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Quel avenir pour les structures régionales ?

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L’organisation commerciale est un des éléments essentiels à toute stratégie d’entreprise. La question primordiale est de savoir si, aujourd’hui, la présence d’entités régionales ou de proximité est toujours justifiée.

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Michaël Amar, directeur associé chez Altédia Cogef “ La partie physique des structures régionales a tendance à disparaître. Cependant, le management de proximité des hommes de terrain perdure car il est indispensable. ” Avant de se demander quel sera l’avenir des structures régionales, il est peut-être nécessaire de se remémorer le passé. Ces dernières années, les développements de structures régionales ont été relativement nombreux. Mais au début, les directions régionales mises en place par les entreprises étaient plutôt sommaires. Souvent, il s’agissait d’un simple bureau avec une secrétaire. Ces entités régionales représentaient plus un relais entre le terrain et le siège qu’une véritable direction commerciale. Puis ont suivi une forte diminution et une suppression des directeurs régionaux ou, du moins, de leurs fonctions administratives. Le coaching des équipes terrain a, quant à lui, perduré. Aujourd’hui, le responsable régional a un rôle principal de coach d’équipe. La tendance la plus forte est à la recentralisation des fonctions administratives et financières au niveau national pour ne garder, au niveau local, que des équipes commerciales terrain. Bien entendu, ces remarques doivent être nuancées en fonction du secteur d’activité des entreprises concernées. Dans la grande consommation par exemple, cette tendance date d’au moins dix ans, alors que dans l’industrie, c’est un phénomène relativement récent. Si les directeurs régionaux existent toujours, leur mission a tendance à devenir de plus en plus floue ! C’est un risque : quand on fait perdre du contenu à une fonction, elle n’a plus lieu d’être. Pourtant, les structures régionales sont nécessaires d’un point de vue strictement organisationnel. L’enjeu le plus important pour l’avenir sera de réussir à recréer une justification de la fonction. Michel Goetschmann,formateur consultant indépendant, spécialisé dans l’industrie du tourisme “ Un commercial doit connaître son client, donc son environnement géographique. D’où la présence de structures régionales ou locales. Et cela ne changera pas. ” Selon moi, les structures régionales ne disparaîtront pas, bien au contraire : je crois qu’elles vont se développer dans les années à venir. Plus il y a globalisation et mondialisation des marchés, plus ces derniers se segmentent. À cela, deux raisons : d’une part, une Europe des régions est en train de naître et, d’autre part, le monde tend vers la globalisation des échanges. Les structures sont donc, de fait, appelées à évoluer. Régionales, elles vont gagner en autonomie, et obtenir un pouvoir de décision plus important. Cela entraînera sûrement un rapprochement des hiérarchies. C’est ce qui se fait déjà chez Nestlé, par exemple. Jusqu’à récemment, cette entreprise avait encore des structures régionales directement reliées au siège. Aujourd’hui, ces structures sont plus autonomes ; les directeurs de région n’ont plus de responsable “pays” comme supérieur hiérarchique direct mais un directeur “Europe”. Par ailleurs, on observe depuis quelques années une forte tendance à structurer les directions commerciales par marché ou par produit avant de les découper par région. Chaque direction commerciale “produit” chapeaute toutefois des chefs de région dont le poids s’est nettement renforcé depuis quelques années. Les directions régionales perdureront également parce que les équipes commerciales sont elles-mêmes régionales. Elles sont utiles car elles offrent la certitude que les vendeurs connaissent bien l’environnement de leurs clients, ce qui est primordial dans toute relation commerciale. François Jullien, directeur associé d’Orga Consultants, en charge des marchés de l’industrie “ De nos jours, on a tendance à passer d’une relation commerciale terrain individuelle à une relation partagée, centralisée et plus globale. ” Il existe des problématiques réellement différentes d’un secteur à l’autre. Dans le secteur de l’industrie, par exemple, deux phénomènes sont à l’origine de grands changements dans l’organisation commerciale des entreprises. En premier lieu, la concentration des entreprises et la fusion des forces de vente elles-mêmes, qui impliquent une nouvelle façon d’aborder les marchés. Et, dans un second temps, l’émergence des nouvelles technologies, qui offrent de nouvelles formes d’interaction entre l’entreprise et ses clients. La tendance est à plus de concentration des différents services de l’entreprise au niveau global, et donc à une réduction des équipes commerciales terrain, ou tout du moins à un découpage terrain différent. Ces réaménagements traduisent souvent une volonté d’optimiser les structures managériales. Par ailleurs, les organisations découpées par zones géographiques ont tendance actuellement à se restructurer. Ce phénomène se vérifie surtout dans les secteurs où la technicité est forte. C’est un peu moins vrai dans le domaine des biens de consommation. Les clients entrent en contact avec des commerciaux qui vont qualifier leurs besoins, répondre à une attente particulière et dont ils attendent une bonne compréhension de leur problématique sectorielle. Ainsi, de plus en plus, les entreprises mettent en place des structures par marché et non par région. Mais attention, les entreprises peuvent avoir une structure nationale en charge de l’élaboration de la stratégie commerciale qui sera relayée par des entités locales. La conséquence principale de toutes ces modifications est l’émergence dans les populations commerciales d’une nouvelle forme de métiers. Gérard Robin, directeur de Performance PMO consulting group “ Avant de revoir leur organisation commerciale, les entreprises doivent se poser les bonnes questions. La mise en place ou le maintien d’entités régionales ne sauraient répondre à un objectif de réduction de coût. Une pareille décision se prend en fonction du client. ” La réponse à une telle question ne peut être franche. Les entreprises, qui