Vendeurs européens : unis par le même outil
Et si les filiales françaises, allemandes et italiennes parlaient le même langage commercial ? Pour uniformiser leur approche du client, des sociétés s’équipent à l’européenne du même progiciel force de vente. Un projet stratégique à mener sur le long terme.
Je m'abonneRien de tel, pour accroître sa compétitivité à l’international, que d’équiper du même logiciel ses forces de vente françaises mais aussi européennes. C’est le rêve de tout directeur commercial de pouvoir déceler en direct, on line, des marchés internationaux émergents, de suivre l’affaire d’un grand compte européen, ou encore de croiser la base de données italienne avec celle de l’anglaise ou la suisse. Un rêve stratégique à réaliser avec énergie. Une mosaïque logicielle Mener un équipement de la force de vente sur le territoire national s’avère déjà gourmand en temps et en implication. Quand le projet s’étend sur plusieurs pays, il faut redoubler d’enthousiasme. Carrier, le spécialiste de la climatisation, a équipé l’ensemble de sa force de vente européenne du logiciel Business Manager d’Integre. "Il y a trois ans, notre staff européen a pris conscience qu’il fallait se donner les moyens de tourner l’entreprise vers le client, explique Emmanuel Philippe, chef de projet de la partie logiciel/vente de Carrier. Aujourd’hui, 165 Français, Suisses, Belges, Allemands, Italiens, Espagnols et Anglais utilisent le même progiciel force de vente." Carrier a fait le choix de construire une architecture pyramidale par pays puis l’a centralisée au siège européen basé en France. "Le marketing européen a accès au fichier client européen, synchronisé une fois par mois par chaque pays. Mais on ne croise pas encore les affaires au niveau international", précise Emmanuel Philippe. Si dans l’idée il est facile de concevoir une telle centralisation, la réalisation s’effectue sur le long terme. La société suisse Zellweger Analytics, spécialiste des instruments de l’analyse de l’eau et de la détection des gaz toxiques, a équipé les 250 personnes de sa force de vente, européenne et américaine de Takyon, le logiciel commercial distribué en France par la société Transitif. "Chaque pays dispose de sa propre base de données, explique Hilary Wright, directeur informatique du groupe. En 1999, nous souhaitons mettre en place une base de données européenne et une seconde américaine. Mais le fait que tout le monde utilise le même produit permet désormais d’envisager une consolidation au niveau mondial." Choix de l’outil : réfléchir avant d’agir S’équiper d’un outil force de vente à l’international se chiffre d’abord en temps de réflexion. "Le choix est particulièrement délicat dans le cadre d’un projet à l’échelle européenne : l’outil devra être suffisamment souple pour s’adapter à des spécificités nationales, assure Hervé Drevot, pdg de la société de conseil Praemia, car les pratiques de vente ne sont pas les mêmes dans tous les pays." Un cahier des charges précis et une comparaison fine des capacités et fonctionnalités des progiciels doivent bien sûr être effectués : plus le nombre d’utilisateurs est grand, plus l’architecture technique doit être robuste. Choix de l’éditeur : assurer ses arrières Les caractéristiques de l’éditeur comptent aussi dans la prise de décision. La société Legris SA, spécialiste des connexions industrielles (tubes, raccords, robinets), est en train d’équiper la France et l’Espagne du logiciel Vente Partner de KDP, et prévoit ensuite de poursuivre le projet sur huit autres pays européens. "Le choix a porté sur l’outil lui-même, qui d’ailleurs était déjà utilisé par une de nos filiales, mais aussi sur l’éditeur, précise Éric Pasquier, chef des ventes internationales de la partie Europe, en charge du projet d’équipement européen. Notre responsable informatique ne voulait pas faire appel à une trop grosse société qui aurait sûrement été moins à même d’écouter nos besoins qu’une structure plus petite. Cependant, nous tenions à disposer d’un service après-vente localisé." En cas de problèmes dans l’une des filiales équipées, il faut en effet s’assurer que l’éditeur dispose de représentants géographiquement proches, capables d’assurer directement le service après-vente et la maintenance. Une fois le choix de l’éditeur fait, il est nécessaire de s’appuyer sur une équipe internationale pour mener à bien le projet. Parler le même langage commercial "Il faut réunir des groupes transversaux de travail à l’échelle européenne, précise Hervé Drevot de Praemia, en s’assurant de l’implication de la direction générale. L’objectif d’un tel projet est, en effet, de faire converger les pratiques de vente et de marketing de différents pays." Quand la société Carrier s’est équipée de Business Manager, un groupe de travail a été constitué avec des intervenants dans chaque filiale. "Le projet a été piloté depuis la France mais un chef de projet a été nommé par pays", explique Emmanuel Philippe. La réussite du projet tient à l’implication de tous les utilisateurs. "Il est difficile de mettre tout le monde d’accord, remarque Éric Pasquier de Legris, car les habitudes de management ne sont pas identiques dans tous les pays." Des réactions réfractaires au reporting peuvent en effet apparaître, dans le cas où les commerciaux avaient l’habitude d’être totalement indépendants sur leur zone de prospection. De plus, il faut prendre en compte le taux d’équipement matériel de chacun. Si dans certaines filiales les commerciaux sont habitués à utiliser un outil logiciel centralisé, dans d’autres pays les vendeurs peuvent ne pas être informatisés. Gérer la différence : s’adapter à chacun Zellweger Analytics a ainsi constaté des adaptations nationales plus ou moins rapides : "En Italie, les vendeurs étaient familiarisés à l’utilisation d’un outil, le passage n’a donc pas posé de problèmes. En France, la mise en place a pris du temps, puis tout a ensuite très bien fonctionné. En Allemagne, cela a été plus difficile, car utiliser un logiciel ne rentrait pas dans leur culture de vente", souligne Hilary Wright. Avant toute chose, l’équipement de la force de vente correspond à une nouvelle stratégie de l’entreprise. Il s’agit de remettre à plat les habitudes de vente. "On n’informatise pas un problème", fait remarquer Éric Pasquier de Legris. Un effort de normalisation de la culture est ainsi à faire. En donnant à chacun du temps pour la réalisation. Un projet européen s’étale sur plusieurs années : Carrier a mené son équipement pendant deux ans et Zellweger Analytics pendant trois ans. Legris, de son côté, prévoit deux années pour équiper tous les pays. S’engager dans une politique globale de performance, relayée par un outil force de vente adéquat, prend ainsi du temps. On ne passe pas si facilement du rêve à la réalité.
