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Y a-t-il de la place pour les directeurs commerciaux autodidactes ?

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Formation supérieure commerciale exigée. Cette formule, de plus en plus fréquente, semble exclure les autodidactes de la fonction commerciale. Pourtant les non-diplômés sont encore présents parmi les managers commerciaux... Question de génération ?

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S’il y a un métier où il y a encore de la place pour les autodidactes, c’est bien celui des postes de la fonction commerciale qui demandent avant tout un tempérament et où l’homme fait la carrière. Que ce soit, le plus souvent, dans une PME ou même dans une entreprise plus structurée, des gens qui ne sont pas passés par les bancs de l’université ou d’une école de commerce peuvent s’avérer d’excellents vendeurs et de bons managers, ce qui leur permettra d’accéder à un poste de responsabilités. Nicolas Buisson, directeur de la division force de vente du cabinet de recrutement Michael Page France, en est convaincu : contrairement au marketing, la vente reste un métier ouvert aux autodidactes. Même si un bémol s’impose. Car les grandes entreprises recrutent aujourd’hui majoritairement des bac + 2, voire bac + 4 ou 5 pour renouveler leurs forces de vente. C’est donc plutôt dans les petites ou grosses PME que, depuis plusieurs années déjà, les jeunes arrivant sans bagage sur le marché de l’emploi peuvent faire leurs armes dans la vente et espérer un jour devenir “dirco”. Responsabilités accessibles... Mais pour ceux qui ont déjà fait leurs preuves, l’accès à des responsabilités managériales reste possible. Nicolas Buisson (Michael Page France) : “Une entreprise qui recrute un directeur commercial de 40 ans recherche avant tout des compétences professionnelles : la capacité à élaborer une stratégie, à animer les hommes, à fixer et atteindre des objectifs. Un autodidacte dont les talents en la matière sont avérés depuis 15 ans a toutes ses chances face à des diplômés.” Muni d’un simple bac pour démarrer dans la carrière commerciale, Sylvain Regnier, actuellement jeune directeur général de Cross Systems, a su rapidement s’imposer par son talent de vendeur et ses qualités humaines. Écarté lors d’un recrutement pour son absence de diplôme, il a finalement été sélectionné pour le poste en se faisant l’avocat de sa propre cause ! À l’avis de Nicolas Buisson fait écho Jean-Pierre Rougier, vice-président de PA Consulting Group : “L’homme ou la femme qui s’est fait un nom dans un secteur d’activité donné, qui y a fait la preuve de ses capacités commerciales et managériales, sera jugé sur ses résultats et pas sur la possession de tel ou tel parchemin ; car l’entreprise le recrute d’abord pour faire progresser son chiffre d’affaires rapidement.” L’autodidacte qui a déjà fait un bout de chemin professionnel peut donc espérer conquérir un poste de “dirco”... à condition qu’il ait su gommer les handicaps liés à son manque de formation initiale par une réussite incontestable. ... si les manques sont comblés Et qu’il sache parler anglais, s’il brigue ce poste dans un grand groupe... Pour Jean-Pierre Rougier, “neuf fois sur dix, l’entreprise va in fine écarter la candidature d’un autodidacte parce que celui-ci ne possède pas la culture internationale qu’elle exige, et notamment la pratique satisfaisante de l’anglais. Car, dans les grandes entreprises, un poste de direction commerciale moderne intègre forcément une ouverture vers l’étranger.” Cette maîtrise de l’anglais, Alain Devries, directeur commercial autodidacte de Bowman, une entreprise de fournitures industrielles, a su la cultiver très tôt. “Même si j’ai quitté l’école après la 3ème, j’ai compris instinctivement que l’anglais serait un passeport indispensable pour ma réussite professionnelle. À 19 ans je suis parti le perfectionner dans les usines British Leyland à Birmingham. Aujourd’hui, je m’en félicite encore, d’autant que notre maison-mère est américaine !” Être parfaitement à l’aise avec l’informatique est également un autre pré-requis des recrutements à ce niveau et peut handicaper les autodidactes. “Il est inimaginable pour une entreprise de confier le management d’une force de vente largement informatisée à quelqu’un qui ne sait pas manier un PC ou un portable”, confirme Jean-Pierre Rougier. On l’aura compris, l’autodidacte de 30 ans qui souhaite un jour écrire