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Que faire, face au ralentissement de la croissance ?

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Du recrutement au lancement de nouveaux produits, en passant par la fidélisation de leurs vendeurs, certaines entreprises passent à l’offensive.

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Si la crise qui sévit actuellement aux Etats-Unis semble, pour l’heure, épargner la France et le Royaume-Uni, nul ne peut plus guère nier, en revanche, que la croissance marque le pas dans l’Hexagone. Conséquence de ce relatif essoufflement de l’économie nationale, les prévisions du Fonds monétaire international, qui, jusqu’au mois de septembre, annonçaient une croissance probable de 2,1 % pour l’an prochain, sont aujourd’hui revues à la baisse. Forts du contexte économique international, les experts du FMI tablent désormais sur une croissance de 1,6 % en 2002. C’est bien peu, au regard du pic de 2000, année durant laquelle la croissance avait atteint 3,4% ! Autre indicateur conjoncturel d’importance, l’emploi n’échappe pas à la morosité ambiante : toujours selon le FMI, les chômeurs devraient représenter 9,1 % de la population active française en 2002, contre 8,7 % en 2001. Un chiffre d’autant plus préoccupant, estiment les analystes, que l’évolution de l’emploi risque fort de déterminer celle de la consommation, dont le relatif dynamisme paraît bien fragile. Dans ce contexte de ralentissement de la croissance, les chefs d’entreprises, loin de céder à la sinistrose, s’interrogent sur un avenir encore peu sûr. Certes, quelques sociétés continuent à ressentir les effets bénéfiques de l’an 2000, marqué par une véritable reprise. Certes, quelques secteurs – automobile, biens de consommation, notamment – gardent la santé, en dépit des aléas de la conjoncture. Mais, d’une façon générale, l’heure est au pragmatisme et à la prudence. Et le passage à l’euro, de même que la perspective de l’élection présidentielle, pourrait venir alourdir encore ce climat d’attentisme.

Méthodologie

Quelle attitude adopter face au ralentissement de l’économie ? La rédaction d’Action commerciale a posé la question aux dix dirigeants qu’elle a sélectionnés afin de participer aux Trophées du manager commercial de l’année. Agressivité ou prudence ? Investissement ou restrictions budgétaires ? Les dix candidats en lice nous ont exposé leur stratégie.

