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Tribune | De la résilience dans la vente

Le terme de résilience est souvent galvaudé, notamment dans le domaine commercial. D'aucuns la résument à encaisser une série de refus avant de se relever et de recommencer. Cette vision simpliste, ancrée dans l'imaginaire collectif des vendeurs, ne rend pas justice au concept tel qu'il est développé en psychanalyse et en psychologie. Explications.

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Tribune | De la résilience dans la vente
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Non, la résilience ne se limite pas à l'endurance ou à la répétition d'efforts. Elle implique une véritable transformation intérieure et une capacité à redéfinir son rapport à l'échec et à l'adversité.

Un processus profond de reconstruction

Introduit en psychologie par Boris Cyrulnik, le concept de résilience décrit « la capacité d'un individu à surmonter un traumatisme profond en reconstruisant un équilibre psychique ». Pour le commun des mortels, il s'agit souvent simplement de tenir bon face à un refus.

La résilience implique donc une transformation interne, souvent appuyée par des soutiens affectifs, des repères structurants et une relecture du passé. Plus qu'une simple répétition de l'effort après un échec, la résilience relève d'une véritable intégration de l'expérience, permettant de rebondir avec une nouvelle perception de soi et du monde. Ne serait-ce pas alors comme demander aux commerciaux d'obtenir de meilleurs résultats en continuant à faire la même chose ?

La résilience a été développée en psychanalyse à travers des figures comme John Bowlby, qui a étudié l'attachement sécurisé dans l'enfance et l'impact des traumatismes précoces. Il démontre que des liens stables renforcent la capacité à surmonter les épreuves et peuvent restaurer la résilience, tandis qu'un attachement insécurisant fragilise. Donald Winnicott, rajoute que la résilience naît d'un environnement suffisamment bon dans l'enfance pour permettre une croissance psychique saine, où l'enfant peut explorer en toute sécurité et développer un vrai self.

En ce sens, la résilience n'est pas une force brute qui permet de résister aux épreuves, mais un processus subtil et progressif qui permet d'en extraire du sens et de s'en servir comme tremplin pour évoluer. Le philosophe suisse Alexandre Jollien, auteur de Éloge de la faiblesse, éclaire quant à lui la dimension existentielle de la résilience. Pour lui, elle ne se limite pas à survivre aux épreuves, mais consiste à les transformer en sources d'éveil et de compréhension. Son travail illustre bien que la résilience implique un cheminement profond, bien au-delà de la simple persévérance.

Persistance ou résilience ?

Dans le domaine commercial, la confrontation au refus est inévitable. Mais la résilience ne se résume pas à encaisser une série de « non ». Un vendeur qui subit des rejets en boucle sans en comprendre les causes n'est pas résilient, il est simplement persistant, et peut-être pas (ou peu) performant. La résilience véritable impliquerait une analyse des échecs, un ajustement stratégique et un travail sur l'estime de soi pour ne pas laisser ces refus impacter son identité profonde. Elle suppose une capacité à apprendre de chaque obstacle, à transformer les difficultés en opportunités d'évolution autant qu'à comprendre les raisons de la réussite.

Un vendeur résilient ne se contente pas de continuer tête baissée, sans changer sa manière de faire. Il développe une capacité à tirer des enseignements des refus, à adapter son discours, à affiner sa compréhension des besoins du client et à ajuster sa posture en conséquence. Il intègre aussi une gestion émotionnelle qui lui permet de ne pas voir les échecs comme des attaques personnelles, mais comme des signaux d'amélioration. Ainsi, la résilience en vente ne serait pas une simple question d'endurance, mais plutôt un processus de maturation et d'adaptation. L'étude des données psychographiques m'a appris qu'il est vital de faire l'effort de comprendre le fonctionnement de son interlocuteur pour accompagner ses choix et non dans le dessein de détourner ses résistances !

Un changement de paradigme nécessaire

Plutôt que de parler de résilience, des termes comme opiniâtreté, adaptabilité ou assurance seraient plus pertinents. L'opiniâtreté traduit la détermination à poursuivre un objectif malgré les difficultés, mais il manque une dimension de travail sur soi et sur l'impact psychologique des refus. L'adaptabilité renvoie à la capacité à ajuster son approche en fonction du contexte et des retours. Enfin, l'assurance intègre une notion d'estime de soi élevée, élément crucial pour ne pas se laisser déstabiliser par les rejets.

Un vendeur performant n'a pas seulement besoin de persévérance, mais d'une intelligence situationnelle lui permettant de comprendre pourquoi un prospect refuse, pourquoi il accepte et comment il peut mieux connecter avec lui. L'adaptabilité est une compétence-clé permettant de modifier son approche sans perdre en confiance ni en motivation. Elle repose sur une vision stratégique, une capacité d'écoute et une compréhension fine des dynamiques relationnelles.

Ainsi, plutôt que de répéter en boucle qu'un bon vendeur est « résilient », mieux vaut encourager une dynamique d'amélioration continue, de remise en question et d'adaptabilité. Car en confondant résilience et obstination aveugle, on passe non seulement à côté de l'essence même du concept et surtout, pour ce qui vous intéresse immédiatement, à côté de ventes extraordinaires.


Guillermo Di Bisotto est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Questions pour un champion de La vente, et de C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections, publiés aux éditions Eyrolles (2023).

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