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France /USA : dépasser préjugés et stéréotypes

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Une étude menée par Inter Cultural Management Associates de chaque côté de l’Atlantique expose une vision des relations franco-américaines dans le domaine de la négociation. Points de confrontations : l’attitude lors de la discussion, le processus de décision et l’élaboration du contrat.

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La bannière étoilée des États-Unis affiche cinquante états qui font paraître nos vingt-deux régions bien étroites. Voilà un pays où foisonnent les start-up grâce au venture-capital. Les entrepri-ses stars des nouvelles technologies sont aussi connues que celles d’Hollywood. Ces pos-sibilités de réussite rapide impressionnent nos esprits cartésiens. Entre les deux peuples, il y a de la passion, de l’estime mais aussi de l’incompréhension et parfois de l’agacement. L’histoire donne quelques clés : Les Français ont dominé le XVIIème siècle. Les Américains dominent ce siècle. Sans leur épée, remisée au musée, les descendants des Mousquetaires du roi se sentent désarmés face à un peuple de cow-boys qui garde le droit de porter un revolver. Si encore les Américains connaissaient la France et son brillant passé. Mais non ! Les Français, même en affaires, avouent être blessés par cette ignorance de leur culture et de leurs valeurs. Les Américains s’en rendent bien compte mais notre orgueil les énerve prodigieusement. "Les Français, dit l’un d’eux, n’ont aucun complexe, sont très fiers d’eux-mêmes, de leur éducation. Ils sont absolument inflexibles." La négociation comme un défi Cet état d’esprit se traduit dans la négociation. De par son éducation, le Français adore discuter et argumenter, et attache peu de valeur à l’art du compromis. "Pour moi, explique l’un d’entre eux, la négociation représente un défi intellectuel où il s’agit de gagner." C’est avec une profonde méfiance et un sentiment de frustration que les Américains réagissent à ce type d’approche. "Si un Français trouve une faille dans votre démonstration, rien ne va plus…" Cette volonté de domination intellectuelle est pour les Américains un des plus grands obstacles à surmonter. D’autant qu’ils privilégient de leur côté le style franc et direct. Un moyen plus efficace à leurs yeux pour arriver à un accord rapide. Les attitudes dites "positives" dans certaines cultures sont précisément celles qui mettent mal à l’aise dans d’autres. Si les Américains ne se sentent pas mis en cause personnellement quand on émet des critiques sur leur travail, les Français sont choqués par ce qu’ils jugent être une attitude agressive. Alors que le seul but des Américains est d’atteindre les objectifs, avec pragmatisme. Il n’empêche que, malgré un très grand sens de l’organisation, ils restent détendus lors des négociations : "Ils racontent souvent des blagues, note un Français. Mais ce sont de vrais professionnels. S’ils ne savent pas répondre à une question, ils le disent." Les deux parties se retrouvent sur un reproche : un manque d’ouverture sur le monde et d’effort pour comprendre les autres : "Les Américains, estiment les négociateurs français, placent tout dans un contexte américain et pensent que leurs méthodes sont les meil-leures. Tout ce qui n’est pas américain leur paraît bizarre." Les Américains formulent la même accusation vis-à-vis des Français : "Ils ont le réflexe de dire "ça ne vient pas de chez nous"." La langue de travail est bien sûr l’anglais des affaires. Ce qui génère parfois des quiproquos se-lon le degré de maîtrise des subtilités linguistiques. Gare aux faux-amis ! Ils ne font pas bon ménage en négociation. "À un moment, raconte un Français, nos homologues américains ont compris que nous voulions "durcir" les négociations. Inquiets, ils se mirent à baisser leurs prix. En réalité, nous avions voulu dire "consolider"." La domination des juristes Les Français s’attachent à l’esprit du contrat alors que les Américains veulent avant tout que ce dernier soit rédigé avec précision. Cette ap-proche divergente empoisonne les relations entre les deux parties. "Les équipes de négociation américaines sont trop souvent prises en main par les avocats, et les hommes d’affaires sont finalement moins nombreux que leurs "anges gardiens" juristes." Les conséquences sont visibles. Négociateurs français et américains avou-ent passer parfois plus de temps sur des questions juridiques que sur les vrais problèmes. "Nos contrats prévoient tout et nous allons souvent en justice", expli-que un négociateur américain. La longueur de ces contrats mécontente les Français qui ont moins l’habitude d’être confrontés à des litiges et règlent les problèmes directement par la négociation. Avec les Latins, une deuxième négociation est en général indispensable. C’est précisément ce que les Américains s’efforcent d’éviter. Portant à la réalisation des objectifs une grande attention, ils prennent leurs précautions. "Tout ce que les Français veulent, c’est emporter la négociation, dit l’un d’eux. Si le contrat n’est pas exécuté, tant pis…" En France, la négociation commence une fois que le contrat est signé, et on se retrouve alors face à un plan d’exécution interminable. "Nous avons certainement beaucoup à apprendre des Américains en ce qui concerne cette phase d’exécution", note en conclusion un né-gociateur français.

"Les Américains ont un franc-parler brutal et cassant. Ils sont tout simplement trop directs. Ils n’épargnent pas leur adversaire. Et ils ne se gênent pas pour dire : c’est évident que vous n’avez pas lu tel ou tel article du contrat." Cette opinion vient d’un Français interrogé pour une étude sur la négociation franco-américaine menée par Inter Cultural Management associates. ICM, dont Marc Raynaud est un des directeurs associés, est une équipe composée de consultants de cultures différentes qui aide, depuis 15 ans, les entreprises et leurs managers à réussir au-delà des frontières en s’adaptant aux changements de l’environnement international. Que perçoit l’autre ? Préparer et mener une négociation interculturelle suppose de répondre à cette question afin de dépasser les préjugés et les stéréotypes.

"Il peut très bien arriver, fait remarquer un homme d’affaires américain, qu’un négociateur français fasse un excellent travail et qu’un de ses supérieurs hiérarchiques change tout." Les relations hiérarchiques et les processus de décision diffèrent entre les deux pays. Les Américains donnent à leurs négociateurs un grand pouvoir de décision. Leurs homologues Français n’ont pas toujours la même marge de manœuvre. Ce décalage nuit au bon déroulement des négociations et produit des effets pervers. Le bel édifice patiemment construit se voit alors détruit d’un coup de griffe. On comprend mieux pourquoi les Américains se plaignent de considérations "politiques" qui leur échappent. Eux ont la sensation que leurs objectifs sont clairs et nets.

Conseils à trois temps pour les Français 1 Se préparer : Définissez précisément les objectifs, sinon les Américains seront déconcertés. Ne vous laissez pas surprendre par leur sens de l’efficacité. Révisez votre anglais en lisant la presse économique anglo-saxonne. 2 Se comporter : Restez calme lorsque vos interlocuteurs évoquent la "puissance américaine". Faites preuve de bon sens en vous exprimant avec des termes simples. Ne faites pas étalage de vos références culturelles. De toute façon, les Américains sauront rarement à quoi elles correspondent. 3 Négocier : N’hésitez pas à demander des éclaircissements sur un point ambigu. Soyez ferme lorsque les Américains exposent leurs exigences. Allez droit au fait qui vous préoccupe. Prenez les services d’un avocat d’affaires si possible inscrit à un barreau américain. Gardez à l’esprit que ce qui compte est le contrat et non ce qui est dit.

 
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Marc Raynaud, directeur associé. MRaynaud@icmassociates.com

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