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Satisfaction clients 2/5 : Un instant d’attention contre une vie de fidélité

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Un client qui manifeste spontanément son mécontement est un client heureux et fidèle en puissance. Pour profiter de ce moment privilégié, écoutez avant d’agir.

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Lorsqu’un client effectue la démarche de contacter l’un de ses fournisseurs pour lui faire part de son mécontentement, il manifeste un véritable intérêt pour la marque. » Pour François Henry, directeur général adjoint de MRM, filiale du groupe Mc Cann spécialisée dans le marketing relationnel, la réclamation est l’un des moments clés de la relation entreprise-client. En prenant la peine d’appeler l’entreprise, voire de lui écrire, le client (société ou consommateur) traduit son attachement. Un avis que partage Pierre Morgat, en charge des séminaires de la Semaine du marketing direct et de la relation client et auteur de l’ouvrage Fidéliser vos clients. « Si un client claque la porte, analyse-t-il, c’est qu’un lien affectif s’était tissé auparavant. Sinon, la séparation se serait opérée sans bruit. »

Une opportunité commerciale

« Plus qu’un véritable grief, le consommateur manifeste, alors, une déception, reprend François Henry. Il attend une explication et, surtout, souhaite ne plus rencontrer de problèmes comparables à l’avenir. » On le voit bien : la réclamation, bien traitée, ouvre la voie à une authentique opportunité commerciale. Encore faut-il adopter la bonne attitude – et user des bons arguments – pour se faire pardonner des mécontents et les fidéliser pour longtemps. « Une fois que l’on est parvenu à faire oublier l’incident au client, argumente Dominique Coasne, directeur général de Cegma Topo, cabinet spécialisé dans les études marketing et la satisfaction client, il devient supporter. Il est durablement satisfait et en parle autour de lui ! » Mais comment faire face à une telle situation ? « En s’y préparant très en amont », répond Thierry Fages, p-dg de One to One Management, cabinet conseil en gestion de la relation client. Pour lui, l’idéal est d’aller au-devant du client dès que l’on détecte un motif probable d’insatisfaction : « Lorsque l’on reçoit plusieurs appels portant sur le même point – un produit défectueux, par exemple –, il est judicieux de contacter spontanément tous les clients susceptibles de faire une réclamation identique. » Le client est impressionné et séduit ; il perçoit que sa satisfaction est véritablement prise en compte. Selon l’expert, il est bon d’inciter ses clients à faire part de leurs remarques (positives ou négatives), en faisant apparaître un numéro d’appel (service consommateurs ou service clients) sur tous les documents. « Les chiffres le prouvent, précise-t-il. Le taux de défection est plus important parmi les clients n’ayant pas réclamé que chez ceux qui l’ont fait. »

Planchez sur les procédures

Mais toutes les critiques ne peuvent être prévues à l’avance ! Pour éviter les faux pas, pensez à scénariser le traitement des réclamations et prévoyez, pour cela, des procédures très strictes. Par exemple, il est bon d’affecter certaines personnes – formées spécifiquement – à la gestion de ces dossiers. « En B to B, témoigne Ivan Renaudin d’Actebis, un client mécontent appelle en premier lieu son contact commercial ; il est donc important que ce dernier transmette l’appel au service ad hoc, qui prendra le client en charge et traitera sa demande. » Un service clients qui aura soin, tout d’abord, de prêter une oreille attentive à ses interlocuteurs. « Écoute et convivialité sont les deux règles d’or », souligne François Henry. MRM est l’agence de marketing relationnel de Nestlé et Coca-Cola France et traite, à ce titre, l’ensemble des réclamations émanant de consommateurs finaux : « Avant de demander à la personne de décliner son identité, nous la laissons s’exprimer. Elle peut, ainsi, “vider son sac” et nous exposer son problème. » Une tactique qui permet, en outre, à l’entreprise de repérer les “râleurs professionnels” et autres chasseurs de primes compensatoires. Ce n’est qu’après avoir parfaitement compris le motif de mécontentement du client, ainsi que ses attentes, que le téléacteur peut prendre la parole en se montrant chaleureux et rassurant : « Nous avons pris bonne note de votre demande ; nous nous engageons à y répondre sous tel délai. » Promettre une réponse rapide, intervenant dans un laps de temps bien défini, est, de l’avis de tous, une nécessité. « Nous avons pour objectif de gérer toutes les réclamations sous quarante-huit heures, confie Ivan Renaudin. C’est, aujourd’hui, le délai moyen de traitement des demandes, mais certaines peuvent nécessiter quatre à cinq jours. » « Dans ces moments là, l’entreprise est sous haute surveillance, prévient, de son côté, Thierry Fages, de One to One Management. Il lui appartient de s’engager et de respecter son contrat, car elle n’a plus droit à la moindre erreur. »

