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Le secteur public à la (re)conquête de ses clients

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Les entreprises publiques conquièrent, bichonnent et sondent leurs ex-usagers comme n’importe quelle société privée.

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De l’“usager” au “client”, il y a un monde. Un monde que les entreprises françaises de service public sont en train de traverser. De La Poste à EDF, en passant par la SNCF, la RATP ou France Télécom, le changement de rhétorique a déjà eu lieu, vers la fin des années 90. Mais il ne suffit pas de dire que l’on a des clients pour que ceux-ci soient considérés comme tels et que les travers du service public – lenteur, service quasi inexistant, difficulté à faire entendre ses réclamations, etc. – soient aussitôt dissipés. Il n’empêche : ces services publics sont de plus en plus gérés comme des entreprises privées, qui doivent se soucier du client pour le fidéliser. D’ailleurs, pour nombre d’entre elles, c’est une nécessité, car le monopole dont elles bénéficiaient autrefois existe de moins en moins. De plus, la pression de l’ouverture à la concurrence privée les pousse à briser un tabou : celui de la rentabilité, du marketing et du commercial. Et voilà France Télécom qui baisse ses tarifs, La Poste qui accueille ses clients avec le sourire, EDF qui interroge ses clients sur leurs attentes, la SNCF qui mise sur une stratégie multicanal, etc. Bref, le service public, dans son ensemble, adopte une “culture client”. Nous avons choisi, ici, de présenter la stratégie de gestion de la relation client des trois entreprises les plus exemplaires en la matière : La Poste, la SNCF et France Télécom.

1. La Poste concilie service public et relation client

Si elle reste attachée à sa vocation de service public, La Poste a fait sa révolution, mettant le client au cœur de ses préoccupations. Dans ses bureaux, tout d’abord, puisque les 60 000 guichetiers ont été formés à la relation client, qui passe par l’accueil et la compréhension des besoins. “ Nous mesurons tout cela en envoyant dans nos bureaux des clients mystères ”, explique Daniel Catzaras, directeur qualité du groupe. Par-delà leur mission sociale – ils ont un rôle d’écoute, dans les zones défavorisées notamment – les postiers s’apparentent aujourd’hui à des commerciaux sédentaires, capables de préconiser des solutions, mais aussi d’éduquer le grand public. “ La Poste a joué un rôle clé dans le passage à l’euro ”, rappelle Daniel Catzaras. De fait, guichetiers et facteurs, munis de convertisseurs, ont aidé nos concitoyens à appréhender ce virage. “ Nous avons même recruté 3 000 jeunes et accueilli plus de 2 000 jeunes retraités volontaires afin d’aider les guichetiers dans ce travail. ” Car La Poste est plus attentive que jamais à l’opinion que les Français se font d’elle. Elle la mesure d’ailleurs une fois par an, et envisage d’établir ce baromètre à intervalles plus réguliers. “ Nous faisons appel à un prestataire, ce qui garantit l’impartialité des résultats ”, souligne le directeur de la qualité. Un investissement qui ne reste pas sans effet : “ Les conclusions du baromètre sont évoquées lors du conseil de direction, qui décide des plans d’action à mettre en œuvre. ” C’est ainsi que le groupe national a décidé de spécialiser chacun de ses établissements, soit dans la relation commerciale, soit dans la distribution du courrier, afin d’aiguiser leurs compétences. “ Auparavant, chaque bureau exerçait deux activités : outre son rôle de guichet, il agissait tel un centre de production. Nous sommes en train de modifier cette organisation pour les 2 000 plus grands bureaux, que nous spécialiserons dans une seule mission. ”

