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Savoir négocier avec les acheteurs

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Professionnels de la négociation, les acheteurs maîtrisent parfaitement la relation humaine qui naît lors d'un contact commercial. Connaître leur façon de travailler et leurs attentes vous permettra de mieux les approcher.

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S'il est une profession qui sort actuellement de l'ombre et prend de l'ampleur, c'est bien la fonction d'acheteur. Jadis dévolus à l'industrie et cantonnés aux approvisionnements en matières premières, les acheteurs se retrouvent aujourd'hui dans tous les secteurs économiques. Et pour cause: en période de récession, les entreprises tendent à économiser sur leurs frais généraux. D'où une pression et des attentes fortes qui pèsent sur les épaules des acheteurs. Lesquels appliquent à leur tour cette pression sur leurs fournisseurs. «Le temps des contrats signés à la faveur d'une amitié ou basés sur des critères subjectifs est révolu», observe Claude Desbordes, directeur du consulting d'Iris Consultants, conseil en management. Les acheteurs travaillent avec des outils d'analyse précis, évaluent leurs fournisseurs régulièrement et exigent de leur part le plus grand professionnalisme. Pour bien les aborder, il convient donc dans un premier temps de préparer sérieusement votre entrevue. «Il n'y a pas de pire erreur que d'arriver en rendez-vous avec un argumentaire passe-partout, adapté à tout type d'interlocuteur, et que l'acheteur va démonter au bout de quelques questions ciblées», prévient Thierry Gordillo, formateur chez Demos. Ce que confirme Alain Ruiz, directeur des achats de l'Association française de normalisation (Afnor). «Lorsque je reçois un commercial, j'aime constater qu'il s'est renseigné sur ma société, sur les valeurs auxquelles elle est attachée, par exemple le développement durable, et qu'il en tiendra compte dans son offre.»

Parlez le même langage

Pour bien mener une négociation, le vendeur doit donc découvrir quels sont les critères d'achat de son interlocuteur. En la matière, le prix est loin d'être l'unique préoccupation, contrairement à certaines idées reçues. «Si l'on veut un prix canon, il suffit de lancer une enchère inversée sur Internet, sans prendre la peine de recevoir des fournisseurs», s'amuse François Girard, directeur des achats et de la logistique de la société de conseil Cap Gemini. La percée des nouvelles technologies chez les acheteurs qui, sans se déplacer, peuvent, via certaines places de marché, obtenir des prix en ouvrant des enchères internationales et retenir le “moins-disant”, ont effectivement changé la donne… Mais acheteurs comme commerciaux restent majoritairement très attachés à la négociation, et donc au rapport humain qu'elle engendre. «J'aime sentir la curiosité de mes interlocuteurs. Je ne me formalise pas s'ils m'interrogent sur mes critères d'achat pour adapter leur argumentaire, pourvu qu'ils le fassent avec élégance», précise Alain Ruiz. Autrement dit, évitez de “cuisiner” un acheteur sur son process d'achat, par exemple, en le questionnant sur son degré de responsabilité dans la décision finale ou sur vos concurrents. En revanche, vous pouvez lui demander les points qui comptent pour lui, par exemple l'importance qu'il accorde au service après-vente, à la logistique ou s'il a une démarche qualité qui lui impose de travailler avec des fournisseurs certifiés d'une norme Iso. «Il faut donner à l'acheteur le sentiment que l'on prend en compte ses préoccupations et que l'on propose la solution adaptée», résume François Delabbaye, directeur technique et achats chez Servair, restaurateur aérien. «Une astuce consiste à utiliser le propre vocabulaire des acheteurs, indique Alain Ruiz. Par exemple, en parlant de coût et non pas de prix: de coût d'achat, de coût de possession, etc.»