ont à cœur de faire de la relation client l’un de leurs principaux objectifs, décident souvent d’établir des entités de proximité. Je préconiserais, dans tous les cas, de réaliser une enquête de satisfaction pour connaître les besoins de la clientèle. Fort de cette connaissance des attentes de ses clients, on peut juger de l’utilité des structures régionales. Trop d’entreprises répondent à tort à ces problématiques en fonction de la notion de coût ou de structure, ce qui entraîne souvent une mauvaise organisation commerciale, malheureusement défavorable au client. Quoi qu’il en soit, le schéma classique d’une agence sans aucune autonomie et qui doit sans arrêt se référer au siège est totalement dépassé. Lorsqu’il contacte un centre d’appels, le client est en relation avec un interlocuteur dont il ignore la localisation, mais c’est sans importance. En revanche, le management de proximité des équipes terrain est, lui, essentiel, même si ces équipes ont tendance à devenir moins nombreuses et de taille plus modeste. Les services clients se centralisent alors que le management des équipes se décentralise. La présence ou non de structures régionales ou de proximité au sein d’une entreprise dépend, en réalité, de l’angle d’analyse de l’entreprise. Si le degré de maturité de cette entreprise est assez élevé et que la problématique de la satisfaction client fait partie de ses principales préoccupations, alors la proximité d’un animateur local est adaptée. Françoise Salle,manager senior chez Orga Consultants, spécialisée dans le secteur bancaire “ Il me semble que les entités régionales sont loin d’être menacées. En revanche, elles sont appelées à se transformer à cause du client. ” La proximité géographique n’est plus au cœur des principales attentes des clients, ce qui s’explique aisément par la multiplication des canaux de contact. Dans le secteur bancaire par exemple, il existe des pressions financières très fortes qui impliquent que les structures, pour une question de coût évidente, ne peuvent plus rester en l’état. Avoir une multitude d’entités locales revient cher. On assiste donc à une concentration, mais si celle-ci ne s’accompagne pas d’une évolution des métiers, qui aujourd’hui ne correspondent plus aux attentes des clients, c’est peine perdue. Le chargé de clientèle en tant qu’interlocuteur unique va sûrement disparaître. Il faut ainsi revoir les profils et les compétences. Du fait de l’évolution de ces profils, des métiers et des spécialisations, on va assister à un “écrasement” des hiérarchies. Certains niveaux, qui ne seront plus justifiés par les nouvelles organisations, sont appelés à disparaître également. Aujourd’hui, deux phénomènes majeurs prévalent : la spécia-lisation des marchés et le développement des nouvelles technologies. Ce deuxième aspect entraîne une forte évolution dans les formes de management qui tendent, elles aussi, vers moins de proximité. Les responsables doivent être capables de manager à distance. L’autre évolution, la spécialisation des marchés, implique principalement un besoin de normalisation et de codification. Les métiers se concentrent et ont une zone de chalandise plus large. La proximité étant moindre, il faut un reporting fréquent et précis. De plus, si la réflexion est basée sur les attentes du client, les segmentations vont se faire de plus en plus sur des univers de besoins, et de moins en moins sur des régions. Nicolas Bronner, consultant indépendant “ Aujourd’hui, avec l’Europe, les entreprises recherchent une plus grande harmonisation. Elles aspirent de moins en moins à mettre en place des structures régionales, exception faite du management des équipes terrain. ” Aujourd’hui, toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’appartenance, sont confrontées à la mondialisation. Même les entreprises qui ne sont présentes que sur le territoire français ont des problématiques qui se situent au niveau européen. La grande tendance du moment est de réfléchir de façon globale et d’adapter ensuite les produits et les stratégies à chaque pays ou à chaque région en fonction de ses spécificités. Mais lorsque l’on considère un marché dans sa globalité, placer une direction par région peut sembler une grande perte de temps et d’efficacité. Les clients, surtout les grands comptes, sont organisés en structures nationales. Alors, pourquoi leur opposer des entités régionales ? Plus on est cohérent à l’échelle d’un pays, plus l’action commerciale “frappe fort”. Il existe également un aspect coût qu’il convient de ne pas négliger : placer des personnes aux quatre coins de France qui vont réfléchir chacun de leur côté, cela coûte cher. Mieux vaut alors envisager la possibilité de créer une fonction globale. En réalité, les équipes terrain restent en place mais elles ont plus affaire à un animateur local qu’à une véritable direction régionale. Ainsi, de fait, les domaines de compétences et les dénominations vont changer. On verra apparaître des managers en région. Ces derniers seront plus proches de leurs équipes, tandis que les directions commerciales, elles, auront surtout en charge la stratégie. D’un pays à l’autre, d’une région à une autre, les entreprises souhaitent une plus grande harmonisation, une plus large homogénéité. On peut donc, en toute logique, penser qu’elles vont tendre vers beaucoup moins de régionalisation. C’est une simple question de logique structurelle.

Ce qu’il faut retenir Si les entités régionales ont eu tendance, il y a quelques années, à se développer, elles avaient alors plus la forme de petites entités peu structurées que de véritables directions régionales. La partie “physique” des directions régionales tend à s’effacer. En réalité, on assiste plutôt à une recentralisation des entités anciennement éparpillées aux quatre coins du territoire. Le management de proximité des équipes terrain est, quand à lui, plus présent que jamais, mais le nombre de ces équipes à tendance à diminuer et la couverture géographique à s’étirer. Depuis quelques années, les entreprises restructurent leurs directions commerciales surtout en fonction des spécificités des marchés ou des catégories de produits, et beaucoup moins par zones géographiques.

 
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Propos recueillis par Isabelle Condou

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