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Vendeurs d’hier et d’aujourd’hui : Quelles différences ?

Le bon commercial d’hier, aux phrases accrocheuses et au verbe haut, a-t-il toujours la cote ? Les recettes d’il y a vingt ans sont-elles toujours de rigueur ? Pas tout à fait, c’est certain. Mais alors en quoi ont-elles changé ? Tour d’horizon des évolutions du profil de commercial qui ont marqué ces dernières décennies...

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Jean-Christian Wilmes directeur de RFE conseil et Formation, société spécialisée dans l’audit, le conseil et la formation dans le domaine de la vente. « Si l’on observe l’évolution des commerciaux jusqu’à aujourd’hui, on constate que de, manière générale, les techniques de vente enseignées aux vendeurs ont moins d’efficacité sur leurs résultats que par le passé. » On peut distinguer trois périodes fondamentales dans l’histoire des commerciaux. Après la Seconde Guerre mondiale, les besoins en développement sont énormes. Les vendeurs d’antan deviennent, durant les Trentes Glorieuses, de simples preneurs d’ordre. Ils bâtissent la réputation du VRP baratineur, encore présente dans la mémoire collective. Puis viennent l’inflation, les chocs pétroliers avec leur cortège de difficultés économiques et sociales obligeant les entreprises à de nombreuses réductions budgétaires. C’est la fin d’une époque facile et le début des formations aux méthodes de vente. La deuxième époque permet aux entreprises de comprendre l’importance de deux méthodes complémentaires : former régulièrement les vendeurs aux techniques de vente et stimuler leur motivation par des concours. Elle coïncide avec l’arrivée des cabinets de consultants en formation des forces de vente. On connaît aujourd’hui la nécessité d’opposer aux acheteurs de plus en plus formés, des commerciaux de plus en plus pointus. Aujourd’hui deux phénomènes convergent vers le changement : la mondialisation économique et la lassitude sociale démontrent que l’on arrive au bout d’un système. On constate que les techniques de vente enseignées aux commerciaux ont moins d’efficacité sur leurs résultats. Les pressions de plus en plus fortes sont difficiles à supporter. Les vies personnelles sont lourdement influencées par ce stress ambiant et ces déséquilibres nuisent aux performances. Dans une société qui vit de plus en plus par le tertiaire, les hommes sont une ressource vive, une richesse première fondamentale. Parce que les motivations des commerciaux et des clients ont changé, les équipes commerciales ont besoin d’être écoutées et respectées. A l’instar des sportifs de haut niveau, les vendeurs ont besoin de moyens humains pour réaliser leurs objectifs. L’époque du “dopage à la vente” est révolue car les acheteurs ont une pression équivalente à celle de leurs fournisseurs. Pour réussir aujourd’hui, il faut présenter aux clients des vendeurs plus humains, à l’écoute réelle de leurs problèmes et capables de les résoudre par une cohésion totale des équipes. Richard Béraha directeur de Cogef developpement « Les techniques de communication commerciale et de vente qu’on enseignait il y a quelques années sont toujours valables. Ce qui a surtout changé, c’est la notion de valeur ajoutée. » Pour répondre à cette question, on peut tout d’abord s’en poser une autre : pourquoi y a-t-il une évolution ? Aujourd’hui les entreprises sont confrontées à plusieurs enjeux majeurs : l’internationalisation, les nouvelles technologies, la création de valeur à l’actionnaire, l’évolution profonde des attentes du client. Notre époque est marquée par l’accélération de ces changements. Par le passé, certains métiers ont été relativement préservés de ces évolutions. C’était notamment le cas des forces de vente. Mais aujourd’hui c’est différent. Quel constat peut-on en tirer ? En France, aujourd’hui, il y a trop de commerciaux et pourtant pas assez d’un certain profil. La population des vendeurs n’est plus en phase avec le marché. Mais il est difficile d’en tirer des généralités car il existe plusieurs catégorie de vendeurs : les promoteurs qui ont plus une mission d’information, les développeurs qui vendent des produits packagés comprenant un certain nombre de services, les concepteurs que l’on retrouve surtout en B to B et qui proposent une offre spécifique par rapport à une clientèle ciblée sur de longs cycles de négociation. Ces commerciaux là sont souvent appelés ingénieurs d’affaires ou technico-commerciaux. Enfin les experts