Un coup “ d’expat’ ” et ça repart !
L’expatriation est un accélérateur de carrière. À la condition toutefois de s’y être préparé, d’être prêt à remettre en cause ses connaissances, ses habitudes et d’avoir choisi la bonne destination.
Je m'abonneCe n’est pas nouveau, les Français et l’expatriation ne font pas bon ménage. “Contrairement aux Hollandais, nous ne sommes pas reconnus comme des pros de l’expat’, observe Stéphane Moriou, spécialiste du recrutement de haut niveau chez PA Consulting group. Question de mentalité, de culture…” Pourtant, tous ceux qui l’ont expérimentée s’en font les chantres. Axel Hoppenot, directeur marketing et ventes de DHL France qui s’est exilé deux ans à Los Angeles, parle “d’expérience terriblement enrichissante”. Claude Lotrian, directeur commercial France de Tenneco Automotive, et madrilène durant 18 mois, évoque “une opportunité extraordinaire, un vrai accélérateur de carrière”. Entré dans le groupe en 1995 comme responsable grand compte France de la filiale Monrœ, il a été nommé directeur commercial Espagne et Portugal au moment de la fusion entre les deux marques du groupe Monrœ et Walker. C’était en 1997, il avait alors 34 ans. Le bon âge vous diront les “ex” expatriés et autres spécialistes. “L’idéal est d’y aller le plus tôt possible. C’est le seul moyen pour le cadre de sortir du modèle franco-français totalement sclérosé”, tranche Charles Gancel, directeur associé chez ICM, conseil en management. Précocité qu’il ne faut pas confondre avec précipitation. Et si Claude Lotrian, de Tenneco Automotive, reconnaît ne pas avoir suivi de préparation spécifique – Madrid n’est pas si loin que ça de Paris –, Charles Gancel assure que les personnes bien préparées s’adaptent plus vite. Outre une série de briefing, la préparation peut dans le cas d’une expatriation plus longue être complétée par un voyage de reconnaissance au cours duquel le cadre ainsi que son ou sa conjointe sont “cornaqués”. Certaines entreprises y consacrent un budget élevé. Michelin, qui compte une centaine de cadres commerciaux hors de France, dispose ainsi au siège de Clermont-Ferrand d’une équipe de six permanents chargés de gérer les aspects matériels liés à l’expatriation. Ne pas arriver en conquistador Si l’entreprise s’investit financièrement, il en coûte également souvent au cadre qui doit adopter une nouvelle attitude. Pour Charles Gancel d’ICM, “le plus dur, c’est qu’à la sortie de l’avion, le cadre se retrouve moins compétent qu’à son départ de France.Il n’est pas toujours facile de l’accepter.” Tous ceux qui sont passés par là le disent, l’expatriation requiert une bonne dose d’humilité et une forte capacité à se remettre en cause. “Il ne faut surtout pas arriver en conquistador”, résume Grégoire Chové, responsable du commerce international d’Arval, débarqué à 24 ans en Italie pour la création de la filiale transalpine du groupe. Un prix à payer finalement peu élevé au regard des bénéfices que le cadre peut en tirer. “Confronté à des clients de cultures différentes, le cadre apprend à mieux négocier tout simplement”, rapporte Charles Gancel. Amenés à manager des équipes, les expatriés renforcent par ailleurs leur capacité d’adaptation. Deux qualités qui ne laissent pas indifférents les responsables du recrutement de l’Hexagone en quête de cadres commerciaux de haut niveau. C’est ainsi que “d’un candidat possible parmi d’autres”, Claude Lotrian est devenu, après 18 mois passés à Madrid, le “candidat idéal” pour le poste de directeur commercial France qu’il occupe actuellement. Non seulement parce que le marché est “plus complexe”, mais aussi parce qu’il gère 45 personnes contre 30 précédemment. Grégoire Chové reconnaît également que son expérience transalpine a été un atout dans le choix de sa candidature pour le poste qu’il occupe depuis le début de l’année. Ce n’est pas non plus un hasard si Axel Hoppenot, après son expérience à l’international chez UTA, a été recruté par DHL pour prendre le poste de directeur marketing et ventes France. Se revendre Leurs parcours le prouvent, l’expérience à l’international propulse une carrière. Encore faut-il avoir choisi la bonne destination. Car si l’expatriation amène à faire appel à d’autres logiques, à travailler avec des outils différents, force est de constater que certaines de ces logiques sont plus prisées que d’autres. Et si comme le raconte le directeur marketing et vente de DHL, “les USA sont très orientés résultats” – une qualité qui ne laisse pas indifférent un recruteur –, d’autres pays ou régions du monde ne bénéficient pas de la même aura. Conséquence ? Si l’expatriation est souvent perçue comme une voie royale, la couronne peut dans certains cas se révéler d’épines. Stéphane Moriou, expert en recrutement, distingue d’un côté les pays de même culture que la France ou du moins dont l’approche est semblable, USA, Grande-Bretagne, Australie, Japon, etc. “À leur retour de ces pays-là, les cadres sont accueillis à bras ouverts.” D’autres optent pour des destinations qui rencontrent “des difficultés comme certains pays d’Afrique. Ils se revendent moins bien”, reconnaît Stéphane Moriou. Le choix de la destination ne doit donc pas être pris à la légère. Le retour avec son inévitable période de réaccoutumance est déjà suffisamment difficile. C’est d’ailleurs pour cela que certaines entreprises telles Total ou EDF ont instauré un système de correspondant. Il s’agit d’un interlocuteur privilégié, chargé de rompre la distance qui sépare l’expatrié du siège, d’accompagner son suivi de carrière et de mieux anticiper son retour. Un retour qui se transforme parfois en simple escale, mais dont l’entreprise tire de toute façon profit. “Certains cadres repartent, mais on préfère qu’ils se posent entre deux missions, qu’ils alternent”, explique Jean-Claude Paquier, responsable de carrière à l’international des commerciaux chez Michelin. Deux raisons justifient cette piqûre de rappel : “Ce que le cadre gagne en autonomie, en débrouillardise, il le perd parfois en technicité de vente. C’est un risque…” D’autre part, l’entreprise veut récolter les fruits de ses investissements, tirer profit des idées glanées à l’étranger, etc. En d’autres termes, que le contrat soit “gagnant gagnant”.
“L’idéal en terme de promotion est d’alterner entre les expériences à l’international et dans l’Hexagone. Lors de ses retours en France, le cadre a en effet de grandes chances de se voir proposer plus de responsabilités.” Claude Lotrian, 36 ans, est directeur commercial France de Tenneco Automotive, spécialiste des amortisseurs et de l’échappement. Entré en 1995 dans le groupe Tenneco Automotive comme responsable grand compte France de la filiale Monrœ, Claude Lotrian a été nommé deux ans plus tard, à 34 ans, directeur commercial Espagne et Portugal. En début d’année, il a pris la direction commerciale du marché français.
“S’il veut augmenter l’efficacité des équipes locales, le cadre expatrié doit adapter son mode de management à la culture locale, autrement dit faire preuve d’une bonne dose d’humilité.” Grégoire Chové, 28 ans, est responsable du commerce international du Groupe Arval, spécialisé dans la location longue durée de véhicule. Débarqué en 1995 en Italie pour la création d’une filiale transalpine d’Arval, Grégoire Chové a été successivement responsable de l’équipe commerciale puis directeur des ventes. Il est aujourd’hui responsable du commerce du groupe en Europe.