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Nokia Mobile Phone : Comment Nokia rend le marketing très opérationnel

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Le précurseur du GSM a misé sur sa forte notoriété et sa politique de fidélisation pour investir le marché français, toujours sous-équipé.

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Pratiquement un téléphone mobile sur deux vendus en France porte le logo Nokia. Un chiffre qui donne une idée de la puissance de cette marque d’origine finlandaise, leader mondial des constructeurs de téléphones portables. Un succès qui repose sur le produit, d’une désarmante simplicité d’utilisation et réputé pour cela. Nokia n’est évidemment pas épargné par le retournement de tendance qui affecte depuis plus d’un an le marché des télécoms. Mais en France, la situation de la téléphonie mobile est loin d’être aussi délicate que dans d’autres pays européens. Et ce pour une raison simple : notre pays affiche un taux d’équipement en mobiles de seulement 62 %. C’est le plus mauvais score européen car, chez nos voisins allemands, britanniques ou italiens, ce chiffre dépasse souvent les 80 %. Conséquence : la bataille des constructeurs de mobiles en France fait rage, et le marché affiche de belles perspectives de croissance, dont Nokia entend bien profiter pleinement !

1/Un marché d’équipement

Le marché de la téléphonie mobile est comparable à celui de l’Internet en France, car deux types d’utilisateurs coexistent. « D’un côté, on trouve les “early adopters”, explique Frédérick Lecoq, directeur marketing France de Nokia Mobile Phone. Ce sont des personnes qui possèdent un téléphone mobile depuis 1998 environ : nous sommes là sur un marché de renouvellement. Et puis, de l’autre côté, il y a les autres utilisateurs, tous ceux qui commencent à s’équiper ou qui le sont depuis peu de temps : nous sommes, dans ce cas, sur un marché d’équipement. » Ce double marché du mobile est une spécificité française, qui s’explique par les choix stratégiques des opérateurs télécoms. En effet, ceux-ci ont, au départ, privilégié les formules sans abonnement, fonctionnant sur la base du prépayé. Autrement dit, un client achetait un téléphone portable avec une carte qu’il devait recharger chaque mois. Un système qui présente un avantage majeur : il incite le consommateur à s’équiper, car il permet de maîtriser la consommation, et il est plus économique. C’est, au demeurant, la formule adoptée majoritairement dans les pays ayant un fort taux d’équipement, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Mais, s’il est intéressant pour le client, ce choix stratégique peut se révéler difficile à gérer pour les opérateurs, qui n’ont aucune garantie de fidélité des utilisateurs à leur marque : un client “sans abonnement” aura, en effet, une facilité accrue à changer d’opérateur. En France, SFR, Bouygues Télécom et Orange ont donc opéré un revirement total. Après avoir longtemps privilégié ces formules prépayées, ils ont tenté d’en dissuader les consommateurs, au profit de forfaits nettement plus rentables. « Or, même si elle est plus fidélisante, cette approche est nettement moins propice à l’acquisition de nouveaux clients que le prépayé, analyse Frédérick Lecoq, et c’est ce qui explique le sous-équipement hexagonal. Du coup, pour Nokia, les perspectives de croissance en France sont très encourageantes. » L’objectif est, en priorité, d’équiper ceux qui ne le sont pas encore, schématiquement les 12-15 ans et les seniors. La cible des jeunes est relativement simple à séduire : Nokia compte sur le bouche à oreille pour doper ses ventes. « L’équipement se fait dans la cour de récréation, explique Frédérick Lecoq. Le marketing viral joue à plein : un jeune qui voit le téléphone Nokia de l’un de ses amis aura envie d’acquérir le même appareil. À condition, évidemment, que nous soyons en mesure de lui proposer une offre globale adaptée à ses besoins, c’est-à-dire un téléphone sur lequel il peut jouer et une offre qui comprend, par exemple, un service illimité de SMS. » En revanche, sur la cible des seniors, la marque a un vrai travail de conquête à effectuer. « C’est une population qui veut un téléphone très simple d’utilisation, muni d’une housse de protection, le tout pour un forfait modique – les opérateurs proposent tous des miniforfaits actuellement. Nous travaillons donc avec les opérateurs et les distributeurs pour investir ce marché. » Au total, Nokia France dispose d’une force de vente réduite de seulement six personnes. Cet effectif comprend des directeurs de clientèle, qui ciblent chacun des canaux de vente différents. Trois d’entre eux ont ainsi en charge les opérateurs de téléphonie mobile français, l’un s’occupe de la grande distribution – hypermarchés et grandes surfaces spécialisées du type Fnac ou Darty –, un autre démarche les réseaux spécialisés indépendants, le dernier visitant les boutiques que possèdent en propre les trois opérateurs. En revanche, Nokia n’est pas présent sur le secteur de la vente B to B, c’est-à-dire les flottes de téléphones mobiles pour les sociétés. « Nous ne pouvons pas nous développer sur ce segment, explique Frédérick Lecoq, car, pour une entreprise, la notion de services est très forte. » Avant de décider d’équiper ses collaborateurs de terminaux de telle ou telle marque, une entreprise choisit, en effet, les services qu’un opérateur sera en mesure de lui apporter. Sur ce créneau, Nokia travaille donc en collaboration avec les opérateurs, mais ne démarche pas elle-même les entreprises. Cette structure du service commercial suppose d’entretenir d’excellentes relations commerciales non seulement avec les opérateurs, mais également avec les distributeurs. L’objectif étant de les convaincre de vendre un téléphone Nokia plutôt qu’un appareil d’une marque concurrente.