1. Fidéliser ses commerciaux, une priorité absolue

Le premier capital de l’entreprise, ce sont ses équipes, et a fortiori ses commerciaux. Ce sont eux qui, au premier chef, vendent et donc génèrent le chiffre d’affaires, particulièrement précieux dans un contexte de croissance ralentie. Ainsi, chez Peugeot, on ne lésine pas sur les moyens mis en œuvre pour garder et fidéliser ses forces de vente. « En 2001, nous avons offert à nos vendeurs un statut de cadre, explique Paul Sévin, le directeur commercial. Concrètement, cela a plusieurs conséquences importantes : ils disposent d’une grande autonomie dans le travail et leur prise de décision. Et, surtout, leur fixe a augmenté significativement. Je pense, en effet, qu’on doit garantir à un commercial une rémunération minimale importante si on veut le fidéliser. » Ce minimum est donc passé chez le constructeur automobile de 600 euros bruts par mois (4 000 francs) à 1 200, voire 1 500 euros (8 000 ou 10 000 francs), selon les populations. La rémunération apparaît, pour nombre d’entreprises, comme un levier essentiel, qui permet, en temps de crise, de réaffirmer un message fort à l’endroit des commerciaux. Une manière de leur dire « On vous soutient », comme en témoigne Marc Spenlinhauer, directeur commercial des piscines Waterair. Cette entreprise alsacienne a établi un système permettant de maintenir un niveau de rémunération attrayant et de garantir un minimum : « Le premier enjeu, pour nous, est d’éviter le turn-over, particulièrement gênant dans le contexte actuel. D’autant que nous avons du mal à recruter de bons commerciaux en ce moment. » De même, AGF Vie a revu, il y a quelques mois, son système de rémunération afin de renforcer les primes à la performance. « Notre objectif est de stimuler, mieux et plus », argumente Nicolas Schimel, le directeur commercial. La nouvelle économie ne fait pas exception à cette règle. Là où, il y a quelques mois, les stock-options jouaient ce rôle d’amortisseur et de carotte, il a fallu trouver autre chose pour fidéliser les commerciaux. « Nous avons revu notre politique salariale à la hausse, affirme Isabelle Bordry, la directrice générale du portail Web. Il s’agit de réaligner ces rémunérations sur celles du marché, alors qu’elles étaient inférieures, il y a peu, parce que nos forces de vente bénéficiaient d’un incentive important avec les stocks. » Parallèlement, Yahoo France revoit sa politique de recrutement : loin de bloquer les recrutements des commerciaux, l’entreprise préfère les seniors aux juniors. Pour elle, il s’agit de recruter des valeurs sûres, dont on sait qu’elles vont immédiatement rapporter des affaires. « Nous attendons de voir comment le marché évolue dans ces prochains mois. » D’autres entreprises estiment, pour leur part, que c’est au contraire maintenant qu’il faut recruter massivement pour renforcer son agressivité commerciale. C’est le cas notamment de Kaufman & Broad. « D’ici six mois, nous allons lancer une quinzaine d’opérations qui vont nécessiter des commerciaux, témoigne Eric Pero, directeur des ventes de la branche “maisons individuelles”. Nous avons besoin d’un commercial par bureau de vente. » Une stratégie offensive que mène également la banque NSMD, filiale du groupe ABN-AMRO : « Nous continuons à embaucher des commerciaux au même rythme qu’avant, affirme Jean-Marc Ribes, son directeur commercial. En revanche, nous réduisons les embauches d’intérimaires et de CDD. » Idem chez Adrexo, filiale du groupe Spir Communication spécialisée dans la distribution de courrier publicitaire non adressé dans les boîtes aux lettres. Après avoir recruté vingt responsables grands comptes en 2001, l’entreprise entend garder le cap pour 2002, tout comme AGF Vie, qui n’a pas non plus revu ses projets d’embauche à la baisse. Des politiques de ressources humaines qui, on le voit, ne laissent percer aucun vent de panique, même si les managers concentrent leurs efforts sur le recrutement de vendeurs la plupart du temps expérimentés. Sans doute est-il également encore un peu tôt pour mesurer les conséquences d’un ralentissement durable de la croissance sur les recrutements. Les commerciaux, en tout état de cause, ont donc le vent en poupe pour quelques mois encore.

2. Rassurer pour mieux motiver

« Nous nous sommes attachés à donner des signaux forts de continuité à nos collaborateurs. » Pour Nicolas Schimel, directeur commercial des réseaux salariés aux AGF Vie, il est urgent de communiquer afin de rassurer. « Nous avons décelé quelques inquiétudes chez nos commerciaux. Nous voulons éviter toute démotivation et, surtout, tranquilliser nos clients, en particulier ceux qui ont investi dans les produits dits à risque. » Pour cela, AGF Vie a demandé à ses commerciaux de rencontrer leurs clients en entretien individuel : « Il s’agissait de déceler et de prévenir toute inquiétude. De même, dans un contexte de ralentissement de la croissance, surtout après une période très dynamique, le moral des équipes risque fort de décliner. » « Pourtant, ces périodes-là sont porteuses d’opportunités, observe Jean-Marc Ribes, chez NSMD. Alors que certains acteurs sont en retrait, les autres peuvent en profiter pour gagner des parts de marché… » Reste à faire passer le message : « Nous sommes une petite structure : quarante commerciaux. C’est un atout non négligeable ! » Un avis partagé par Jean-Louis Dieu, directeur commercial d’Oberthur Card System, dont l’équipe de vente comprend quatre personnes sur le terrain et neuf en charge du service clients : « Pour éviter toute inquiétude, nous comptons multiplier les entretiens individuels, rester à l’écoute du terrain. » D’une façon générale, pour garder la cadence, à l’heure où l’activité tend à marquer le pas, les entreprises doivent redoubler d’efforts. Ainsi, chez Essilor, on entend reprendre les challenges en 2002, après les avoir un temps abandonnés. « Nous organiserons, pour nos vingt-six représentants, un concours de vente avec, à la clé, des dotations propres à les faire rêver », argumente Michel Boinet, directeur commercial de l’entreprise de verres ophtalmiques. Stimuler les ventes pour braver la conjoncture, une recette qui séduit bon nombre d’entreprises, à l’instar de Rent A Car, qui entend poursuivre en 2002 ses investissements en motivation. « Rien de tel que la perspective de gagner une semaine aux Caraïbes avec son conjoint pour décupler les forces des commerciaux », lance Daniel Macé, directeur général de la société de location de véhicules. Même discours chez Kaufman & Broad : « Nous comptons organiser deux ou trois challenges en 2002, comme nous le faisons habituellement, en mettant en jeu des primes et des voyages », confie Eric Pero. Pour lui, il n’est pas question de revoir les objectifs à la baisse, au contraire : « Un challenge est là pour stimuler, les objectifs doivent être majorés d’année en année. »

