishtoo, directeur du consulting chez Integra France, spécialiste de l’opération de sites, “Est-ce que ce que nous faisons se prête à la vente en ligne ?”. Les fabricants qui passent forcément par un réseau de distributeurs pour toucher le grand public, ne peuvent pas se permettre d’aller au conflit avec leurs partenaires. La seule solution pour vendre en B to C via le web est alors soit d’impliquer leur réseau dans la stratégie on line, soit de vendre sur le site une gamme de produits spécifiques. “Dans le cas des franchiseurs, on peut envisager un système participatif, remarque Reza Ghaem, directeur du conseil et du développement chez Wcube, spécialiste de l’ingénierie interactive. Les franchisés reçoivent par exemple un intéressement sur les résultats de la vente en ligne mais peuvent aussi prendre part aux investissements nécessaires.” En B to B, l’utilisation du web ne pose pas les mêmes problèmes si le contact client se fait déjà en direct. “Pour les fabricants, la vente B to C peut ne pas être transposable au web, estime Georgy Kishtoo. Mais lorsqu’on s’adresse à des professionnels, l’internet est inévitablement une grande source d’économies et d’efficacité dans les échanges.” Du comité de pilotage à la gestion opérationnelle Une fois la décision prise de se lancer dans l’e-business, le projet, dans sa première phase, s’organise autour d’un comité de pilotage, réuni par la direction générale. “Ce comité définit précisément à quel public on va s’adresser, pour quels produits, et dans quels délais. On peut en effet programmer d’ouvrir un site de vente dans six mois, mais prévoir d’ores et déjà quelles seront les évolutions dans un an”, remarque Georgy Kishtoo. À charge au comité de pilotage de faire les choix stratégiques comme le traitement opérationnel du projet, l’externalisation ou la gestion en interne des différentes étapes, et la nomination, une fois la date de lancement interne arrêtée, du chef de projet. “L’implication de l’entreprise à travers la nomination de ce chef de projet, dédié à 100 % au suivi et à l’organisation de l’activité e-business, est capitale, afin d’éviter les dérives”, souligne Georgy Kishtoo. Le groupe Nec Computer International, qui compte une division grand public avec la marque d’ordinateurs Packard Bell et une division professionnelle, a ouvert en France début novembre 1999 un site de vente pour ses clients PME-PMI. Le choix du web s’est fait logiquement car NEC Direct, la structure qui s’adresse aux petites et moyennes entreprises, commercialisait déjà en direct. Un call center, basé à Angers, recueille les commandes générées par des offres publicitaires et un catalogue produits. L’orientation e-business a été décidée au niveau international. Différents pays ont ouvert quasi simultanément leur site : les sites français (www.nec-online.fr) et anglais sont déjà en ligne, et le hollandais est en passe de l’être. Une fois le timing de lancement établi pour la France, toutes les ressources de la société ont été mobilisées. “Une équipe web a été constituée en interne, explique Nicolas Nithart, manager marketing et communication de Nec Direct France. Les services commerciaux, techniques, clientèle et marketing ont constitué un groupe pilote afin d’organiser le projet.” Les étapes de construction Le premier travail de la cellule pilote de Nec Direct a été de s’intéresser à la concurrence. “Nous avons passé plusieurs heures à étudier les sites des concurrents, lance Nicolas Nithart. Cela nous a permis de déceler les avantages et les inconvénients du support.” La veille concurrentielle est indispensable surtout pour définir quels sont les services qu’il va falloir obligatoirement prévoir sur son site. “Les méthodes de marketing direct, la prise de contact avec le client, le contenu des fiches produits sont autant d’éléments à étudier chez ses concurrents”, remarque Georgy Kishtoo, qui conseille de confier cette étape à un prestataire extérieur afin de faire la part des choses entre services incontournables et effets de mode. Une fois ce comparatif réalisé et les choix arrêtés, commence un audit de tous les services de l’entreprise. Car il faut maintenant savoir concrètement comment intégrer le canal de vente internet aux procédures habituelles, en terme de production, de commande et de livraison, mais aussi de paiement et de service client. Objectif logistique La logistique du site est l’un des chantiers les plus importants. “La logistique est un élément particulièrement différenciateur sur internet. Un site de commerce électronique ne peut pas se permettre de proposer des livraisons à vingt jours”, explique Olivier Vidal, associé du cabinet conseil Andersen Consulting, en