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Bien négocier les clauses juridiques d'un contrat en B to B

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Les commerciaux maîtrisent rarement l'aspect juridique des multiples opérations contractuelles qu'ils doivent traiter. C'est la raison pour laquelle les juristes sont essentiels. A condition d'être véritablement associés au process commercial...

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@ FOTOLIA / SANDRA GLIGORIJEVIC

La fonction commerciale doit assurer au quotidien le développement de l'entreprise dans le cadre d'une politique à court ou moyen terme: cela dépasse rarement un exercice comptable. Le juriste s'inscrit lui, dans une démarche à plus long terme: il assure, en effet, la pérennité d'une relation en anticipant sur les éventuels accidents de parcours et la sortie contentieuse d'un partenariat chaotique. Pour caricaturer, le commercial n'envisage que les noces pendant que le juriste s'inquiète déjà des conséquences du divorce.

L'observation est certes excessive de par sa généralité. Mais la pratique confirme qu'elle est pour le moins l'approche la plus commune. Le commercial, pressé de conclure un accord durement bataillé, abandonne volontiers les fameuses conditions générales et autres documents contractuels à des juristes indisponibles, sollicités aux dernières heures de la négociation.

L'une des causes de ce mauvais process tient en partie à cette approche différente de la durée. La communication entre ces deux fonctions complémentaires, trop souvent négligée, est donc primordiale. Elle suppose de part et d'autre des échanges d'informations, un dialogue en amont des pourparlers et, in fine, une véritable complicité.

L'expert

Jean-Marie Léger est avocat associé chez FLP Avocats. www.flpavocats.com

Associer le juriste aux négociations

Le juriste doit être à l'écoute des besoins des commerciaux saisir les points stratégiques de la négociation à venir et comprendre qu'il assure ici une fonction support au service de la performance commerciale. Les commerciaux doivent, quant à eux, associer le juriste aux négociations, fût-il dans un premier temps «l'homme de l'ombre», et saisir les enjeux juridiques du contrat lesquels impactent parfois l'entreprise tout entière, au-delà même des seules stipulations de l'accord. La complémentarité des fonctions suppose également de véritables process de négociation et de closing où la rigueur et la souplesse doivent être conciliées. Enfin, le commercial devrait être à même de maîtriser les principaux outils juridiques mis en oeuvre pour la formalisation du contrat.

La technique contractuelle comporte deux aspects: les mécanismes juridiques prédéfinis obéissant à des règles spécifiques (responsabilité contractuelle, durée du contrat, résiliation, preuve...) et la formalisation du contrat (identification des documents contractuels, architecture contractuelle et rédaction). La maîtrise et le bon usage de ces outils constituent un véritable atout commercial. Une clause de renouvellement du contrat mal rédigée, et c'est la pérennité de la relation commerciale qui se trouve menacée. Une architecture contractuelle mal ordonnée, et le commercial risquera de perdre son temps à négocier une disposition qui pourra être contredite par un autre article du contrat.

Soigner la forme

La forme peut aussi constituer le rempart du faible contre le fort. Si l'un des cocontractants n'entend pas renoncer à un droit qu'il tient contre l'autre partie, il est parfois judicieux, plutôt que de bloquer les négociations, de subordonner l'exercice de ce droit à des formalités protectrices. Tel est ainsi l'un des rôles de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception dans la mise en oeuvre d'une clause de résiliation ou de dénonciation d'un contrat. L'expérience prouve que ce formalisme est bien souvent ignoré. L'exercice du droit qu'il encadre s'en trouvera pourtant paralysé.

De même, lorsque le futur partenaire ne souhaite pas assortir un contrat à durée déterminée d'une clause de renouvellement automatique pour des durées successives identiques à la durée initiale, il est opportun de proposer une poursuite du contrat pour une durée indéterminée assortie d'une faculté de dénonciation à tout moment. L'expiration de la durée déterminée convenue ne tombera pas comme un couperet sans que le cocontractant se sente pieds et poings liés pour une durée qu'il jugerait excessive. Autre exemple: si le partenaire entend imposer un délai de préavis de dénonciation extrêmement bref, il est parfois inutile de camper sur son opposition. Si le contrat doit s'exécuter sur une longue période, la notion de rupture brutale de relations commerciales établiesArt. L.442-6, 5° du code de commerce qui prévoit impérativement le respect d'un préavis d'une durée tenant compte de celle des relations commerciales. permettra, le moment venu, de faire échec à cette dénonciation expéditive. Ce faisant rien ne sert de négocier fermement la durée d'un contrat si sa date d'entrée en vigueur n'a pas été spécifiée dans ledit contrat.

Parmi les pièges, il en est un, aisément évitable, dont les conséquences peuvent être redoutables: il s'agit de l'identification des parties en prologue du contrat. La seule mention de la dénomination sociale est parfois source d'incertitude, notamment dans les groupes de sociétés dont les filiales comportent une dénomination quasi-identique. Seul le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés permet une identification incontestable.

Vérifier les définitions et les clauses

De même, certains contrats comportent une (trop) longue liste de définitions qui renvoient elles-mêmes à d'autres définitions. La modification d'une définition peut, en conséquence, affecter plusieurs clauses et non pas seulement celle que l'on a en vue. Il importe donc de s'assurer que la nouvelle définition est en harmonie avec l'ensemble des clauses qui s'y réfèrent. Méfiez-vous d'un autre écueil: lorsque le contrat comporte plusieurs documents (conditions générales, conditions particulières, annexes...), il n'est pas rare qu'une clause du document principal établisse une hiérarchie entre ces documents. Négocier un document contractuel de rang inférieur à un autre sans s'assurer qu'il n'existe pas de contradiction entre ces documents ou accepter une «simple» modification de la hiérarchie des pièces contractuelles peut, en effet, conduire à de sérieuses déconvenues.

Enfin, dès lors que l'opération économique organisée par le contrat comporte une dimension internationale, soit en raison de la nationalité de l'une des parties, soit en raison de son lieu d'exécution, l'omission du droit applicable peut être source de complication majeure.

Un bon contrat penseront certains, ne vaut pas la confiance. Certes. Mais quid de cette confiance si la femme ou l'homme avec lequel on a négocié n'est plus à l'avenir notre interlocuteur? Et puis, la négociation contractuelle, c'est aussi l'occasion de mettre au jour d'éventuels points de désaccord et de convenir, en amont et par écrit, de la manière de les résoudre.

 
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Jean-Marie Me Léger

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