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Succession disputée entre les héritiers du 12

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Le Numéro et France Télécom-Orange sont les grands gagnants de la fin du monopole des renseignements. Reste à fidéliser les clients, de moins en moins nombreux à faire appel aux remplaçants du 12.

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212 millions d'euros. Voilà le montant colossal des investissements publicitaires consacrés par une trentaine d'opérateurs pour conquérir le marché du renseignement téléphonique. Beaucoup d'argent pour un marché aujourd'hui estimé entre 150 et 200 MEuros par les opérateurs! C'est dire si la bataille est rude pour se faire une place sur les cendres de l'ancien monopole d'Etat de France Télécom. Et la guerre des 118 a déjà fait des victimes, puisque si l'on dénombre encore 26 numéros 118 actifs, très peu bénéficient d'une notoriété. Quant aux survivants qui ont chèrement payé leur visibilité, ils semblent déjà mettre un terme à leur phase de conquête. La preuve: les investissements publicitaires des mois de septembre et octobre 2006 ont été divisés par quatre par rapport au trimestre précédent. En tête de la troupe se trouvent Le Numéro, filiale française de l'opérateur britannique The Number, détenteur du 11 8218 , et France Télécom, avec le 118 712, successeur direct de l'ancien 12 de l'opérateur historique. Le premier revendiquait en juin 2006 45 % de parts de marché contre 26% pour le second. Et pour couronner le tout, ces deux leaders se retrouvent , aujourd'hui sur un marché en baisse constante. Selon l'Arcep, le nombre d'appels vers les renseignements téléphoniques a en effet chuté de 27% en une année, tombant de 56 millions d'appels au deuxième trimestre 2005 à 41 millions au deuxième trimestre 2006. Même constat pour le chiffre d'affaires global du secteur, en baisse de 35% depuis un an. «Beaucoup d'entreprises ont bloqué l'accès aux numéros 118 à leurs salariés», argumente Philippe Vidal, directeur du 118 712 (France Télécom) et l'usage d'Internet, où le renseignement téléphonique est gratuit, contribue lui aussi à cette baisse. «Avant la concurrence, de nombreux utilisateurs du 12 ne savaient pas que le service était payant. Les autres n'avaient qu'une idée lointaine du prix. En communiquant sur les tarifs, nous avons forcement perdu des usagers», souligne Bruno Massiet du Biest, directeur général du 118 218 (Le Numéro). Pour les deux leaders, la lutte continue quand même. Et tous deux savent que le premier qui baisse la garde risque de ne pas s'en remettre. Ils misent donc dès à présent sur la fidélisation de leurs clients chèrement acquis.

Bruno Massiet du Biest, directeur général du 118 218 [Le Numéro]

«Nous avons perdu des clients en évoquant nos tarifs.»

Philippe Vidal, directeur du 118 712 (France Télécom)

«Nous sommes les créateurs historiques du 12.»

Prospection: la bataille des médias

Pour l'opérateur historique, il était évident qu'une place dans le duo de tête des numéros 118 ne pouvait lui échapper. «Nous sommes les créateurs du 12, ce métier fait partie de l'ADN de la maison», insiste Philippe Vidal. En revanche, si Le Numéro s'est lancé sur le marché des renseignements téléphoniques, c'est avant tout pour se forger une notoriété et mieux rebondir ensuite sur le marché des annuaires. Une option stratégique qui explique pourquoi, à la tête de la société, se trouve Bruno Massiet du Biest, à l'origine de l'aventure de Scoot, l'annuaire en ligne lancé à la fin des années 90... Que ce soit pour conserver une position ou conquérir du terrain, les deux protagonistes ont investi massivement dans les médias pour acheter leur notoriété. Aujourd'hui challenger en part de marché, France Télécom assume des investissements publicitaires raisonnés en comparaison de ses concurrents. «Notre budget est sain, assume Philippe Vidal. Avec seulement 34 MEuros investis en publicité, nous sommes parvenus à une belle part de marché, comparée à notre prise de parole.» A l'inverse de Pagesjaunes (118 008) et Telegate (118 000), qui ont dépensé respectivement 40 et 35 MEuros, mais n'arrivent qu'après l'opérateur historique, avec 10 et 15% de part de marché chacun. Mais la palme, en matière d'offensive publicitaire, revient au Numéro, qui revendique 65 MEuros de budget médias avec une campagne très forte, mettant en scène deux moustachus en short rouge aujourd'hui célèbres! Un investissement massif mais payant, puisque Le Numéro affiche un taux de notoriété spontanée de 70% alors que France Télécom se contente, lui, de 37,8% (juillet 2006). Une politique de communication médias qui s'explique sans doute par la structure du Numéro: une PME d'une quarantaine de personnes ne disposant d'aucune force de vente terrain, contrainte de ne s'adresser pour l'heure qu'au grand public. Une différence de taille face à France Télécom qui capitalise sur des forces commerciales de plusieurs milliers de vendeurs prêchant la bonne parole. Des millions de «goodies» aux couleurs du 118 712 ont été distribués par les vendeurs terrain. Ainsi, pas moins de 14 millions de magnets ont été déposés dans des boîtes aux lettres et 600 000 petits coussins nettoyants pour mobiles ont ravi les spectateurs du Tour de France! Un budget hors média difficile à chiffrer mais conséquent. De quoi contrebalancer le montant «raisonnable» investi par France Télécom dans les médias...