qui ne réalisent pas des négociations directes mais gèrent des projets clients. Les métiers qui se développent le plus aujourd’hui sont les métiers de service commercial, et ce, essentiellement grâce à l’essor soutenu du e-commerce. Il y a eu et il y aura encore des évolutions majeures du métier de commercial. On trouvera de moins en moins de vendeurs individualistes. Les vendeurs, aujourd’hui, doivent être productifs mais on s’attache plus à regarder les moyens mis en œuvre pour y arriver. Ils doivent également utiliser la technologie, devenir internationaux, tenir compte des exigences des clients en matière de qualité de prestation, se concentrer sur la fidélisation plus que sur la recherche effrénée de nouveaux clients et, surtout, avoir un rôle de conseillers. Mais attention, les techniques de vente d’il y a cinquante ans restent valables. Ce qui change surtout c’est l’environnement du métier. Nicolas Massy consultant associé du Cabinet Attitudes, spécialisé dans des actions de recrutement, de formation et de coaching. « Les vendeurs d’aujourd’hui ont des compétences techniques qu’ils n’avaient pas ou peu auparavant. Cela a grandement aidé à revaloriser l’image du commercial qui, dans les années 80, était surtout connu pour être un “baratineur.” » Oui le profil des vendeurs a évolué car le marché a évolué. On constate une très nette augmentation des ventes de produits et services à caractère technique. Aujourd’hui une large frange de la population commerciale est représentée par des “technico-commerciaux”, ce qui est relativement nouveau. De nos jours on recherche des commerciaux ayant une double compétence : des ingénieurs qui passent à la vente. Mais cela suit une évolution logique car les clients attendent des vendeurs qu’ils aient une culture “métier”. Par exemple, les nouveaux métiers sont principalement tournés vers la technologie, on cherche donc des commerciaux qui ont ces compétences technologiques. Depuis environ cinq ans nous sommes passés d’une culture “mon métier” à une culture “le métier de mon client”. Les argumentaires sont également de plus en plus techniques, les ventes combinent souvent services et solutions. On demande aussi aux commerciaux d’être créatifs et capables de concevoir des solutions adaptées au client. Cette notion d’innovation est primordiale aujourd’hui ce qui est totalement nouveau. Enfin, autre aspect assez inédit dans les métiers de la vente : on demande désormais aux commerciaux de prendre du recul par rapport à leur métier, leur façon de travailler. Ils doivent apprendre à se remettre en cause et ce, depuis une dizaine d’années déjà. Aujourd’hui, avec la rapidité des changements, c’est devenu une nécessité. Le marché s’est effectivement transformé, mais les acheteurs ont aussi beaucoup évolué. Lorsque la crise sévissait encore, il y a quelques années, ces derniers avait le “beau jeu”. Aujourd’hui dans certains secteurs la donne est différente. Les commerciaux négocient différemment. Par exemple, ils ne négocient plus les prix mais les délais de livraison. Leur argumentaire est lui aussi très différent. Le commercial qui n’avait d’autre talent que le verbe haut n’existe plus. Les acheteurs sont plus sensibles à un discours construit qu’à des circonvolutions et des effets de cape ! Gérard Bayard directeur de Mercuri international, cabinet de recrutement « Le client a de moins en moins besoin d’un vendeur pour acheter. Cela ne signifie pas la mort du métier de commercial mais cela veut dire que l’on attend plus de lui, comme du conseil à l’achat ou même à la revente. » L’évolution du métier de commercial est un sujet de préoccupation tout à fait actuel. Le point le plus essentiel est la nécessité d’apporter de la valeur ajoutée dans la mission commerciale. Les activités de preneur d’ordres ne suffisent plus pour faire un bon vendeur. Plus que de simples preneurs d’ordres, les commerciaux tendent à devenir des experts aux compétences multiples. Il est vrai qu’il y a eu une période de vente spectacle, il y a 25 ans, dont la meilleure illustration est le personnage de Jean-Pierre Marielle dans Les Galettes de Pont-Aven. On créait le désir puis on passait à l’acte de vente. Cette approche caricaturale de la vente a disparu au profit d’une conception plus méthodologique. C’était la deuxième génération. C’était notamment le cas chez Rank Xerox, par exemple. Les commerciaux de cette génération étaient des professionnels de la reformulation, des commerciaux “éponges”, capables d’engranger