2/Notoriété rime avec services

Nokia capitalise d’abord sur sa marque. « C’est là notre chance, confirme Frédérick Lecoq. Compte tenu de notre notoriété, un consommateur français sur deux achète un mobile Nokia et demande cette marque. Or, le distributeur est soumis à une contrainte de stock : il doit avoir une rotation élevée pour faire du chiffre. Avec Nokia, il sait que c’est possible, et c’est cet argument qui le pousse à mettre nos produits en avant sur le lieu de vente. » Mais ce n’est pas la seule force commerciale de la marque. Pour chaque lancement d’un nouveau terminal, Nokia cherche à cibler les produits et services complémentaires qui peuvent être associés au modèle. Par exemple, si le client visé est jeune, le fabricant va ajouter des services permettant à l’utilisateur de jouer, d’envoyer des SMS, de prendre des photos numériques, etc. Il pourra également adjoindre une façade customisée. « Nous cherchons systématiquement à capitaliser sur la mixité de l’achat : de la même manière que l’on n’achète pas une voiture simplement pour se déplacer, un mobile ne sert pas uniquement à téléphoner. En ajoutant des services, des options en fonction de la cible, nous générons un chiffre d’affaires additionnel qui vient augmenter la marge des distributeurs et des opérateurs. » Sans doute est-ce là, d’ailleurs, l’une des spécificités de Nokia : être en mesure de proposer des services supplémentaires pour se différencier de la concurrence. La marque a donc multiplié les possibilités, pour un utilisateur, de télécharger des sonneries différentes, des écrans de veille, des logos, etc. « Cette personnalisation du terminal est un excellent moyen de nous démarquer de nos concurrents. Et nous poussons cette logique très loin, puisque nous venons de lancer un nouveau service sur notre site Internet : nous proposons aux utilisateurs de personnaliser la façade de leur mobile et de la commander en ligne. » À l’instar des opérateurs de téléphonie mobile, les constructeurs ont un impératif : une fois conquis, le client doit absolument être fidélisé, la durée de vie d’un mobile allant de dix-huit à vingt-quatre mois. Nokia a donc créé un club qui réunit ses utilisateurs les plus constants. « Il s’agit d’un véritable outil de GRC (gestion de la relation client), qui nous permet à la fois de fidéliser ces “accros” de la marque et de les interroger régulièrement », explique Frédéric Lecoq. L’inscription au club est libre, mais Nokia ne cherche pas à multiplier outre mesure le nombre de membres. « Un tel club ne doit réunir que le “noyau dur” des utilisateurs, c’est-à-dire au maximum 10 % des possesseurs d’un mobile Nokia. Au-delà, nous ne pouvons plus réellement proposer des services intéressants. »

