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Coalition anti-pirates

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“La musique adoucit les mœurs” : il n’est donc pas étonnant que la vente de disques affiche en 1998 un bilan positif dans un monde stressé. Par ailleurs, si les éditeurs phonographiques, majors ou indépendants, s’affrontent au quotidien sur le marché, ils laissent aujourd’hui de côté leur bataille commerciale afin de faire corps contre d’autres protagonistes aux mœurs douteuses, les pirates.

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Victoire pour la musique : l’année 1998 finit mieux, pour le marché français, qu’elle n’avait commencé. C’est tout du moins ce que les derniers chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique (le Snep fédère sous sa bannière les majors du disque et une cinquantaine de producteurs indépendants), livrés dans le cadre de l’édition 1999 du Midem au mois de janvier dernier, tendent à prouver. À l’affiche, en effet, deux progressions majeures : l’augmentation de 2 % des ventes de disques en volume et celle de 2,9 % du CA du secteur, s’établissant désormais à 7,640 MdF. Mais une précision révèle la fragilité de cette croissance : ces résultats ont été obtenus grâce aux ventes des deux derniers mois de 1998 qui, à eux seuls, ont permis de réaliser 30 % du chiffre d’affaires annuel. Sur la partition du marché phonographique, la production française va par ailleurs crescendo. Toujours selon le Snep, elle représente en effet 54,5 % des ventes contre environ 45 % en 1994 (date de promulgation de la loi sur les quotas minimum imposés à la diffusion de productions françaises sur les ondes). Autre signal indiquant la bonne santé des “petites notes” françaises : sept albums francophones se hissent parmi les dix meilleures ventes du marché. Morceaux choisis : Notre Dame de Paris, Louise Attaque, Céline Dion, etc. Cependant un bémol majeur altère désormais le rythme du marché de l’édition du disque : la piraterie, rendue aisée par la maîtrise des nouvelles technologies. Graveurs de CD que l’on trouve librement pour quelque 2 000 ou 3 000 F dans les rayons de la distribution informatique, sites internet offrant la possibilité de copier à discrétion (au prix d’une communication téléphonique) les derniers albums du hit-parade, etc. : autant d’outils creusant les manques à gagner des maisons de disques internationales risquant, à terme, de les mettre en péril. Certes les majors (Sony Music, Seagram*, BMG, etc.) et les indépendants (Naïve-Auvidis, Musisoft, etc.) se livrent bataille, à grands renforts de plans marketings (publicité, promotions, éditions de journaux, etc.), de maîtrise des canaux de distribution, et de possessions de catalogues de référence, sur le marché de l’édition. Mais, au vu du développement du piratage, ils font aujourd’hui corps en livrant un combat sans merci aux pirates. Leurs plans d’attaque : informer pour dissuader (cf. la campagne publicitaire “Vendre une copie peut vous rapporter bien plus que prévu**”, co-signée du Snep, de l’Adami, etc.), obtenir du gouvernement l’interdiction de la copie de CD, etc. Un combat mené à l’unisson pour que la musique continue à être “bonne” en affaires. * En rachetant PolyGram Music et PolyGram Film Entertainment en 1998 à Philips, le groupe canadien Seagram a donné naissance à un mastodonte, UMG. ** Deux années de prison, 1 000 000 F d’amendes et la saisie de la copie.

“Un éditeur doit vendre au minimum 80 000 unités d’un album d’un jeune artiste français pour amortir les coûts d’enregistrement (entre 500 et 800 KF) et les frais marketing (environ 1,5 MF).” Jean-François Loury, directeur général adjoint en charge du département commercial de Sony Music France. Jean-François Loury se définit comme un “vieux routier sympa” œuvrant sur le marché du disque pour la même entreprise, Sony Music France, depuis 33 ans. Aujourd’hui directeur général adjoint en charge du commercial de la “major” réalisant 2,5 MdF de CA en 1998 et au catalogue riche d’environ 7 à 8 000 références dans tous les domaines musicaux (variété française, internationale, enfants, etc.), il orchestre les actions d’une force commerciale composée de six directeurs régionaux, 40 représentants et 12 promoteurs des ventes. Leur mission : assurer non seulement le référencement et la visibilité optimale des titres produits et édités par les labels “maisons” dans les points de vente, en s’appuyant sur des actions marketing nationales et régionales, mais également ceux des albums pour lesquels Sony Music a signé des accords de distribution avec d’autres éditeurs (Trema, Walt Disney Music, etc.). Afin d’optimiser la réactivité de son activité commerciale, Sony Music France n’a par ailleurs pas lésiné sur les moyens : “Tous nos représentants sont désormais équipés de portables et de GSM data qui leur permettent de faire écouter, en “live” et en avant-première, le disque d’un artiste, de montrer son clip et les plans marketing qui accompagneront sa sortie et de transmettre les commandes des distributeurs à l’entrepôt en leur garantissant la livraison des produits sous 24 heures”, explique Jean-François Loury. Un moyen efficace d’assurer la présence de la marque dans un marché en proie aux desiderata de fans impatients d’écouter leurs musiciens préférés.

