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Éditions Générales First et First Interactive

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Les Éditions First ont dix ans. Serge Martiano, ancien directeur commercial, les a développées en appliquant des méthodes de vente éprouvées.

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First est aujourd’hui le cinquantième éditeur français – sur plus de 800 – avec 25 millions d’euros de chiffre d’affaires. La petite maison, créée en 1993 sur les décombres d’un éditeur en difficulté spécialisé dans le management, s’impose aujourd’hui comme un éditeur de taille moyenne. Avec, tout de même, une croissance insolente de 40 % par an en moyenne, sur un marché qui n’a progressé que d’un peu plus de 3 % l’an passé. À l’origine de cette réussite, Serge Martiano, auparavant directeur de la diffusion chez Hachette Livres et p-dg d’une maison de disques. Au fil des ans, il a bâti une société qui s’est développée en investissant régulièrement de nouveaux secteurs : aux livres sur le management se sont ajouté, peu à peu, des documents d’actualité, des guides de vie pratique et, plus récemment, de tourisme. Avec sa collection Pour les nuls, il s’est par ailleurs imposé comme le numéro un du livre informatique.

1 / Un produit comme les autres

« Il n’y a pas de livre plus noble qu’un autre, affirme Serge Martiano, le p-dg des Éditions First. Certains se vendent à 2 000 exemplaires, d’autres, à 300 000. Il existe également deux manières de pratiquer ce métier d’éditeur : artisanalement ou de façon plus industrielle. » Ancien directeur de la diffusion chez Hachette Livres, Serge Martiano a choisi la deuxième option, et se situe dans la catégorie des entrepreneurs de l’édition. Chaque année, il fixe ainsi des objectifs de chiffre d’affaires et décide des segments éditoriaux sur lesquels il souhaite percer. Et cela lui réussit, manifestement, puisque chaque année, le chiffre d’affaires croît de 40 % en moyenne. Exceptionnel, dans un secteur qui a progressé d’un peu plus de 3 % l’an passé ! Cette conception “industrielle” implique un fonctionnement différent de celui de bien d’autres éditeurs. « Chez nous, les livres n’arrivent pas par la poste ! », lance Serge Martiano. Manière de dire que là où d’autres éditeurs peuvent, grâce à leur notoriété et une longue tradition, se contenter d’attendre les propositions d’auteurs, chez First, on prend les devants. « Nous réfléchissons à des sujets que nous avons envie de traiter, à des livres que nous avons envie de publier et nous nous mettons ensuite en quête d’auteurs capables de les réaliser », confie le p-dg. Pour illustrer cette stratégie, citons le lancement réussi, en 1998, des livres sur l’informatique. L’éditeur avait la volonté d’investir ce marché en publiant des ouvrages d’informatique à destination du grand public et des professionnels. Résultat : First Interactive est aujourd’hui numéro un du secteur. Pour autant, il n’existe aucune recette miracle pour fabriquer des best-sellers. « Je ne connais pas de méthode pour vendre un ouvrage à 300 000 exemplaires. D’ailleurs, aucun éditeur n’en a. Je peux simplement vous dire que la probabilité de faire de bonnes ventes en publiant le premier roman d’un auteur inconnu est à peu près aussi nulle que celle de tirer sur un canard en donnant un coup de fusil au hasard dans le ciel ! » Autrement dit, les maisons d’édition ne vivent pas dans l’attente – hypothétique – de vendre 300 000 exemplaires d’un livre. « En revanche, estime Serge Martiano, il existe des méthodes pour sentir si un livre est susceptible de rencontrer un large public. » Comme pour n’importe quel autre produit, il convient de se livrer à une étude. « Le marché d’un livre se situe à l’intersection de deux cercles, reprend-il. Le premier, c’est celui des Français potentiellement intéressés par un sujet : des femmes de plus de 35 ans, des adolescents, des chefs d’entreprises, etc. Cela se mesure assez précisément. Le deuxième cercle, c’est celui des lecteurs, des gens qui mettent, de temps en temps ou régulièrement, les pieds dans une librairie ; et il faut savoir que l’an passé, 47 % des Français n’ont pas acheté un seul livre ! » Pour qu’un livre se vende, il faut donc partir de la demande d’un marché, que l’on analyse et à laquelle on va répondre. Proposer une offre en espérant qu’elle plaira au marché est une possibilité, mais infiniment plus risquée... Avec cette méthode “rationnelle”, lorsqu’il a lancé Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire les cartes routières, Serge Martiano pensait pouvoir en vendre 30 000 exemplaires car il s’adressait à un marché très large et consommateur de livres, les femmes de 18 à 80 ans. Ce sera finalement près de 200 000 à ce jour ! « Ce livre est devenu un best-seller parce qu’il est écrit avec humour et que les gens s’y reconnaissent, qu’il leur est utile », analyse, rétrospectivement, Serge Martiano. Ensuite, c’est le bouche-à-oreille qui a œuvré. Le livre se vendait, donc les libraires le mettaient en avant et donc il se vendait : dans ce cercle vertueux, le succès a appelé le succès.

