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Dell, numéro un mondial du matériel informatique

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Dell affiche une croissance insolente. Le secret de son succès ? Vendre au client final un produit sur mesure, à un coût modique.

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Avec environ 12 % du marché français, selon l’institut IDC, Dell est le troisième constructeur informatique de l’Hexagone, derrière HP et Nec. Une position qu’a,paradoxalement, confortée le récent rachat de Compaq par HP. Ainsi, au troisième trimestre 2002, alors que le marché des ventes de micro informatique connaissait, en France, une croissance moyenne de 5,4 %, Dell, lui, a vu ses ventes faire un bond de plus de 25 % (source : IDC) ! D’ici quelques années, Dell pourrait donc devenir numéro un en France, comme c’est le cas ailleurs dans le monde. Cette réussite s’explique par un modèle extrêmement original et même unique sur le marché de l’informatique. Dell est en effet le seul constructeur à ne vendre qu’en direct, sans aucun intermédiaire. C’est également le seul à ne produire que le matériel effectivement commandé. Enfin, dernière spécificité, et non des moindres : Dell est le champion de la personnalisation de l’offre, puisque chaque client peut configurer très exactement la machine qu’il commande en fonction de ses besoins précis. Autrement dit, Dell est une entreprise atypique, qui a bâti son succès en adoptant des préceptes contraires à ceux qui ont cours dans l’industrie depuis l’essor du capitalisme au début du XXe siècle, dont les maîtres mots sont “production de masse” et “standardisation de l’offre”. Cette étonnante réussite se traduit également dans l’adoption d’Internet comme canal de vente essentiel : il représente aujourd’hui la moitié du chiffre d’affaires de Dell, quand il ne pèse souvent, au mieux, que 3 % dans les autres entreprises qui se sont essayé à l’e-commerce. À l’origine de cette success-story mondiale, il y a un homme : Michael Dell, qui a créé la société dans sa chambre d’étudiant, en 1984, alors qu’il n’avait que 18 ans ! Ce gourou visionnaire a inventé la nouvelle économie avant l’heure.

1/Un modèle de la vente directe

Chez Dell, la vente directe est une véritable religion. « Pour nous, explique Emmanuel Mouquet, le directeur marketing France, cela signifie n’avoir aucun intermédiaire inutile qui nuirait à la qualité et augmenterait les coûts. » Autrement dit, il arrive que Dell travaille avec des Var’s ou des intégrateurs de systèmes, mais, si c’est le cas, le constructeur le fait dans une relation de partenariat et jamais dans une relation de fournisseur à distributeur. Concrètement, Dell distribue et vend tous ses produits et services directement à ses clients par trois canaux : la vente directe en face-à-face, la télévente et l’e-commerce. À chacun de ces canaux est affectée une typologie de clientèle. Ainsi, la force de vente terrain a un rôle de prospection de nouveaux clients B to B et de suivi de la relation commerciale avec les grands comptes. « Un très gros prospect qui n’a jamais acheté chez Dell va recevoir la visite d’un commercial. Le face-à-face est évidemment essentiel dans cette première phase. Mais, au fur et à mesure que nous construisons une histoire avec ce client, la présence du commercial diminue. Il continue de rencontrer le client, mais plus occasionnellement, lorsqu’il a un projet d’envergure. » Les commerciaux du centre d’appels s’adressent, pour leur part, aux PME-PMI ainsi qu’aux grands comptes, mais cette fois pour des commandes dont le montant est plus modeste. Quant au site Web, il est destiné essentiellement aux prises d’ordres à plus faible valeur ajoutée, pour tous ces clients, ainsi qu’à la vente aux TPE et aux particuliers, même si cette dernière cible ne représente qu’environ 5 % du chiffre d’affaires. Aujourd’hui, Dell est le premier e-marchand mondial. La moitié du chiffre d’affaires est d’ailleurs généré en ligne et, chaque jour, les commandes virtuelles représentent 60 à 70 millions d’euros de revenus ! C’est dire l’importance de ce canal. C’est ce modèle direct qui permet à Dell d’entretenir une politique de prix bas. « Comme nous vendons nous-mêmes à tous nos clients, nous les connaissons tous très bien. Cette connaissance nous permet d’affecter à chacun les ressources nécessaires. » En clair, Dell peut mixer et optimiser les différents canaux de vente selon la profitabilité et les besoins de sa clientèle. Mais le modèle de vente directe a une limite importante : construire un nouveau marché prend beaucoup de temps. C’est sans doute la raison pour laquelle Dell a développé une “culture du secret”, en refusant de communiquer des chiffres aussi stratégiques que le nombre de commerciaux en France ou le chiffre d’affaires de ses différents marchés. « Lorsque Dell arrive dans un pays, il lui faut convaincre client par client. Une entreprise qui choisit d’avoir un réseau de revendeurs dispose, quant à elle, de commerciaux établis qui, potentiellement, peuvent vendre du jour au lendemain à des clients qu’ils connaissent déjà. Ce n’est pas notre cas et c’est ce qui explique une croissance relativement lente et étalée sur plusieurs années, car nous ne bénéficions pas de l’effet démultiplicateur de l’indirect. » Cela se traduit d’ailleurs très clairement dans les parts de marché. Aux États-Unis, son berceau historique, Dell a raflé 28 % du marché, contre 16 % en moyenne à l’international. Un chiffre qui tombe à moins de 8 % en Asie, marché sur lequel Dell ne s’est implanté qu’à la fin des années 90. Néanmoins, l’informaticien n’entend pas remettre en cause son modèle direct. « C’est parfois tentant, reconnaît volontiers Emmanuel Mouquet, mais la vente indirecte ne nous avantagerait qu’à très court terme. Cela ajouterait des coûts intermédiaires sans surcroît de qualité, au contraire. »