3/Les clients sont décideurs

Les aficionados de Nokia bénéficient, dans le cadre du “Club”, d’une information régulière sur la marque et ses nouveautés, mais également d’une sorte de service après-vente. « Par exemple, nous mettons gratuitement à disposition un mobile le temps d’une réparation : c’est un service classique. Mais ce qui les séduit le plus, ce sont les logiciels qu’ils peuvent télécharger gratuitement sur leurs mobiles, les nouvelles versions de jeux, etc. » Quant à la marque, elle dispose, grâce au club, d’un outil de sondage permanent de ses clients. Et elle ne se prive pas de le faire. Régulièrement, un panel de clients est interrogé et incité à donner son point de vue sur des produits, des services, à exprimer ses attentes. « Les résultats de ces enquêtes sont extrêmement intéressants, car, grâce aux remarques de nos clients, nous pouvons être amenés à modifier ou à affiner une offre. » Ainsi, le Nokia 3650, qui va être commercialisé dans ces prochains jours, bénéficiera d’un logiciel intégré. Un mode d’emploi auquel l’utilisateur pourra accéder directement sur son mobile, sans avoir à consulter une version papier, et qui lui apprendra, en temps réel, à prendre une photo numérique avec le terminal, à envoyer un extrait vidéo à un correspondant, etc. « C’est parce que nous avons tenu compte des avis d’un “focus group” du club que nous avons décidé de promouvoir ce service, explique Frédérick Lecoq. Ainsi, nous sommes certains que l’utilisateur sera satisfait. » Par ailleurs, le club Nokia est un formidable outil commercial, qui permet un marketing one to one. Le constructeur possédant les adresses e-mail et postales, ainsi que les numéros de téléphone des membres, des campagnes de marketing direct sont régulièrement organisées, toujours en fonction de “l’actualité” du client. « Par exemple, lorsqu’il possède son mobile depuis dix-huit mois, nous lui envoyons un message pour une offre préférentielle d’achat d’un nouveau terminal. Évidemment, nous choisissons le média – e-mail, SMS mailing ou mailing courrier – en fonction de ses désirs, car nous l’avons préalablement interrogé sur la manière dont il souhaitait dialoguer avec nous. » Enfin, Nokia anime les points de vente dans lesquels les produits sont distribués. Ces opérations peuvent prendre différentes formes. Ainsi, le mois dernier, Nokia a proposé des packs de téléphones portables avec la déclinaison mobile du nouveau jeu pour PlayStation 2, de l’éditeur UbiSoft. Autre exemple : l’an passé, un road show a été organisé dans les cinquante plus importants centres commerciaux de France, pour présenter les nouveaux téléphones permettant de prendre des photographies numériques. Les visiteurs qui le souhaitaient étaient photographiés et repartaient avec le cliché ainsi réalisé. « Ces opérations doivent “théâtraliser” la marque dans les magasins, précise Frédérick Lecoq. Ce marketing opérationnel régulier nous assure une présence et une visibilité permanente sur les lieux de vente. »

Repères

De la papeterie à la téléphonie Nokia, créé en Finlande en 1865, la un parcours étonnant, qui relève presque du miracle. Au départ, la société est une simple papeterie. Les affaires sont si florissantes que le fondateur parvient à transformer la PME en un petit empire industriel en une dizaine d’années. L’entreprise diversifie ses activités : au papier s’ajoutent rapidement des usines de production de pneus, de caoutchouc, de papier-toilette, puis, dans les années 1980, de téléviseurs. L’entreprise fait tout… mais mal. Les comptes plongent, à tel point qu’en 1988, le p-dg se suicide ! La solution viendra finalement en 1991. Le nouveau président a l’intuition que la téléphonie mobile va se développer. Les compétences existent en interne car, en Finlande, où le marché des télécoms n’est pas réglementé, Nokia possède l’un des opérateurs. Cette année-là, l’entreprise commercialise son premier portable GSM, norme qu’elle réussira à imposer partout dans le monde. C’est ce qui fera la réussite de l’entreprise, devenue aujourd’hui le premier constructeur mondial de téléphones mobiles.

 
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Frédéric Thibaud

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