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Minh Tran Kim, dg de Haatch : «L'implication des directeurs commerciaux accélère les politiques RSE»

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Minh Tran Kim, dg de Haatch : «L'implication des directeurs commerciaux accélère les politiques RSE»

Les entreprises sont toutes sur le pont pour bâtir une politique RSE, qu'elles en soient encore au stade de la réflexion ou de mise en application. Quel est l'impact de celle-ci sur les forces de vente et leurs managers ?

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Quelle est l'avancée des entreprises en matière de pratiques RSE ?

Minh Tran Kim : C'est très variable suivant la taille de l'entreprise. La plupart des entreprises du Cac 40 sont plutôt bien positionnées, là où les plus petites organisations ont pris du retard. Cela s'explique par le cadre réglementaire imposé aux grandes entreprises sur la politique RSE, depuis la loi Sapin de 2010.

Ainsi, les grandes entreprises ont déjà sérieusement travaillé sur leur politique RSE et leur raison d'être. Elles en font un atout pour leur marque, et le rendent visible aux yeux de leurs clients ou de leurs consommateurs. C'est par exemple le cas de L'Oréal, qui a révélé un plan et des engagements encore plus ambitieux pour 2030.

Y-a-t'il un impact sur les PME ?

Il est intéressant de souligner que les efforts des uns entraînent ceux des autres. Les plus petites entreprises travaillant avec de grands groupes sont amenées, bon gré mal gré, à suivre la tendance. Les politiques RSE des plus grandes entreprises emportent dans leur sillon celles des acteurs de leur écosystème, créant ainsi un cercle vertueux.

Nous observons donc un véritable tsunami des entreprises en faveur de la RSE, qui est largement amplifié par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Les problématiques d'organisation RH, de chaîne d'approvisionnement et logistique s'accentuent, et questionnent encore davantage les entreprises sur leur raison d'être et la pérennité de leur business.

Par ailleurs, notons que tous les secteurs d'activités sont concernés par le sujet, mais certains plus que d'autres. L'agroalimentaire, le prêt-à-porter, l'automobile ou encore les cosmétiques sont des industries régulièrement pointées du doigt pour leurs impacts négatifs. Les derniers scandales impliquant Buitoni ou Ericsson en sont des exemples et nourrissent la défiance des consommateurs vis-à-vis des marques.

Quelles sont les motivations des entreprises à développer leur responsabilité sociétale et environnementale ?

M. T K : En premier lieu, pour les grandes entreprises, la motivation est d'ordre réglementaire. Instaurer une politique RSE leur est imposé, elles n'ont pas d'autre choix. Par ricochet, la motivation de leurs fournisseurs devient commerciale. De plus en plus de grandes entreprises exigent de leurs fournisseurs et partenaires qu'ils s'engagent concrètement en matière de RSE, sous peine de ne plus travailler avec eux. C'est le cas d'une agence de design que nous accompagnons, qui s'est vue imposer une échéance de trois ans pour s'aligner aux attentes RSE de son principal client.

Au-delà de l'aspect juridique, instaurer une politique RSE est aujourd'hui nécessaire pour soutenir la marque-employeur d'une entreprise. Sur un marché de l'emploi déjà en tension. Avoir des objectifs et des actions clairs et ambitieux en matière de développement durable contribue à attirer de nouveaux candidats et à fidéliser les collaborateurs.

C'est-à-dire ?

J'accompagne aujourd'hui une entreprise qui a des difficultés de recrutement et de fidélisation d'acheteurs pour cette raison, ainsi qu'une grande industrie dont le directeur commercial grands comptes a démissionné en partie parce qu'il estimait que sa direction générale n'évoluait pas assez vite sur la question de la RSE.

Autre motivation, celle drivée par la relation clients/consommateurs, dont la confiance envers les marques et les entreprises s'étiole. Ils sont clairement en attente d'engagements et d'actions. La RSE est indéniablement un levier de la relation client, et qui plus est sur le long terme.

Enfin, il existe une motivation financière : la RSE prend une part croissante en tant qu'élément de valorisation auprès des actionnaires, même si le critère financier reste majoritaire.

En quoi la mise en place d'une politique RSE impacte les équipes commerciales d'une entreprise (et vice-versa) ?

M. T K : Pour les entreprises du BtoB, et notamment celles évoluant sur les marchés publics ou de grands comptes, la dimension RSE est vitale commercialement parlant. Car si les critères d'achat majeurs demeurent le produit/le service et le prix, l'aspect RSE représente un poids non négligeable dans la note globale attribuée au fournisseur. Inexistant il y a quelques années encore, il atteint aujourd'hui jusqu'à 15%, et les directeurs commerciaux anticipent que cette part va s'accroître.

En parallèle, les entreprises doivent donc intégrer la partie RSE dans les argumentaires commerciaux. Mais elles se retrouvent confrontées à une difficulté : les commerciaux ne se sentent pas légitimes à évoquer ces sujets avec leurs clients. Il faut donc les y accompagner, au moyen de formations, à plusieurs niveaux suivant le degré de maturité de l'entreprise.

De quelle manière ?