Défendez vos prix

Une fois renseigné sur les critères d'achat de votre prospect et l'importance croissante qu'il leur accorde, vous pouvez adapter votre argumentaire à ses attentes. En la matière, évitez d'en “faire trop”, de mentir ou d'enjoliver. «Il est très désagréable d'avoir en face de soi un commercial qui fait des promesses qu'on sent bien qu'il n'aura pas la capacité de tenir», souligne François Delabbaye (Servair). Mieux vaut rester sincère plutôt que de se décrédibiliser durablement, et être prêt à répondre honnêtement à toutes les questions, notamment concernant vos prix. Car les acheteurs ont le défaut (ou la qualité) d'être très curieux, et ils vont chercher à décortiquer les tarifs que vous leur annoncez. «Là-dessus, le commercial ne doit pas se formaliser, tempère Alain Ruiz. Il est important pour nous de comprendre comment il construit ses tarifs pour pouvoir contre-­argumenter efficacement.» Enfin, si, au terme de l'entretien, vous pensez avoir fait mouche et convaincu votre interlocuteur, modérez votre enthousiasme: «Tous les acheteurs suivent des formations aux techniques comportementales, explique Claude Desbordes (Iris Consultants). Ils maîtrisent leur attitude au point de ne laisser échapper aucun signe d'acquiescement. Les commerciaux doivent garder cette même sérénité tout en poursuivant leurs objectifs de vente.» L'important est de ne pas descendre en dessous du seuil non négociable que l'on s'est fixé avant l'entretien tout en restant détendu et détaché devant le questionnement de l'acheteur. Et si l'entretien aboutit à la signature du contrat, là aussi, restez mesuré. Une bonne vente à un instant “t” n'augure rien de particulier pour l'avenir. «Notre métier nous oblige à être sous tension en permanence et à maintenir cette tension sur nos fournisseurs et leurs prix», note François Girard. Chaque négociation avec un acheteur est donc une nouvelle aventure.

Le témoignage de François Girard, directeur des achats et de la logistique de Cap Gemini France et responsable de la Compagnie des acheteurs de France «Un acheteur ne va jamais chercher à piéger un commercial»

L'acheteur souffre, auprès des commerciaux, d'une réputation peu flatteuse. Il passe facilement pour menaçant, déstabilisateur ou provocateur. François Girard balaie tous ces qualificatifs d'un haussement d'épaule: «Lors d'une négociation commerciale, seul le professionnalisme compte. Il n'existe pas de pièges que l'acheteur va tendre au vendeur, tout simplement parce que tous deux ont intérêt à avoir une relation honnête et pérenne.» Lors d'un entretien, François Girard estime que le savoir-être, la maturité, la confiance en soi sont les qualités nécessaires à un bon commercial. «Un vendeur doit être capable de parler non seulement de son produit, mais également de sa société et de sa stratégie.» Et de conclure: «L'acheteur aussi doit se vendre à son interlocuteur. Sur certains marchés ponctuels, où les commerciaux sont très sollicités et très professionnels, l'acheteur doit s'efforcer d'être pris en compte par son fournisseur comme un client privilégié.»

Sociologie

Acheteurs: qui êtes-vous? Près de 60000 personnes en France sont employées dans la fonction achat, selon l'association représentative du secteur, la Compagnie des acheteurs de France. Pour autant, tous ne sont pas acheteurs à plein-temps, et l'on trouve dans ce chiffre global aussi bien des cadres administratifs que techniques. Les acheteurs professionnels sont formés dans les écoles de commerce proposant un cycle “achats”, voire dans des écoles spécialisées (Institut du management industriel à Bordeaux, École supérieure des acheteurs professionnels à Paris). Ils débutent généralement comme acheteurs spécialisés dans une ou plusieurs lignes de produits, en fonction de leur parcours précédent ou de leurs centres d'intérêts, puis évoluent vers le poste de directeur des achats. Selon la Cegos, conseil en management, le salaire brut moyen à 40 ans des cadres confirmés de la fonction achats s'établit à 59000 euros annuels.

 
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Olga Stancevic

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