"Pour mener à bien un projet d’équipement à l’international, il faut prendre le temps de vendre l’idée en interne. Depuis 18 mois, nos six pays européens et les USA sont équipés du logiciel Takyon. Ça change vraiment la façon de travailler des vendeurs itinérants et sédentaires." Hilary Wright est directeur informatique de la société suisse Zellweger Analytics, spécialiste des instruments de l’analyse de l’eau et de la détection des gaz toxiques. La force de vente mondiale s’élève à 250 personnes. Depuis un an et demi, tous les commerciaux sont équipés du progiciel Takyon, distribué en France par Transitif. Le projet, pris en charge par la maison mère, a duré trois ans, pour un budget total, y compris le hardware et la formation, de 1,5 MF. Chaque pays dispose de sa propre base de données, mais en 1999, il est prévu de mettre en place une BDD centralisée pour l’Europe.
"L’objectif était de modéliser le client d’une manière homogène. Cela demandait de motiver tout le monde autour de la même démarche. Il faut mener un vrai management de projet, transversal, qui implique aussi bien la direction générale que les directions commerciales, régionales ou marketing." Emmanuel Philippe, chef de projet de la partie logiciel/vente de Carrier, spécialiste de la climatisation, suit l’évolution de l’équipement de sept pays européens du progiciel Business Manager d’Integre France. La phase d’équipement a duré deux ans. Les bases de données de chaque pays sont regroupées afin que le marketing européen dispose d’un fichier client global. L’investissement total s’est élevé à 2 MF, en comptant le hardware mais pas la formation. "Pour garantir la cohérence du projet, il a été piloté depuis la France, et relayé dans chaque pays par des chefs de projet formés à l’utilisation du logiciel et de sa maintenance. C’est une vraie rééducation de la force de vente à la transparence."
"Le projet que nous avons mené est opérationnel en France, mais il va servir de base de travail pour l’équipement des autres pays européens. Nous avons choisi le fournisseur en fonction de sa présence européenne et du multilinguisme de l’outil." Jean-François Herboche, responsable informatique et communication d’Alusuisse-CMIC, la structure de distribution pour la France d’AL Groupe, spécialiste de l’aluminium. Depuis mai 1998, une trentaine d’utilisateurs sont équipés du progiciel Vente Partner de la société KDP. En 1999, les filiales italienne et suisse devraient être équipées de la même solution. Chaque filiale a le choix de s’équiper ou non. Une base européenne globale n’est pas prévue car "chaque pays a sa plage de clientèle précise. Cependant, l’objectif est tout de même de pouvoir échanger des informations."
Six conseils pour s’équiper à l’européenne - Choisir avec soin l’outil : un projet d’équipement à l’échelle européenne implique un nombre élevé d’utilisateurs. Il faut ainsi bien comparer les outils logiciels du marché afin de s’assurer d’une architecture technique robuste. Il ne faut pas hésiter à demander l’avis de sociétés déjà équipées afin de vérifier la pertinence du produit. - S’assurer des garanties de l’éditeur, en terme de support technique et de maintenance : en cas de problèmes sur l’outil dans une des filiales équipées, il faut en effet vérifier qu’un représentant, géographiquement proche, puisse intervenir. - Constituer avec soin sa stratégie : s’équiper à l’européenne, c’est remettre à plat dans chaque pays les méthodes de vente et de management. Un projet d’équipement ne peut fonctionner que s’il est d’abord considéré comme un virage stratégique. - Imposer un langage commun à tout le monde : il vaut mieux utiliser un outil standardisé et éviter l’excès de paramétrage en fonction de chaque pays, pour ne pas trop complexifier le projet et faire exploser le budget de départ. - Constituer une équipe de pilotage très forte, composée de représentants de chaque pays qui ont la motivation et la disponibilité pour être de vrais relais du projet. - Prévoir un projet sur le long terme : inutile d’envisager un équipement simultané de tous les pays. Il faut compter de un à trois ans.