charge du supply chain management dans l’industrie de la distribution. Même si l’on dispose déjà d’une structure logistique, le problème n’est pas pour autant résolu. “Il faut parfois effectuer un virage à 90 % en terme d’organisation. Les hypermarchés, par exemple, qui disposent d’une logistique assez développée en France ne sont pas forcément habitués à livrer en masse à domicile. Il y a une grande différence entre savoir livrer en palettes ou en cartons”, poursuit Olivier Vidal. Plusieurs choix sont possibles lorsque l’on s’adresse au marché du B to C : livrer à domicile ou par l’intermédiaire de points relais. L’essentiel est de pouvoir assurer une traçabilité maximale, afin d’être capable à tout moment de prévenir son client de l’état de sa commande. En B to B, l’e-commerce a un impact sur l’ensemble de la chaîne de production. “Vous pouvez utiliser l’outil web afin que vos clients saisissent eux-mêmes leurs commandes. Mais l’enjeu est plus important en B to B : il s’agit d’optimiser toute la chaîne jusqu’à la production”, précise Olivier Vidal. Attirer un internaute et le fidéliser pour le transformer en client coûte très cher, au vu de la concurrence internationale sur le réseau. S’il n’est pas satisfait de la livraison, il lui suffira d’un clic pour aller tester l’offre concurrente. “Si la politique de service n’est pas choisie avec soin suivront aussitôt des problèmes de qualité et de réclamations”, met en garde Olivier Vidal. En effet, si la béquille logistique est bancale, c’est le service client qui risque de vaciller. Le contact et le paiement Le second chantier important à mettre en œuvre avant l’ouverture du site est en effet la relation au client. La vente électronique décharge en partie le service client du travail d’explication des produits, car le consommateur peut directement avoir accès sur le site aux descriptifs et aux détails de l’offre. Cela ne veut pas dire cependant que le service client est à négliger. Les canaux de contact avec l’entreprise, au contraire, se multiplient : l’e-mail s’ajoute aux échanges courrier, téléphoniques et fax. Dès l’amont, le chef de projet et son équipe auront à charge d’organiser le traitement de la relation, pour assurer une réactivité et un suivi du client quel que soit le canal qu’il utilise. Troisième chantier à travailler en fonction des processus habituels de l’entreprise : le paiement. Offrir le paiement sécurisé sur son site est indispensable et pratique car la relation continue à être gérée électroniquement. Mais la question se pose de savoir si on propose d’autres types de paiement. “La direction commerciale sera par exemple d’accord pour proposer le paiement par chèque sur le site. Les services de gestion pourront cependant s’y opposer car cela demande d’intégrer un autre type de traitement des commandes, et de mobiliser des ressources supplémentaires, remarque Georgy Kishtoo. Concernant le paiement, il faut être très clair sur ses attentes. Les micro-paiements posent le problème des commissions trop importantes mais, d’un autre côté, les grosses sommes obligent à une autorisation manuelle. Ces données sont à prendre en compte et à négocier avec son prestataire de paiement.” Ouvrir sans souci Une fois l’audit des services internes réalisé, la répartition des tâches effectuée et le recrutement éventuel de compétences supplémentaires fait, le site de commerce électronique est prêt à être créé. C’est à ce moment qu’un appel d’offres est lancé sur le marché pour trouver les prestataires adaptés à son projet, afin d’assurer la conception, le développement et le suivi technique du site. Le cahier des charges associé à l’appel d’offres doit être le plus complet possible afin de gagner en rapidité lors de la mise en œuvre du projet. Du côté de la direction commerciale et marketing, l’essentiel est alors de s’assurer avant l’ouverture du site que tous les circuits de traitement et de suivi des commandes mis en place lors de la phase de conception pratique du projet fonctionnent efficacement. Une période de tests est ainsi à prévoir au sein des équipes impliquées dans le canal de vente électronique. À partir du moment où le chef de projet a été nommé, “il est raisonnable de se donner un délai de l’ordre de trois à six mois, conseille Georgy Kishtoo. On risque sinon de s’exposer à retarder indéfiniment la sortie du projet.” Il est nécessaire d’aller assez vite pour une simple raison : la concurrence sur le net fait rage. En l’espace de quelques mois, les nouveaux concurrents fleurissent. Un des grands principes de l’internet reste que le premier arrivé est le premier à servir. * Guide EBG du commerce électronique, déc. 1999, Publi Union.