des quantités de remarques de clients afin de pouvoir mieux préparer leurs réponses. Ce type de méthode est encore valable aujourd’hui dans l’industrie de services. Mais une troisième génération est apparue, que je qualifierais de génération de “vendeurs de demain”. Ces commerciaux savent réaliser de vraies expertises du problème de leur client et en connaissent autant sur son métier que le client lui-même. Ils détiennent les leviers de croissance de son activité. Ils doivent absolument cerner en quoi leur offre va apporter de la valeur ajoutée au client. Autre point essentiel de l’évolution des commerciaux : l’accélération des phénomènes de changement. C’est surtout valable pour tout ce qui concerne le secteur des nouvelles technologies. Aujourd’hui on vend principalement des idées. L’aspect technique qui est intégré dans la vente d’aujourd’hui est très important. Le vendeur doit maîtriser l’ensemble de la problématique de son client pour ne pas isoler son argumentaire sur le seul produit. Il doit pouvoir expliquer en quoi son produit va pouvoir accroître la rentabilité du rayon et pour cela il doit avoir des compétences techniques. Le bon vendeur de demain est sans conteste celui qui saura allier crédibilité et expertise. Philippe Perrier responsable des ventes, congrès/séminaire de Center Parcs, et qui chapeaute une équipe de six commerciaux. « Les bons commerciaux d’aujourd’hui sont caractérisés par une passion certaine pour la vente, et c’est tant mieux. Mais la passion du produit est tout aussi essentielle ! » Il y a eu une évolution stratégique du métier de commercial voulue par les entreprises elles-mêmes. L’investissement dans les forces de ventes et surtout dans la formation commerciale en est à ses meilleures années. Il y a des points essentiels qui permettent de le vérifier. Tout d’abord, il y a une forte professionnalisation du métier d’acheteur. Ces derniers sont formés de manière très spécifique et ils connaissent très bien tous les produits que les commerciaux vont leur vendre. L’évolution se fait de plus en plus vers une vente en confiance. Le commercial doit connaître son marché aussi bien que l’acheteur et négocier plus qu’il ne doit vendre. Nous sommes entrés dans l’ère du “gagnant-gagnant” car les clients recherchent plus des partenaires que des vendeurs purs. Ce qui prévaut aujourd’hui, et plus que jamais, c’est le rapport qualité/prix. Cette qualité nécessite que le vendeur ait, certes acquis les techniques de vente fondamentales, mais également des compétences techniques poussées. Il n’y a plus de place aujourd’hui pour la vente agressive ou forcée et il est certain que les mutations de l’environnement économique n’y sont pas étrangères. On s’est rendu compte qu’il valait mieux vendre bien et à long terme plutôt que beaucoup et à court terme. L’évolution des métiers de la vente est également due à la reprise économique. Cette période de forte croissance a poussé les vendeurs à devenir les plus performants possibles et à se diversifier car la concurrence s’est également accrue. Mais les commerciaux actuels ont appris à mieux connaître la concurrence et à adapter leurs armes et leur discours. Ce qui les caractérise aujourd’hui, c’est l’écoute et l’intérêt qu’ils portent à leurs clients mais également le fait qu’ils aient pris conscience qu’ils sont là pour répondre à leur problématique. Les vendeurs sont avant tout des hommes et l’on sait combien le facteur humain est important dans la vente. Tout est une question de mise en confiance du client, la notion de partenariat me paraît donc, en ce sens, essentielle.

Ce qu’il faut retenir Les profils des commerciaux ont évolué en partie grâce à la situation économique redevenue favorable. La concurrence étant plus forte, les compétences se sont accrues. Les vendeurs d’aujourd’hui ne se contentent pas d’acquérir les techniques de ventes, ils doivent avoir des compétences spécifiques pour apporter une réponse pertinente à des acheteurs de plus en plus professionnels. De nouvelles notions sont devenues prépondérantes dans la fonction de commerciale telle la valeur ajoutée pour le client ou la fidélisation. Il y a revalorisation du facteur humain. Le cliché du vendeur baratineur et comédien n’a plus cours aujourd’hui. Les vendeurs actuels ont des argumentaires construits et surtout sont plus à l’écoute de leurs clients. Ils savent allier crédibilté et expertise.

Propos recueillis par Isabelle Condou

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