Premièrement, il est essentiel de former les forces de vente sur le BA-BA du développement durable : savoir définir un bilan carbone, les degrés de scopes d'émissions, l'économie circulaire, etc. La formation pourra aussi porter sur les efforts de l'entreprise en matière RSE, sur sa politique globale en la matière.

Nous avons instauré avec succès ces pratiques au sein d'entreprises, notamment du secteur bancaire. Après être préparés et formés, les commerciaux ont rencontré leurs clients, non pas pour parler business mais RSE. L'initiative a été bien accueillie de part et d'autre. Cela a créé un temps de rencontre différent de la relation commerciale "classique", dépassant la négociation et donnant naissance à des discussions très qualitatives. Les clients ont demandé à ce que ce genre de rendez-vous aient lieu plus souvent, et, les commerciaux ont été agréablement surpris de constater que leurs clients étaient en attente d'informations et d'échange sur ces sujets.

Enfin, stade ultime de la formation commerciale, les critères environnementaux et sociétaux spécifiques à l'offre, lorsque celle-ci est intrinsèquement durable (source d'approvisionnement, matériaux, seconde vie...) L'aspect RSE peut influencer non seulement la manière de vendre, mais aussi l'offre en elle-même. C'est le cas de Fnac-Darty, avec son offre de réparation par système d'abonnement Darty Max lancée fin 2019. Un bel exemple où la démarche de développement durable intègre le business model de l'entreprise.

Le critère environnemental et social infuse également jusqu'à impacter les rémunérations de certains managers commerciaux et membres du CoDir. Une bonne pratique déjà observée chez certaines entreprises, comme la marque de luxe Chloé.

B Corp, Ecocert, Entreprise à mission...quel est le rôle de ces certifications ?

M. T K : Les certifications constituent une garantie, notamment auprès des grands groupes qui exigent de leurs fournisseurs de montrer patte blanche. Cela implique, par exemple, de leur demander d'avoir une note Ecovadis. Ce devoir de vigilance va aller en s'intensifiant, et les grands groupes essayent de s'en prémunir.

Autre intérêt de ces certifications : appuyer le discours commercial des forces de vente auprès des clients. Cela ajoute du poids à leur argumentaire, et leur offre un autre sujet que la négociation tarifaire. Ce qui s'avère positif et motivant pour la force de vente.

Enfin, les certifications sont également un moyen, en interne et en externe, de communiquer sur les engagements RSE, et de se démarquer, autant auprès de futurs collaborateurs que du grand public. Une entreprise du BtoC en période de recrutement, après avoir communiqué sur sa récente certification B Corp, a multiplié par 10 le nombre de CV reçus...

Ne peuvent-elles participer au green-washing ?

M. T K : Le green-washing est facilement identifiable. Obtenir des certifications requiert une transparence et des efforts, ainsi que des améliorations dans le temps. On repère très vite une entreprise qui pratique le green-washing, car elle n'avance ni chiffres ni preuves d'évolution.

Les directeurs commerciaux vous semblent-ils concernés par ces thématiques sociétales et environnementales ?

M. T K : Oui, bien sûr ! D'ailleurs, j'ai noté un changement depuis deux ans. Jusqu'alors, la politique RSE était souvent portée en interne par les services de communication au sein des entreprises, par les RH ou impulsée par la direction. Mais dorénavant, il s'agit d'une démarche provoquée et appuyée par les directeurs commerciaux. Ce sont même eux qui en font la demande auprès de leur comité de direction, afin de pouvoir apporter des réponses aux attentes de leurs clients, surtout dans le cadre d'appels d'offres. C'est en soi une très bonne chose, car l'implication des directeurs commerciaux permet d'accélérer l'adoption et le déploiement des politiques RSE.

Les Français concernés par les enjeux sociétaux et environnementaux des entreprises ?

67% des dirigeants affirment que les impacts sociétaux de leur entreprise font tout à fait partie des préoccupations de leur direction générale. Un sentiment globalement partagé, mais qui varie selon les secteurs. En effet, ce taux est de 80% chez les entreprises des transports, mais seulement de 57% dans la distribution, et 50% pour le secteur des assurances.

Par ailleurs, les dirigeants déclarent que seuls un salarié sur trois, et un client sur quatre sont tout à fait préoccupés par la prise en compte des enjeux sociétaux de leur entreprise.

Qu'en est-il en réalité ? Si la moitié - ou plus suivant les instituts - des Français ne savent pas ce qu'est la RSE, il semblerait que ce ne soit qu'une question de vocabulaire. En effet, près d'un tiers d'entre eux (31%) s'est déjà renseigné sur l'engagement social et environnemental d'une marque, et près de deux tiers d'entre eux (60%) comptent le faire.

En revanche, si 77% des collaborateurs français ne nient pas que leur entreprise déploie des efforts pour apporter du sens et des solutions aux enjeux sociétaux et environnementaux, cet engagement est d'abord motivé par la volonté de dorer son image (55%).

Sources : Vertone, étude 2020 ; Études Ifop 2019 et 2020 ; Ipsos, étude "La RSE, quelles perceptions et quels enjeux ?" 2020

 
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