3 questions à… Jean-Michel Billaut, directeur de l’Atelier, cellule de veille internet de Paribasées Est-il déjà trop tard aujourd’hui pour une entreprise qui veut créer son site de e-commerce ? Bien sûr que non ! Il n’est jamais trop tard. Et pour le moment, nous n’en sommes qu’à la préhistoire du e-business. En dépit de ce que l’on pourrait croire, les jeux ne sont pas faits. En revanche, je donnerais un conseil à une entreprise qui veut ouvrir un site marchand : c’est de créer d’abord un intranet. Cela lui permettra de voir concrètement les contraintes du travail en réseau, et les collaborateurs de la société auront une vision de ce qu’est le on line. Ensuite, on peut mettre en place son site marchand. À ce sujet, il faut préciser que sur internet on peut tout vendre, contrairement à ce que l’on entend ici ou là : c’est un mode de vente adapté à tous les produits, que vous vendiez du textile, des fleurs, des voitures ou des livres. Quelles questions faut-il se poser avant d’ouvrir un site marchand ? Toutes les questions traditionnelles quand on veut occuper un nouveau canal de vente. Ce n’est pas différent, donc il faut se demander quelle cible on vise, quels produits on va proposer, se demander si on va mettre des photos sur le site, etc. Et ne pas oublier des détails essentiels comme de donner un numéro de téléphone, l’adresse, les prix. En un mot, il faut du bon sens. Et puis les entreprises doivent prendre en compte une autre dimension spécifique au net : dès le moment où l’on ouvre un site marchand, l’entreprise vit on line, c’est-à-dire 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans un marché mondial. Donc, derrière, il faut regarder si on peut assurer au niveau commercial, logistique, etc. C’est aussi pour toutes ces raisons-là, qu’à mon avis, il est plus facile de débuter une activité internet en partant de rien. En effet, pour les entreprises traditionnelles, le web demande un changement de culture difficile. Quelle offre et quels prix l’entreprise doit-elle proposer sur son site ? Tout dépend de ce qu’elle veut faire : elle peut mettre tout son catalogue en ligne, mais il y a alors le risque d’entrer en conflit avec la force de vente ou le réseau de distribution, selon les cas. Il vaut donc mieux réfléchir à une offre plus ciblée en fonction de la stratégie commerciale. C’est pourquoi, quand on ouvre un site marchand, il faut aussi se poser la question de la zone de chalandise : est-ce que je vais par exemple cibler une clientèle que je n’atteins pas encore avec mon réseau de vente déjà installé. Quant au prix, il faut se rendre à l’évidence : si les consommateurs se mettent à acheter aujourd’hui sur le net, c’est parce qu’ils y trouvent un intérêt aussi en terme de prix. C’est comme à l’époque où est née la grande distribution : les gens sont allés acheter dans des supermarchés parce que c’était moins cher. Si l’on veut que son site marche, il faut donc absolument proposer des prix intéressants. Frédéric Thibaud

Celtipharm ou quand internet permet d’élargir la cible Pourquoi une société de près de 30 ans d’âge et qui dégage 10 millions de chiffre d’affaires par an ressent-elle le besoin de créer son site internet ? Pour Celtipharm, la réponse tient en quelques mots qui donnent la pleine mesure des avantages du commerce électronique : parce que cela permet de vendre plus de produits à plus de clients et à moindre coût. Jusqu’en décembre dernier, date de la création du site, Celtipharm était en effet spécialisée dans la production de matières premières chimiques destinées aux vétérinaires pour leur permettre de fabriquer des préparations thérapeutiques. Un marché certes intéressant, mais trop restreint comparé à celui de la pharmacie humaine. “Nous avons alors décidé de produire des matières premières pour les pharmaciens opérant dans le secteur de la pharmacie humaine et de regrouper toute notre offre sur internet, explique Didier Touron, le directeur commercial (en photo). Sur ce marché, habituellement, les entreprises vendent leurs produits grâce à des équipes commerciales traditionnelles. Mais comme 20 % des références représentent plus de 50 % du marché, ces commerciaux itinérants ne travaillent pas du tout certains segments et ne gardent que les produits les plus rentables. Il y a donc là un vrai marché, à condition de pouvoir baisser les coûts de commercialisation.” Et c’est ici qu’internet fait des miracles : “Comme le pharmacien saisit directement sa commande sans passer par l’intermédiaire d’une force de vente, ce qui n’est pas rentable pour quelqu’un qui commercialise par le circuit traditionnel le devient quand on vend sur le web.” Pour le client, passer commande sur le net représente une économie moyenne de 5 %. Résultat : Celtipharm propose aujourd’hui 6 000 références à acheter en ligne, et d’ici à deux ans, 500 000 produits seront sur le site afin de couvrir tous les besoins (des plus lucratifs aux moins rentables) des vétérinaires et des pharmaciens. “Internet nous a permis d’élargir notre offre de produits et d’agrandir notre cible”, s’exclame Didier Touron. Cela n’a pas entraîné de contraintes logistiques pour l’entreprise qui vendait déjà exclusivement ses produits par correspondance. En revanche, l’une des conséquences inattendues de la création du site marchand, c’est que Celtipharm est amenée à constituer aujourd’hui une force de vente d’une quarantaine de commerciaux. “Avec internet, c’est devenu un besoin. Nos commerciaux ne vont pas faire de la prise de commande bête et méchante. Ils vont aller démarcher de nouveaux clients en face-à-face afin de les recruter, de les convaincre de s’approvisionner chez nous via le web. C’est nécessaire parce que beaucoup sont réticents à le faire s’ils n’ont pas eu un contact réel. C’est une vraie évolution aussi du rôle des commerciaux qui se concentrent désormais sur des tâches à forte valeur ajoutée.” Le site n’en est encore qu’à sa phase de lancement. Pour en assurer le développement, la société va lever plus de 90 millions de francs au total. Après trois mois d’activité, il donne des résultats prometteurs : la fréquentation y augmente de 50 % chaque mois, et cinq à dix commandes y sont enregistrées chaque jour. Des chiffres qui ne pourront qu’augmenter (Celtipharm prévoit de réaliser 90 millions de francs de CA sur son site en 2001), et Didier Touron a bien l’intention de mettre à profit tous les avantages qu’offre le web : “Nous allons tout personnaliser : chaque pharmacien aura bientôt une page d’accueil particulière selon son profil et ses intérêts.” Un one to one poussé à l’extrême, qui aurait été impossible dans une structure de vente classique.

 
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L. D., F. Thibaud

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