Centres d'appels: France Télécom privilégie l'interne, Le Numéro externalise

Un millier de téléopérateurs répartis dans 40 centres disséminés un peu partout sur le territoire: voilà l'artillerie lourde selon France Télécom! «Nous tenons à fournir un service de proximité à nos clients, martèle Philippe Vidal. Voilà pourquoi chaque appel est acheminé vers le centre téléphonique le plus proche.» La force de l'opérateur historique est de détenir en interne un savoir-faire ancestral. La majorité de ses conseillers est issue du 712 d'Orange et du 12 historique. Un atout pour France Télécom qui mise sur la qualité du service. Une qualité qui passe par des téléconseillers français formés de longue date au métier du renseignement. Le Numéro, nouvel arrivé sur le marché, a fait le choix de confier ses 4 centres d'appels à un prestataire spécialisé. Pour bénéficier d'un savoir-faire absent en interne. Deux se situent à Chalon-sur-Saône et dans le Tarn et deux autres au Maroc. Ils sont gérés par B2S, Qualiphone et Phone Assistance. «Leur expérience dans les renseignements téléphoniques fut le critère principal dans notre choix. Ce métier exige des techniques particulières, insiste Bruno Massiet du Biest, les opérateurs basés à l'étranger doivent disposer d'un bon bagage culturel sur la France, ses institutions, son histoire.» Le choix d'une délocalisation partielle a permis au Numéro de lancer un service de renseignements low cost (118 713) dont les tarifs sont néanmoins les mêmes que l'offre elle aussi à bas coût de France Télécom, le 118 710. Deux approches différentes mais deux volontés communes: apporter la meilleure qualité de service à leurs clients, indispensable à la fidélisation...

Fidélisation: toujours plus de services

«Nous envisageons de fournir aux consommateurs bien plus qu'un simple renseignement», affirme Bruno Massiet du Biest, pour qui la croissance de son activité proviendra des services à valeur ajoutée qu'il compte créer. Le Numéro travaille ainsi à la constitution d'un annuaire universel (fixes et mobiles). Et élargit sa base de données grâce à des accords avec les opérateurs télécoms, des guides touristiques, etc. Une dizaine de personnes a la charge de ce chantier de longue haleine. Une stratégie également suivie chez France Télécom, qui a mis sur pied une équipe deux fois plus importante travaillant sur l'enrichissement de la base de données. «C'est un gros investissement qui vaut la peine car c'est en la développant que nous gagnerons en qualité de service», avoue Philippe Vidal. Mais concernant la création de services à valeur ajoutée, le 118218 a une longueur d'avance puisqu'il a déjà lancé Discreto, un service de mise en relation sans divulgation du numéro. «60% des appels concernent des demandes sur les professionnels, nous souhaitons donner plus qu'une adresse et un numéro de téléphone et informer nos clients sur les horaires d'ouvertures, les gammes de prix, etc.», envisage Bruno Massiet du Biest. Autres services prévus: l'envoi de MMS, de plans, d'itinéraires, d'horaires de cinéma, etc. «Si ces services ne sont pas forcément conduits par la demande, une fois proposés, ils séduiront sûrement les clients !», assure Bruno Massiet du Biest.

France Télécom, lui, s'enorgueillit du caractère universel du 118 712. «Même des clients de Bouygues Télécom et SFB appellent notre numéro!», affirme Philippe Vidal. Mais la stratégie maîtresse de l'opérateur historique vise à assurer une qualité de service client optimale. «Il faut déjà répondre vite et bien à leurs demandes, surtout lorsqu'ils sont en situation de mobilité. C'est en développant de la qualité de service que nous parviendrons ensuite à les fidéliser.» Pour cela, France Télécom met en place un dispositif de connaissance client: une enquête de satisfaction mensuelle dans ses centres d'appels.

Nouveau service contre qualité de service. Deux options pour une même finalité: fidéliser des clients qui ont aujourd'hui le choix entre une multitude d'acteurs: des numéros 118 qui ne devraient pas tous survivre à l'an II de la fin d'un monopole qui a été remplacé par un sérieux duopole fortement accroché à son trésor de guerre!

 
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Isabelle de Chauliac

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