2/Sur mesure et à la demande

Outre la vente directe, Dell s’appuie sur un autre pilier fondateur, sans lequel sa stratégie commerciale de vente directe ne pourrait pas exister : fabriquer exactement ce que chaque client souhaite et, donc, uniquement à la demande. Là encore, c’est le contre-pied du traditionnel modèle industriel “fordiste”, basé sur la production de masse d’un produit standardisé. « L’an passé, nous avons fabriqué 17 millions de systèmes informatiques et il n’y en avait pas deux identiques ! », lance Emmanuel Mouquet. Chez Dell, la personnalisation n’est pas un vain mot. Lorsqu’un client, quel qu’il soit – entreprise ou particulier –, passe sa commande, il doit choisit les caractéristiques du matériel qu’il veut : du type de processeur au genre de l’écran, en passant par toutes les options techniques (cartes d’acquisition vidéo, vitesse du graveur de CD-Rom, logiciels à installer, type de modem, etc.). Dell propose d’ailleurs à ses clients grands comptes des extranets dédiés : il en existe un peu plus de 60 000 dans le monde. « Un client, commente Emmanuel Mouquet, y trouve toutes les informations qui le concernent : ses contacts chez Dell, ses historiques de commande, les documents techniques concernant ses produits, etc. Et il bénéficie de services comme l’envoi d’e-mails d’alerte, par exemple, pour le prévenir qu’une commande va lui être livrée ou est en cours de fabrication. » Pour réussir le pari de produire sur mesure sans faire exploser les coûts, Dell a bâti un modèle de production particulier et ingénieux. Lorsque l’entreprise reçoit une commande, celle-ci est découpée en composants qui constituent le produit. La liste des composants est alors transmise aux fournisseurs qui disposent de “hubs”, sorte de plateformes logistiques à proximité des usines. Chaque jour, toutes les deux heures, des camions font la navette entre les fournisseurs et les sites de production. Lorsque tous les composants sont livrés, ils sont assemblés dans des microateliers avec une personne qui les fabrique ainsi de A à Z. Des tests de qualité sont alors réalisés par un autre atelier, qui peut ensuite pousser la personnalisation encore plus loin, en mettant, par exemple, la machine aux couleurs de l’entreprise ou en installant un logiciel “maison”, spécifique au client ! La commande est ensuite livrée. Entre le moment où elle est passée par le client et où elle arrive chez lui, sept jours se sont écoulés au maximum. Cette fabrication à la commande apporte de nombreux avantages. Le premier est d’ordre économique. « L’informatique est un secteur où les prix des composants diminuent chaque jour. Lorsque nous passons commande à nos fournisseurs, on achète les composants au prix du marché. Ce n’est pas le cas de nos concurrents. Eux fabriquent en masse, puis livrent leurs grossistes et revendeurs avec des machines qui vont rester en stock entre 60 et 70 jours en moyenne, et qui devront donc être vendues au prix du marché au moment où elles ont été produites, c’est-à-dire plus cher. Nous répercutons l’économie que nous réalisons en achetant au juste prix sur le prix de vente final, ce qui peut représenter une différence d’environ 5 à 10 % du prix de vente aux clients, à machine équivalente. »

