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[Dossier rémunération] "Un plan de rémunération est un investissement stratégique"

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[Dossier rémunération] 'Un plan de rémunération est un investissement stratégique'

Tout bon système de rémunération variable sert une stratégie d'entreprise. Malheureusement, il n'existe pas de recette pour garantir un bon plan de rémunération. Tour d'horizon de la question avec Fabien Lucron et Hervé de Riberolles, experts de la rémunération variable au sein du cabinet Primeum.

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Pour commencer, à quoi sert un système de rémunération variable ?
Hervé de Riberolles : alors que la rémunération variable est très répandue dans les entreprises, il est étonnant que la réponse à cette question présente encore un intérêt. Pourtant, force est de constater que la philosophie de la rémunération variable n'est pas toujours bien appréhendée. Il y a souvent une confusion entre professionnalisme et performance. La valorisation des diplômes et de l'expérience est du ressort du salaire fixe, alors que la performance doit se traduire dans la part variable. Autrement dit, au fixe correspond les éléments propres aux compétences du salarié, au variable les éléments qui peuvent fluctuer comme l'atteinte ou non d'objectifs. La rémunération variable n'est pas un moyen de récompenser les salariés mais c'est un investissement pour les motiver à atteindre des objectifs. C'est un outil au service des entreprises et de leurs managers pour orienter le comportement des collaborateurs, qu'ils soient commerciaux ou non.

Quels sont les ingrédients d'un système de rémunération efficace ?
Fabien Lucron : il n'y a pas de réponse toute faite à cette question : il y a autant de réponses que d'entreprises ! Un bon système de rémunération est celui qui incite les collaborateurs à poursuivre avec pugnacité les objectifs qui leur sont attribués. C'est celui qui soutient les piliers stratégiques de l'entreprise.
Une erreur fréquente consiste à sélectionner de trop nombreux critères. Si le collaborateur se trouve confronté à trop d'objectifs, il fera ses propres choix. Il choisira les plus rémunérateurs, les plus faciles à atteindre... Le risque est qu'il s'éparpille, voire même qu'il se démotive face à l'ampleur de la tâche. À vouloir atteindre trop d'objectifs, il se pourrait bien que l'entreprise n'en remplisse aucun ou pas les plus importants ! C'est pourquoi il est capital d'arriver à prioriser et à arbitrer pour ne retenir que les trois ou quatre priorités stratégiques sur lesquels reposera le système de rémunération variable.
Enfin, dernier point mais non des moindres, un bon plan de rémunération doit être lisible et compréhensible. Les collaborateurs doivent savoir ce que l'entreprise attend d'eux. Impossible de faire l'impasse sur une bonne dose de pédagogie et de transparence.

Le recours à la rémunération variable est-il universel ?

Hervé de Riberolles : oui, globalement, le système de rémunération variable est un outil aujourd'hui utilisé partout dans le monde. Néanmoins, les pratiques varient d'un pays à l'autre. Aux États-Unis, il est inimaginable de ne pas avoir de variable. Cela fait partie du modèle et du rêve américain. Le travail paie, dans tous les sens du terme. À l'inverse, les Ukrainiens ont hérité de leur lointain passé communiste. Il ne leur est pas naturel d'envisager que deux employés avec le même niveau de compétences puissent avoir des rémunérations différentes.

Quelles sont les précautions à prendre quant aux objectifs ?
Fabien Lucron : un acronyme fait loi sur le sujet : les objectifs doivent être "SMART" pour Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini. La notion de faisabilité est essentielle : les collaborateurs vont mesurer les efforts à fournir pour atteindre leurs objectifs. S'ils apparaissent comme trop élevés, la démotivation l'emportera. Dans le même ordre d'idée, la prime a aussi son importance. Si elle n'est pas perçue comme alléchante, les collaborateurs resteront à quai.
J'ajouterai que les objectifs doivent être alignés sur la stratégie de l'entreprise et fiables, c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir d'écart entre ce qui est mesuré par l'entreprise et le collaborateur. De manière générale, la donnée peut constituer un obstacle à la fixation d'objectifs si elle est indisponible ou si elle ne peut être produite aussi souvent que nécessaire. Attention également, plus l'indicateur est évolué, plus il sera difficile d'y associer un objectif précis.
Cela tombe sous le sens mais les objectifs doivent être communiqués à temps aux collaborateurs. S'ils sont fournis en avril, les commerciaux vont naviguer à vue pendant quatre mois ! D'ailleurs, cette manière de procéder est fréquemment sanctionnée par les tribunaux.
Enfin, la fixation des objectifs est centrale dans un système de rémunération variable, notamment en termes d'équité car c'est une puissante source de motivation !