sur sa carte de visite la noble fonction de directeur commercial doit prendre le taureau par les cornes pour rattraper le niveau d’anglais et de pratique informatique de ses collègues sortis d’écoles de commerce, d’ingénieurs, et même de BTS ou d’IUT Tech de Co. Il faut combattre les préjugés Mais cela ne lui suffira peut-être pas. Il lui faudra aussi combattre certains préjugés tenaces à l’encontre des autodidactes. Par exemple sur leur supposée difficulté à prendre de la hauteur par rapport à la réalité du terrain. Nicolas Buisson s’en fait l’écho : “On reproche souvent aux autodidactes de garder la tête dans le guidon et d’éprouver des difficultés à prendre suffisamment de recul pour envisager une situation sous toutes ses facettes. Je ne saurais dire si ce reproche est réellement justifié.” Pour Jean-Pierre Rougier, il ne l’est pas. “C’est un mauvais procès. La vie, l’expérience apportent autant de recul et de hauteur de vue qu’une formation supérieure.” Autre défaut fréquemment mis en avant par les recruteurs : la tendance des self made men à vouloir appliquer des recettes déjà éprouvées au lieu d’imaginer des solutions innovantes. “C’est vrai : l’autodidacte qui sait seulement reproduire des recettes est, à terme, dangereux pour l’entreprise. Tout au contraire, si la plongée précoce sur le terrain lui a appris à observer, à expérimenter, à en tirer des leçons pertinentes, il sera une précieuse recrue. Car cet esprit d’expérimentation fait cruellement défaut aux diplômés, trop farcis de logique formelle et mathématique, celle qui prévaut dans tous les cursus de formation supérieure en France”, commente Jean-Louis Wilmès, co-auteur avec son épouse Dominique du guide Recruter des commerciaux (Éditions Pratique SA). Une revanche à prendre Qu’en pensent les intéressés ? “Je ne me suis jamais senti moins imaginatif ni moins perspicace qu’un directeur commercial issu d’une grande école ! Proche des hommes, du terrain, ouvert et à l’écoute de tous, je n’ai jamais de solutions toutes faites dans la tête, contrairement peut-être à certains diplômés qui croient avoir tout compris à l’avance !”, avance Alain Devries. Cet apprentissage par l’expérience représente l’un des atouts reconnus des autodidactes. Ce n’est pas le seul. Leur volonté, leur motivation, leur envie d’y arriver seraient souvent supérieures à celle des diplômés. Pour Jean-Louis Wilmès, les autodidactes ont souvent une revanche à prendre sur la vie. Cela leur donne un moteur formidable pour progresser. Ils ont décidé de construire eux-mêmes leur réussite professionnelle, et dans une carrière commerciale, une telle motivation joue tout autant qu’un savoir de base validé par un diplôme. Expérimentateurs, volontaristes, proches de leurs équipes... Les autodidactes auraient donc toutes les qualités pour devenir d’excellents directeurs commerciaux. Il serait bien sûr stupide de généraliser, mais les entreprises et leurs cabinets de recrutement ont peut-être tort aujourd’hui de trop valoriser les diplômes dans une fonction où le savoir-être et le savoir-faire bien plus que le savoir font la différence.

“Le terrain, la confrontation avec les gens sont pour moi la meilleure école de vente et de management. Un diplôme est certes le signe d’une tête bien faite, mais la réussite professionnelle nécessite bien autre chose : le sens relationnel, la capacité à développer du business, à conduire une équipe.” En dépit de sa propre réussite, Sylvain Regnier admet que l’absence de diplôme peut constituer une difficulté pour démarrer une carrière. Aujourd’hui sans doute plus qu’il y a 20 ans, dans un contexte de surenchère au diplôme. Mais un jeune doté d’un fort potentiel doit croire en ses chances, surtout dans la fonction commerciale qui reste plus ouverte.

“En tant que directeur commercial, je n’ai jamais été gêné par mon manque de diplôme. Au contraire, je crois que cela m’a aidé à être plus proche de mes équipes, à mieux comprendre leurs difficultés, à mieux les écouter, tandis qu’un diplômé reste peut-être davantage dans sa tour d’ivoire.” Alain Devries a tout appris à l’école du terrain. Sa compétence professionnelle s’est forgée en sillonnant les routes de France, en rencontrant toutes sortes de clients, en formant d’autres vendeurs, avant de les encadrer comme chef de région puis directeur des ventes.

 
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Valérie Guez

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