3/One to one client

Peu de grandes entreprises peuvent se targuer de faire du “one-to-one”, mais Dell fait assurément partie de celles-ci. Le fait de vendre en direct donne une connaissance approfondie de chaque client. Quand les autres constructeurs informatiques passent par des grossistes et des revendeurs sans savoir qui sont leurs clients finaux, Dell connaît le nom de chacun d’entre eux ! Et cela change bien des choses dans la relation entre le fabricant et les utilisateurs. C’est un gage de qualité et de réactivité. « Chaque matin, le service de support technique fait, avec les usines, un bilan des incidents déclarés par les clients la veille. Cela permet de repérer les problèmes éventuels avant qu’ils ne tournent à l’accident industriel. » Exemple : l’an passé, le service support s’est aperçu que nombre de clients se plaignaient d’une surchauffe de batteries de portables avec des risques d’endommagement des ordinateurs. « Dès que ce problème a été détecté, nous avons arrêté la production pendant une semaine, fait des tests et identifié le problème, qui venait de l’un de nos fournisseurs. Nous avons alors trouvé une solution de remplacement et redémarré la production. » Entre temps, Dell a écrit à chacun de ses clients susceptible d’être concerné par l’incident et offert deux nouvelles batteries. Un mois et demi plus tard, les concurrents de Dell se rendaient compte qu’ils avaient le même problème et qu’ils n’avaient aucun moyen de le faire savoir à leurs clients, sauf en mettant un message d’alerte sur leur site Web ! « La qualité induite par notre modèle, analyse Emmanuel Mouquet, génère des gains en terme de coûts. » Et, surtout, la connaissance du client est à la base d’une bonne gestion de la relation avec lui. Plus que tout autre, c’est un élément essentiel dans la fidélisation.

Marketing direct

Des dépenses de communication mesurées L’un des credo de Dell est la maîtrise des coûts. Ainsi, le constructeur informatique prend garde à ses dépenses en communication et en marketing, et fait l’impasse sur les campagnes institutionnelles. « Lorsqu’une campagne de communication est menée, explique Emmanuel Mouquet, le directeur marketing, nous mettons en avant un produit en particulier. Et il y a toujours un numéro de téléphone dédié à cette campagne. Cela nous permet de mesurer précisément son efficacité. » Dell sait ainsi combien de personnes ont témoigné leur intérêt en téléphonant et, ensuite, combien ont acheté. « Le principe, c’est que la campagne doit au moins s’autofinancer. » Par ailleurs, Dell recourt massivement au marketing direct. Et pour cause : l’entreprise connaissant chacun de ses clients, elle dispose d’une base de données complète, précise et fiable, qui permet de mener des campagnes d’e-mailing de fidélisation efficaces. Résultat : les coûts structurels de Dell (comprenant le support, les ventes, le marketing) s’élèvent à seulement 10 %, quand les concurrents flirtent allègrement avec les 20 % !

Historique

Un patron visionnaire Michael Dell a 18 ans lorsqu’il fonde sa société. Il abandonne ses études, car il est persuadé, dès 1984, du grand avenir de la micro informatique. « À cette époque, raconte-t-il, un PC coûtait l’équivalent de 3 000 euros dans le commerce. Cependant, j’avais remarqué que ses composants pouvaient être obtenus pour 700 euros. En outre, les responsables des commerces informatiques connaissaient mal leurs produits et avaient peu à offrir en terme de support. J’en ai conclu que je pouvais construire mes propres ordinateurs et concurrencer les commerces, tant au niveau des prix que de la qualité du service. » Michael Dell a donc l’idée de créer une société qui produirait les ordinateurs à la demande, en fonction des besoins de chaque client et en les vendant directement, sans passer par des revendeurs. Une stratégie innovante, qui permet à l’entreprise de compter aujourd’hui 40 000 collaborateurs et d’afficher un chiffre d’affaires de près de 40 milliards d’euros dans le monde. Dans les années 90, Michael Dell a, par ailleurs, su prendre le virage de l’e-commerce, là encore avec succès. Résultat : aujourd’hui, Dell est le premier constructeur informatique dans le monde.

 
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Frédéric Thibaud

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