Les indicateurs de rémunération variable sont-ils différents d'un pays à l'autre ?
Hervé de Riberolles : plus l'économie est mature, plus les systèmes de rémunération variable vont reposer sur des critères élaborés. Dans les marchés émergents, où l'enjeu principal est la croissance des volumes, c'est ce critère qui sera central. Au stade supérieur, ce sera le chiffre d'affaires. Enfin, dans les économies matures, les systèmes de rémunération variable s'appuieront sur la marge ou encore le NPS (net promoter score), c'est-à-dire le niveau de recommandation des clients. Ce dernier critère est formidablement pertinent car il impacte la croissance future de l'entreprise, il amène les commerciaux à être plus collaboratifs avec d'autres services et il constitue un puissant levier pour impulser une dynamique customer centric. D'autres critères, plus qualitatifs, notamment liés à des objectifs RSE, apparaissent de plus en plus.

Prime individuelle ou collective, que choisir ?

Fabien Lucron : les objectifs sont par nature individuels. Mais, il n'y a aucune contre-indication pour instaurer des critères collectifs si l'entreprise souhaite favoriser les comportements collaboratifs. Cela peut être une option également en l'absence d'indicateur individuel fiable. Néanmoins, les primes collectives ont tendance à être moins motivantes que les individuelles.

Quelles sont les pratiques en matière de ratio fixe/variable pour les commerciaux ?
Hervé de Riberolles :
il y a une très nette corrélation entre le niveau de croissance du PIB d'un pays et la proportion entre le fixe et le variable. Quand le taux de croissance est faible, quand l'apport des commerciaux est limité dans la création de valeur, alors le pourcentage de fixe est largement supérieur à la part variable. Par exemple, en Suède, le poids du variable ne pèse que pour 10 à 15 % du salaire. A contrario, en Inde ou en Chine, où la performance des commerciaux contribue fortement au développement du chiffre d'affaires, la part de variable est plus importante, de l'ordre de 40 à 60 %.

Une part variable importante ne peut-elle pas engendrer des comportements pernicieux de la part des commerciaux ?
Hervé de Riberolles : si, bien sûr. Tout l'art consiste à trouver un juste équilibre. Car, plus la part du variable est élevée, plus le risque de comportements déviants, comme la corruption, augmente. Ce qui est particulièrement grave dans les secteurs réglementés. Ainsi, dans certains secteurs d'activité, comme l'assurance, on a assisté à un rééquilibrage entre le fixe et le variable sous l'impulsion de la réglementation.

Quid de la négociation des objectifs ?
Hervé de Riberolles : même si des tendances se dégagent, les réalités de fonctionnement sont très hétérogènes au sein d'un même pays, d'un même secteur d'activité... En Allemagne, par exemple, la rémunération variable fait partie du champ de négociation des syndicats dans environ deux entreprises sur cinq. La négociation collective n'est pas un frein à l'évolution des plans de rémunération. Car, de manière générale, quand une entreprise y touche, c'est rarement pour faire des économies, mais plutôt pour le rendre plus équitable. C'est un argument auquel les syndicats sont sensibles.
Fabien Lucron : je ne crois pas à la fixation collégiale des objectifs entre managers et managés. Les collaborateurs peuvent échanger avec leur hiérarchie sur les moyens mis à leur disposition, mais les exigences de performance et de résultat ne sont pas négociables.

Comment savoir si son plan de rémunération est efficient ?
Fabien Lucron : premier indice qui doit mettre la puce à l'oreille : s'il n'y a aucun questionnement, cela signifie que les objectifs apparaissent trop faciles, ou que les collaborateurs ont trouvé un moyen de les contourner. Il est souhaitable que la rémunération variable fasse l'objet de conversations mais si elle les monopolise, ce n'est pas bon signe non plus... La forte volatilité des résultats, par exemple s'il y a beaucoup de superformers et/ou de décrocheurs, doit également inviter à se questionner sur les objectifs ou les critères retenus. L'organisation fréquente de challenges au fil de l'année est une preuve que le plan de rémunération n'est pas bien calibré. Car les challenges viennent alors colmater les faiblesses du dispositif.
Enfin, les accidents financiers sont également des alertes significatives. Par exemple, quand les objectifs sont atteints à 98 ou 102 %, mais que le budget a été dépassé de 130 %, sans explication.

Un dernier conseil ?
Fabien Lucron :
Deux conseils pour conclure. Une bonne pratique consiste à ne pas rentrer dans le détail de la rémunération variable dans le contrat de travail. Se limiter à spécifier qu'une part du salaire est variable avec le pourcentage associé est suffisant. Les règles fixées annuellement sont ensuite portées à la connaissance du salarié via une note interne.
Enfin, un système de rémunération variable n'est jamais figé dans le temps. Il doit évoluer avec les orientations stratégiques de l'entreprise, même si le changement intervient en cours d'année. Sous réserve de s'assurer que le nouveau critère est éligible à la fixation d'objectif et de bien informer les collaborateurs.

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