2 / La diffusion, nerf de la guerre

Les premiers clients d’une maison d’édition sont les libraires, et son souci premier, c’est d’être présente et visible dans ces points de vente. Or, ce n’est pas du tout chose aisée dans un paysage éditorial plus qu’encombré : chaque jour, 187 livres nouveaux sont ainsi publiés en France ! Or, face à cette production pléthorique, les linéaires des librairies restent les mêmes. Avant même de séduire le lecteur, il s’agit donc de convaincre le commerçant de référencer ses livres. Pour y parvenir, les maisons d’édition doivent passer par des diffuseurs, qui ont constitué des structures commerciales avec des forces de vente allant démarcher la distribution. Des réseaux de commerciaux qui agissent pour le compte de plusieurs éditeurs. Il existe en France plusieurs diffuseurs, mais de tailles – donc de puissances commerciales – extrêmement différentes, les deux plus importants se nommant Hachette et Vivendi Universal Publishing Services, qui pourraient, de surcroît, fusionner si la commission de Bruxelles les y autorise. « Quand j’ai démarré en 1993, j’ai naturellement choisi Hachette, où j’avais travaillé pendant dix ans, raconte Serge Martiano. Je voulais trouver un grand diffuseur, parce que c’est le seul moyen, dans l’édition, de se développer rapidement. J’ai pu démarcher Hachette parce que je ne partais pas de zéro : en rachetant une partie de l’actif d’une maison d’édition en difficulté, j’avais déjà une centaine de titres en catalogue. Sans quoi, un diffuseur de cette taille là aurait refusé de travailler avec moi ; pour être distribué par Hachette, il faut réaliser un minimum de 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires. » Chaque année, les commerciaux d’Hachette participent à six réunions avec les éditeurs de First. L’objectif de ces rendez-vous est de présenter les projets de livres, de convaincre ceux qui vont, ensuite, les vendre aux libraires de l’intérêt commercial des ouvrages à paraître. « Nous expliquons aux commerciaux pourquoi les libraires ont raison d’acheter ces livres : leur originalité par rapport à la concurrence, la légitimité des auteurs, les prix, etc. Tout est passé en revue. » Puis, les diffuseurs organisent des cycles de prospection de deux mois, durant lesquels ils prennent les commandes de chaque point de vente en France. Il s’agit, dans un deuxième temps, de captiver l’attention des médias pour les inciter à parler du livre le jour ou la semaine de sa mise en place. « Assurer la présence des ouvrages aux bons endroits, bien doser les quantités et, enfin, médiatiser les parutions, c’est la base du travail de l’éditeur. Mais ce n’est que le début de la bataille ! » Car, ensuite, le livre doit s’écouler auprès des lecteurs. Et, là encore, on ne fait pas de sentiment… Aucun libraire de France ne gardera en magasin un livre qui ne se vend pas à un rythme suffisant. « Les points de vente sont désormais informatisés, explique Serge Martiano, et dès qu’un livre passe en caisse, il est enregistré dans la base de données du libraire. C’est ensuite l’ordinateur qui décide de garder le livre en linéaire ou, au contraire, de le retirer de la vente. Les libraires donnent sa chance à un livre pendant environ trois semaines. » C’est évidemment très court pour un investissement qui se chiffre, pour chaque ouvrage, à plusieurs dizaines, voire à plusieurs centaines de milliers d’euros.

3 / Se rapprocher de la distribution

Depuis quelques années, comme dans de nombreux autres secteurs, la distribution du livre s’est fortement concentrée aux mains de quelques grands acteurs qui représentent l’essentiel du chiffre d’affaires des maisons d’édition. En France, 30 % des ouvrages se vendent dans la grande distribution et 20 %, à la Fnac ! Autant dire que si la production d’un éditeur n’y est pas présente, le business s’en trouve fortement compromis. « Pour nous, explique Serge Martiano, il est absolument hors de question de ne pas être référencé en grande distribution ! C’est indispensable, et 90 % de nos titres s’y trouvent, contre 10 %, en moyenne, pour les autres éditeurs. » Démarche d’autant plus complexe que, désormais, les référencements en grande distribution sont centralisés : une seule personne décide des achats pour l’ensemble des magasins de l’enseigne. Par ailleurs, le poids de la librairie, en hypermarché, est marginal au regard de celui totalisé par d’autres rayons, l’alimentation par exemple. « Pour ces grandes enseignes, vendre du livre, c’est d’abord important en terme d’image, mais pas financièrement, même si la loi Lang sur le prix unique du livre leur assure de confortables marges », reconnaît Serge Martiano. Pour se montrer convaincant, là encore, le meilleur atout, c’est d’être épaulé par un grand diffuseur comme Hachette, dont les commerciaux connaissent parfaitement les rouages, les systèmes informatiques et les principes de rotation des géants de la distribution. Au quotidien, il appartient donc aux commerciaux Hachette de gérer les relations avec la grande distribution. Mais il est essentiel, pour l’éditeur, de rencontrer les acheteurs de la grande distribution, de la Fnac et des grandes librairies au moins une fois par an. « Nous passons quelques heures à parler de la stratégie éditoriale et commerciale de la maison. Nous n’évoquons pas de livre en particulier, mais justifions les raisons pour lesquelles nous nous développons sur tel ou tel secteur. L’objectif est de leur donner une visibilité sur notre stratégie, afin qu’ils comprennent pourquoi il est important, pour eux et pour nous, de référencer les livres que nous publions dans le tourisme ou dans l’informatique. Nous en profitons également pour faire remonter de l’information sur les attentes des clients. » Dans la profession d’éditeur, les aspects commerciaux et marketing sont au moins aussi importants que l’éditorial et la création. Car qu’on le veuille ou non, le livre est un produit et l’édition, une industrie.

 
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Frédéric Thibaud

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