“Les maisons de disques indépendantes ont leur place à côté des majors.” Jean-François Gourlay, directeur commercial de Naïve-Auvidis Fondée il y a un an par Patrick Zelnik, ancien de Virgin, qui a également racheté Auvidis, Naïve dispose d’une force de vente de neuf commerciaux. “Indépendants, nous éprouvons plus de difficultés à imposer notre catalogue en magasin car les revendeurs rationalisent aujourd’hui leur offre à l’extrême. C’est la grande concentration : il existe de moins en moins d’éditeurs, de distributeurs et de points de vente. La distribution est dominée par les ventes en grandes et moyennes surfaces qui proposent un nombre de références limité, mais à fort impact, qu’elles vendent comme des pâtes. Seuls les hypermarchés Leclerc travaillent différemment, c’est pourquoi ils assurent environ 10 % de notre distribution. Ils ont ouvert des centres culturels à part des surfaces de vente alimentaire et proposent un large référencement. Ils n’ont rien à envier aux spécialistes comme la Fnac ou Virgin. La Fnac assure 30 à 40 % de notre distribution, et Virgin 10 %. Pour le reste, nous misons énormément sur les petits disquaires indépendants. Nous démarchons le plus de clients possibles chaque semaine, afin d’assurer aux artistes une exposition maximale. Lorsque les artistes seront lassés d’être promus à la chaîne par des commerciaux qui essaient de placer trente artistes différents à la semaine chez chaque revendeur, il y aura plus de place pour les maisons de disques indépendantes. Les autres formes de distribution, le commerce électronique, représentent une part marginale. L’achat d’un disque passe par le toucher. Ancien vendeur de PolyGram, je sais que lorsque vous mettez un disque dans la main d’un client, il a beaucoup de mal à le reposer.”

“Il existe un moyen de lutter contre la piraterie : miser sur la qualité de nos produits et surtout dans leur valeur ajoutée, jaquettes, livrets de paroles, etc.” Rodolphe Buet, directeur commercial de BMG France. Vous ne pouvez pas exercer le métier de directeur commercial d’une maison de disque si vous n’êtes pas, à la base, un passionné de musique, tranche Rodolphe Buet, directeur commercial de BMG, filiale du groupe Bertelsmann. Ce marché impose en effet le rythme de vie de tout directeur commercial d’entreprise auquel se greffe de surcroît un fort degré d’implication personnelle avec le produit, comme se rendre aux concerts des artistes.” Certes féru de notes musicales, Rodolphe Buet n’a cependant pas fait ses premiers pas professionnels dans cet univers mais au sein du groupe Danone, division produits frais. Après un passage chez Warner, il accepte ensuite, au milieu des années 90, la proposition de tenir les rênes de la direction commerciale de BMG. Une de ses premières missions fut alors de “dessiner le nouveau visage de la structure commerciale, composée aujourd’hui de 25 représentants, afin d’optimiser la couverture des points de vente et le nombre de visites rapprochées sur un marché caractérisé par un cycle de vie des produits très court.” Mais aujourd’hui, à l’instar de l’ensemble des acteurs du marché, Rodolphe Buet a une préoccupation majeure : le piratage. “Lorsque l’on sait qu’il s’est vendu 30 millions de disques vierges en 1998, que ce chiffre a été multiplié par quatre en un an et qu’un codage, rendant caduque l’activité de la copie, exige des maisons de disque une refonte entière de leur process industriel, s’inquiète Rodolphe Buet, les éditeurs et le gouvernement doivent se mobiliser pour lutter contre ce fléau. Sinon on risque de voir se tarir les productions musicales et disparaître bon nombre de maisons de disques.”

Repères en chiffres - - Les chiffres du 33e Midem (marché international de l’industrie musicale), qui s’est tenu à Cannes du 24 au 28 janvier 1999 : 11 257 participants (9 757 professionnels et 1 500 musiciens), 93 pays représentés, et 4 261 sociétés dont 2 328 exposantes. - La France occupe le 4e rang du marché mondial du disque derrière les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne. - 118 millions d’albums ont été vendus en France en 1998 (711 millions aux USA) et 40 millions de CD “single”.

 
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M.-P. Vega

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