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Repenser la performance : au-delà des chiffres, vers une vision globale

Fort d'une longue expérience du pilotage de la performance dans les collectivités territoriales, Christian Moinard, enseignant-chercheur pour Audencia, s'est spécialisé dans le contrôle de gestion et la stratégie. Il est l'auteur d'un article sur la performance dont il souligne l'aspect multidimensionnel. Témoignage.

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Repenser la performance : au-delà des chiffres, vers une vision globale

Dans votre article, vous mettez en avant l'évolution de la notion (du concept même !) de performance, qui ne se limite plus aux stricts indicateurs financiers. Selon vous, quelles sont les dimensions clés de la performance pour une entreprise aujourd'hui ?

C. M. : La question de la performance est polysémique. Elle prend dans le temps et dans l'espace des formats différents et concentre l'attention sur des dimensions différentes. Ce que je constate, c'est que la notion de performances, longtemps cantonnée à des indicateurs financiers, s'ouvrent à des champs plus variés. Il est vrai qu'avec l'entrée en vigueur de la directive CSRD, la notion de performance extra-financière est entrée dans la lumière. Mais, dans le temps, la définition du concept de performance n'a jamais cessé d'évoluer. Après un regard très technique sur la performance, hérité de l'élevage des chevaux d'abord, puis de son application aux domaines de l'ingénierie, la performance s'est inscrite dans le domaine managérial via notamment le contrôle de gestion qui a eu à coeur de documenter la performance. Nous sommes passés d'une définition comptable de la performance, centrée sur la maîtrise des coûts, à une définition économico-financière. Cette approche permet d'interroger l'entreprise comme un acteur en relation avec son environnement. Elle questionne tout autant les dimensions organisationnelles ou stratégiques.

Nous formons les managers et futurs managers à ces notions de performance dans notre formation Responsable d'un centre de profit à Audencia.

Comment jugez-vous l'évolution de la façon dont les entreprises se saisissent aujourd'hui de la question de la performance ?

C. M. : Cette évolution du concept de performance est évidemment très positive car elle permet de se distancier de la mesure court-terme et permet de prendre davantage de champ et de recul. C'est la raison pour laquelle, à mon sens, la performance va s'ouvrir à toujours davantage à des variables environnementales, sociétales, etc. C'est ce que j'appelle les « externalités » (qui constituent la réalité d'une entreprise mais sur lesquelles elle n'a pas prise) en opposition aux « internalités » qu'elle peut contrôler directement. Tout l'enjeu aujourd'hui consiste à dézoomer, à mettre les indicateurs en perspective pour éviter la consanguinité des seuls indicateurs comptablo-financiers. Il me semble crucial de faire entrer des paramètres plus qualitatifs dans la compréhension de la performance pour ne pas prendre le risque de s'encapsuler dans des représentations purement chiffrées. Une des limites des conceptions actuelles de la performance, et qu'elle se rattache à un paradigme de la mesure. Si le chiffre présente l'intérêt de proposer une échelle de valeur absolue, il est limité pour appréhender des dimensions qualitatives. Et tous les mécanismes en lien avec la performance ne sont pas mesurables et la réalité des entreprises aujourd'hui, suppose de laisser une place à la subjectivité.

Vous insistez également sur l'importance de la cohérence entre les différentes décisions (opérationnelles, financières, d'investissement) pour atteindre la performance. Comment adaptez-vous vos formations pour sensibiliser à cet enjeu de cohérence ?

C. M. : Ouverture, fermeture, réouverture. C'est la mécanique de mon enseignement, notamment dans le cadre des programmes de formation dont j'ai la responsabilité. J'essaie d'abord de montrer que la question du pilotage de la performance ne peut pas être cantonnée à sa dimension financière et que d'autres schémas peuvent être explorés. Une fois ce constat posé, je reviens sur les fondamentaux des indicateurs financiers qui permettent de mesurer concrètement la performance. Enfin, je reviens sur des éléments comme le Balance Scorecard, également appelé tableau de bord prospectif ou tableau de bord équilibré, ainsi que les approches stratégiques qui aident les entreprises à mieux comprendre et à améliorer leurs performances.

Votre article indique que l'entreprise est un acteur cognitif. Comment cette dimension cognitive se traduit-elle concrètement dans le pilotage de la performance ?

C. M. : Je suis convaincu que la performance peut être comprise comme le renforcement d'un modèle d'apprentissage dans l'entreprise. L'entreprise est un vecteur d'apprentissage continu par l'expérience. Pour analyser la performance dans toutes ses dimensions, il faut pouvoir s'appuyer sur une grammaire qui ne cesse de s'enrichir et de s'élargir. Plus cette grammaire est maîtrisée et riche, plus on comprend que la performance est, nécessairement, une notion relative. La performance est un concept trop précieux pour s'enfermer dans des indicateurs quantitatifs trop restrictifs. Cela souligne un point crucial de notre approche pédagogique : les entreprises ont davantage besoin de têtes bien faites que de têtes bien pleines. Cela suppose une parfaite maîtrise technique pour pouvoir prendre du recul sur les outils que l'on manipule. Il semble capital aujourd'hui de ne pas concevoir la mesure de la performance comme un constat à un instant donné, mais plutôt comme un chemin à suivre qui repose sur des étapes et des objectifs concrets que l'on pilote.

Envie d'aller plus loin dans la réflexion et de refonder la notion de performance ? Lisez l'article de Christian Moinard, : Quelques réflexions sur la performance.

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