Tables rondes pour clients insatisfaits

Mais La Poste va plus loin : pour connaître l’avis de ses consommateurs, elle n’hésite pas à les réunir pour mieux les écouter. Profitant du passage aux 35 heures, par exemple, elle a souhaité adapter son niveau de service aux exigences de son public. “ Nous avons donc multiplié les tables rondes au niveau local, afin de cerner les attentes précises de nos clients. ” Conséquence : les bureaux des centres commerciaux ont été ouverts le samedi ; ceux d’Île-de-France, plus tard dans l’après-midi. Et une nouvelle série de tables rondes est prévue en 2002 ! “ Reste que nous pêchons encore sur le traitement des réclamations, reconnaît Daniel Catzaras. Nous allons donc organiser des tables rondes de clients mécontents. ” Enfin – signe des temps – La Poste vient de se fixer une obligation contractuelle de résultat vis-à-vis de ses clients VPCistes, qu’elle s’est engagée à rembourser (totalement ou partiellement) si elle ne respectait pas ses délais. “ Les pénalités de retard que nous avons versées ont été insignifiantes, car nous avons presque toujours livré à temps. ” À quand la qualité garantie pour tous ? “ C’est pour bientôt, répond sans ambage le directeur qualité. Dès 2002, en effet, nous étendrons ce dispositif aux grands comptes. Puis, nous éditerons une “charte”, affichée dans nos bureaux, qui concrétisera les engagements qualité que nous prendrons à l’attention de nos tous nos clients. ”

2. France Télécom riposte à la concurrence

Il y a bien longtemps que France Télécom s’est mis à l’heure de la libre concurrence. Après avoir fait face, en janvier 1998, à l’ouverture du marché des communications nationales et internationales, puis, en novembre 2000, à celle du trafic vers les téléphones mobiles, l’opérateur national vient de franchir une nouvelle étape dans sa conquête de la clientèle hexagonale. Le 1er janvier dernier, en effet, la suppression de la “zone locale de tri” a sonné le glas de tout monopole dans les télécommunications, offrant aux opérateurs alternatifs l’opportunité de s’installer sur le marché – très convoité – des communications locales. “ La fin du monopole marque, pour France Télécom, une étape décisive, confie Arnold Ghinsberg, directeur du développement des ventes au sein de la branche “distribution”. Nous nous y préparons depuis de longues années. ” De fait, l’ouverture des marchés a conduit le groupe national à modifier de fond en comble sa philosophie d’entreprise. Premier changement : une baisse drastique (bien que progressive) des tarifs. Sur les communications nationales, par exemple, France Télécom a divisé ses prix par quatre en cinq ans ! “ Nous avons également simplifié notre structure tarifaire pour la rendre plus compréhensible aux clients. ” Témoin de ce virage, la généralisation des forfaits, comme “local pro”, “local PME” ou encore “heures locales”, lancé en janvier, pour contenir l’assaut de la concurrence.

Faire acheter et faire consommer

Mais, par-delà l’offre et les tarifs, c’est toute la culture de cette grande maison qui a évolué sous la houlette de son président, Martin Vial. “ Historiquement, nous sommes une entreprise technicienne, reconnaît Arnold Ghinsberg, et certains clients n’hésitaient pas à nous le faire remarquer. Nous avons donc placé le client au cœur de notre stratégie. ” Concrètement, le groupe a transféré une partie de son personnel technique vers des fonctions commerciales : désormais, ce sont quatre centres d’appels (sans compter ceux d’Orange et de Wanadoo), ainsi que 650 points d’accueil qui gèrent, au quotidien, les relations avec les… 55,3 millions de clients de l’Hexagone. Des points d’accueil qui comprennent, outre le back office, un espace de vente conçu comme une véritable boutique. “ Notre nouveau concept d’aménagement se veut convivial et ouvert, propice à la vente debout. ” L’information y est renforcée, les produits sont en libre accès. Comme dans n’importe quelle enseigne de la grande distribution, les consommateurs peuvent y voir, toucher, comparer les produits. “ Notre objectif ? Les faire acheter, mais surtout les faire consommer de l’usage en les accompagnant dans la durée. ” France Télécom l’a compris : un client satisfait a de bonnes chances d’être fidèle. “ Lorsqu’une personne ou une entreprise a acheté un service qu’elle n’utilise pas, nous l’appelons pour voir si cela relève d’un problème de compréhension et nous assurer qu’il correspond bien à son usage. ” D’ailleurs, l’opérateur va jusqu’à offrir à ses abonnés un diagnostic gratuit de sa consommation téléphonique : après avoir analysé leur comportement de “téléphonivores”, il leur prescrit les services, forfaits et options les plus avantageux. Enfin, toujours dans le but d’osculter des clients qui peuvent – enfin – faire preuve d’exigence, France Télécom a également redéfini la mission de ses personnels dits “d’intervention”. “ Le dépannage est aujourd’hui considéré comme un service commercial, reprend Arnold Ghinsberg. Nos techniciens savent qu’ils représentent une marque et une entreprise ; ils ont un rôle à jouer vis-à-vis de nos clients. ” Dès qu’ils détectent un besoin, ils remplissent une fiche, afin de faire remonter l’information vers le service concerné. “ Quel que soit son interlocuteur, le contact client est tracé. ” Chez France Télécom, le CRM n’est pas un vain mot.