3. Lancer de nouveaux produits

Faut-il réserver le lancement de nouveaux produits et services aux temps bénis où la croissance est là et où l’économie respire la santé ? Pas du tout, répondent en chœur les managers, persuadés que la prise de risque est payante, et que c’est, au contraire, quand le contexte est plus difficile qu’il faut se positionner sur de nouveaux segments de marché. Ainsi Rent A Car ne veut pas s’endormir sur ses lauriers : « En 2002, nous allons lancer une activité à destination du BTP, annonce Daniel Macé. Ceux de nos franchisés qui en ont les moyens en termes de trésorerie et de capacité d’investissement vont proposer à la location des véhicules utilitaires légers pour les professionnels du bâtiment. L’argument massue ici ne sera pas le prix, mais la capacité de notre réseau à fournir les chantiers dans des délais courts. » A terme, cette activité devrait représenter 40 % du chiffre d’affaires de Rent A Car, soit 84 millions d’euros (550 millions de francs) en 2001. Lancer de nouveaux produits ou services est une manière de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Chez Peugeot, Paul Sévin, qui a décidé de miser sur la vente de services, l’a bien compris. Dans l’automobile, le service est toujours un bon amortisseur en cas de fléchissement dans les ventes. Car, si un automobiliste peut remettre son achat à plus tard, il est toujours contraint d’entretenir sa voiture. En outre, le constructeur innove en lançant le “Contrat Perspective”, une nouvelle offre de mobilité : l’automobiliste paie un forfait comprenant l’entretien et l’assurance de sa voiture avec une option d’achat et une reprise garantie à un prix minimum fixé d’avance. Le client, ici, n’achète plus une voiture, mais un service de mobilité. Simple astuce marketing ? Peut-être, mais ces petites innovations, en ces temps difficiles, sont à l’honneur dans les entreprises. C’est ainsi qu’Essilor va commercialiser des verres de lunettes Harry Potter pour les enfants. « C’est un verre magique, commente Michel Boinet. Quand vous soufflez dessus, le logo Harry Potter apparaît. » Est également prévue l’arrivée d’un nouveau verre, le “Stylis”, qui possède tous les avantages de l’anti-reflets sans en avoir les inconvénients : plus fin et plus léger que ses concurrents, il se nettoie bien et se salit peu. « Nous devons absolument animer le marché, nous différencier et innover, martèle le directeur commercial d’Essilor. Dans un tel contexte, il faut aussi savoir motiver les commerciaux par un rythme soutenu de lancements. » Réduire les budgets commerciaux et marketing, on le voit, n’est pas à l’ordre du jour. « Ce serait une erreur fatale d’adopter une attitude défensive en temps de crise, affirme sans ambages Jean-Marc Ribes. Les entreprises qui le font ont tort, et ce n’est pas viable sur le long terme. » Conséquence : il faut créer et innover. NSMD développe ainsi de nouveaux produits d’assurance-vie ou d’épargne salariale. « Nous n’avons pas le choix, il est impossible, pour nous, de réduire significativement les charges. Nous devons donc faire preuve d’agressivité commerciale avec une prospection accrue et une meilleure fidélisation de nos clients. » Même discours chez Oberthur Card Systems. Non seulement le fabricant de cartes à puces n’envisage pas de repli frileux, mais il compte lancer, courant 2002, de nouvelles cartes compatibles avec les normes internationales. « La crise nous encourage au contraire à accélérer le développement de nouveaux produits », affirme, volontariste, Jean-Louis Dieu. Il y a donc fort à parier que les initiatives et les innovations tous azimuts vont se développer dans les prochains mois. Avec, à la clé, pour les entreprises qui sauront prendre des risques, la possibilité d’asseoir leur croissance, en investissant un nouveau marché, pendant que d’autres, moins ambitieuses, feront grise mine sur leur petit pré carré.

 
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Stéfanie Moge-Masson et Frédéric Thibaud

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