Le même traitement pour tous

Autre procédure à définir en amont : les modalités de “réparation”. « À chaque cas de figure correspondra un plan d’action et, éventuellement, une mesure compensatoire », conseille François Henry de MRM. Pour Nestlé, MRM a passé au crible tous les motifs de réclamation enregistrés : « Pour chaque sorte de demande, nous avons défini une réponse type. » Mais attention : plus que l’importance du compte ou son volume d’achat, le fournisseur analysera la nature du préjudice subi ! « Le dédommagement – s’il est envisagé – devra être proportionnel au désagrément dont aura pâti le client, affirme François Henry. En aucun cas il ne sera lié à son volume d’achat. » C’est aussi l’avis de Thierry Fages, chez One to One Management : « La personne qui gère la réclamation ne devrait même pas avoir connaissance de l’historique des achats du client, suggère-t-il. Ainsi, elle ne serait pas influencée. C’est une question d’éthique : tout client, quel que soit son “poids commercial”, a droit au même traitement. » De plus, si la grille définie par la direction sert de canevas au service clients, ce dernier devra aussi avoir toute latitude pour s’en écarter, si le besoin s’en fait sentir. « Alors, le mieux est d’en référer au service commercial, qui décidera en dernier ressort », estime Dominique Coasne. Cegma Topo gère, ainsi, les réclamations des clients pour le compte de Volvo France, selon un processus qui suit des étapes parfaitement définies. « Le téléconseiller commence par demander au client une explication détaillée de son problème », explique son directeur général. Quarante-huit heures plus tard, une personne se présente sous la même identité pour lui proposer une ou deux solutions, prévues dans une “grille” établie à l’avance. « Si le client est d’accord, nous passons immédiatement à l’acte ; s’il exige davantage, nous sollicitons l’avis de Volvo. » Enfin – last but not least – il convient de rappeler le client après lui avoir adressé un dédommagement. « Ici encore, la personne qui le recontactera a posteriori se présentera sous la même identité, indique Dominique Coasne de Cegma Topo. C’est ainsi que nous procédons pour Volvo : le contact du consommateur revient vers lui afin de “prendre son pouls”. » L’objectif est de personnaliser et d’humaniser la relation client, d’en souligner le parfait suivi. Cela permet, en outre, de préparer le terrain en vue d’une future vente. Cette démarche, malgré son coût élevé, rend le processus de reconquête éminemment rentable. « Reconquérir un client déçu coûte toujours moins cher que d’en recruter un nouveau, conclut Fabrice Bourdy, p-dg d’Europhone, société de télémarketing B to B. Un précepte qu’il est de plus en plus impérieux de respecter, observe l’expert, car les coûts de prospection, en B to B, ne cessent de grimper. »

Une lente évolution

Et de citer ces chiffres, certes éloquents : dans le monde bancaire, le coût d’acquisition d’un client était de 530 euros en 1999 et atteint 840 euros aujourd’hui. Parallèlement, le taux de transformation des prospects en clients est passé, dans la même période, de 10 % à 6,25 %. Pourtant, déplore le président d’Europhone, la plupart des entreprises tardent à adapter leur relation client à ce phénomène : « Elles en ont l’intuition, mais cela ne se traduit pas encore, dans les faits, par une réelle volonté de faire de la fidélisation une priorité. Nous le constatons à notre échelle : la plupart de nos clients nous consultent, aujourd’hui, dans un objectif de conquête. Ce n’est qu’ensuite qu’ils se préoccupent de capitaliser sur leur clientèle existante. » Ce qui laisse présager une évolution : tout ne serait, alors, qu’une question de temps.

Avis d’expert

Thierry Fages, p-dg de One to One Management, cabinet conseil en gestion de la relation client « Aller au-devant de leurs désirs » « Les réclamations ? Peu d’entreprises s’en préoccupent véritablement ! Même celles qui investissent dans des programmes de fidélisation ont tendance à négliger ce cas de figure. » Thierry Fages ne le répètera jamais assez : « Il est plus rentable de reconquérir un client mécontent que de transformer un prospect en client. » À condition, bien sûr, de repérer les « éternels insatisfaits, ceux qui chassent en permanence la prime. C’est plus rare en B to B qu’en B to C, mais cela existe partout... » Pour valider ce point et être sûre d’apporter la bonne réponse, l’entreprise a tout intérêt à traiter l’appel en deux temps : « On écoute attentivement, on prend note de la réclamation et on s’engage à rappeler dans un délai bref et défini. Puis, on recontacte le client et on lui propose un plan d’action. L’idéal étant de lui offrir plus qu’il n’en a demandé. Lorsqu’un client sollicite le remboursement d’un produit défectueux et que vous lui offrez, en plus, des échantillons gratuits, il est comblé et en parlera dans son entourage. »

Témoignage

Fabrice Bourdy, p-dg d’Europhone, en charge du service clients d’Havas Voyages American Express « Formaliser ses réponses à l’avance » Havas Voyages American Express a confié son service relation clients à la société Europhone, spécialisée dans le télémarketing B to B. Désormais, tous les documents du spécialiste du voyage d’affaires portent un numéro d’appel unique. « Avant de créer ce service, nous avons étudié la fréquence et le contenu des appels. » En matière de réclamations, Europhone a distingué trois catégories : les contestations d’ordre comptable, celles portant sur les produits et, enfin, les critiques sur la qualité de service. À chacune correspond un mode spécifique de traitement. « Nous avons bâti une charte. L’entreprise s’engage à traiter toutes les réclamations sous quarante-huit heures. Elle montre ainsi à ses clients qu’elle met tout en œuvre pour les satisfaire, et vite. » Quant aux mesures compensatoires, décidées par la direction, elles ont été formalisées à l’avance. « Si l’incident provient d’un manquement d’Havas, le client se voit offrir des bons de surclassement. Dans le cas contraire, nous lui expliquons comment éviter que cela ne se reproduise. » Et si l’erreur est partagée ? « Nous tentons de nous montrer conciliants... En tant que leader sur son créneau, Havas privilégie une attitude défensive. Dans ce contexte, la satisfaction client est éminemment stratégique ! »

À retenir

La réclamation traduit l’attachement du client à la marque ou au produit : un lien affectif s’était noué et risque de se rompre. Traitez, de préférence, la réclamation en deux temps : primo, vous prenez note du motif de mécontentement et vous vous engagez à rappeler dans un délai bref ; secundo, vous rappelez pour proposer une ou plusieurs solutions. Bien traitée, la réclamation renforce la fidélité. Elle est donc éminemment rentable.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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