3. La SNCF mise sur le multicanal

Avec ses 13 millions de voyageurs annuels, la SNCF est l’une des premières entreprises françaises de service public à avoir fait sa “révolution client” : du centre d’appels au site Web, en passant par les guichets de réservation, elle développe une véritable stratégie multicanal qui peut laisser rêveuses bien des entreprises privées. Et encore n’est-ce, pour le grand public, que la partie visible de l’iceberg ! Car la SNCF fait surtout porter ses efforts sur ses clients les plus rentables : ceux que l’on appelle les “grands voyageurs” (plus de 50 trajets par an), les clients B to B et les porteurs de cartes (seniors, jeunes, etc.). Ces clients, qui représentent 20 % du nombre total de voyageurs, génèrent, à eux seuls, 50 % du chiffre d’affaires. Ce sont donc eux que l’on bichonne et que l’on soigne en priorité. “ Nous leur envoyons des newsletters personnalisées par courrier et, bientôt, chacune de ces cibles disposera d’un site Web spécifiique, explique Sylvie Latour, directrice marketing “grandes lignes”. Certains, comme les grands voyageurs, ont déjà un service client avec un numéro de téléphone dédié leur permettant de modifier leurs réservations et nous mettons en place pour eux des salons d’attente. ” De la même manière, les seniors bénéficient d’une prise en charge de leurs bagages ou d’un service de location de voitures à la descente du train. Des efforts qui semblent d’ailleurs porter leurs fruits, puisque la SNCF fait part d’un taux de satisfaction de 80 % pour les grands voyageurs, de 98 % pour les seniors et de 95 % pour les 12-25 ans. “ Nous développons cette politique de gestion de la relation client depuis 1998, précise Sylvie Latour. À cette époque, nous avons mis en place une nouvelle gamme tarifaire, avec la volonté de nous adresser à différents marchés, différents types de clients, avec des attentes spécifiques. La SNCF est alors entrée dans l’ère du commercial et du marketing. ”

Du prix au service

Une nouvelle stratégie qui s’est également traduite, en interne, par des programmes de formation des guichetiers et des contrôleurs, considérés comme les “commerciaux” de la SNCF. Les vendeurs ont été associés au lancement des nouvelles gammes tarifaires au travers d’ateliers et de “groupes témoins”, faisant remonter les remarques de la clientèle. De plus, les contrôleurs sont aujourd’hui considérés comme des prescripteurs et pas simplement comme de simples exécutants ayant vocation à débusquer les fraudeurs : ils sont, par exemple, incités – dotations à l’appui – à vendre, dans les trains, des cartes de fidélité. Mais les services commerciaux et marketing de la SNCF savent bien que la relation client ne s’arrête pas à l’élaboration de politiques tarifaires. “ Jusqu’à présent, nous avons surtout travaillé sur cet aspect “prix” ; désormais, nous nous attaquons à l’amélioration du service. ” Dernier exemple en date, la création de Radio Ligne, une radio accessible par téléphone : en donnant le numéro du train dans lequel il se trouve, un voyageur sait désormais s’il y a un retard et, le cas échéant, est informé de la raison de ce retard. Et si, avec de tels égards, la SNCF réussissait son pari de nous faire effectivement préférer le train ?

 
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Stéfanie Moge-Masson et Frédéric Thibaud

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