Obtenir le chômage après une démission: c'est bientôt possible
Le salarié démissionnaire pourra désormais prétendre au versement des allocations chômage, mais ce à une condition : présenter un projet viable de reconversion professionnelle. Le point sur ce nouveau dispositif.
Je m'abonneLa promesse du président Emmanuel Macron d'ouvrir un droit aux allocations chômage pour le salarié démissionnaire entrera en vigueur au 1er novembre 2019. A condition, toutefois, pour le salarié d'avoir un projet de reconversion professionnelle sérieux et viable.
Cette possibilité a été initiée par la loi dite " Avenir professionnel "(1) : le salarié démissionnaire pourra être indemnisé à condition qu'il présente un projet de reconversion professionnelle nécessitant une formation ou un projet de création ou de reprise d'entreprise.
Pour bénéficier de ce droit, le salarié devra :
- Faire la preuve de conditions d'activité antérieure spécifiques ;
- Demander, préalablement à sa démission, un conseil en évolution professionnelle auprès d'une institution, d'un organisme ou d'un opérateur agréé (sauf Pôle Emploi)
- Obtenir, de la part de la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR), une attestation du caractère réel et sérieux de son projet.
Cependant, ni la durée d'affiliation ni les modalités d'examen de la demande d'indemnisation par la CPIR n'étaient arrêtées par la loi " Avenir professionnel " de sorte que la mesure n'était pas applicable.
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Deux décrets du 26 juillet 2019 (2) la complètent sur ces points.
L'obligation de justifier d'une durée d'affiliation spécifique
Selon le décret n° 2019-797, l'ouverture du droit au chômage après une démission requiert une durée d'affiliation spécifique équivalant à au moins 1 300 jours travaillés au cours des 60 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis).
Dans la mesure où 60 mois correspondent à 5 années et où 1 300 jours correspondent (sur une base de 5 jours travaillés par semaine) aussi à 5 années, la condition relative à la durée d'affiliation implique, dans les faits, une activité continue et à temps plein pendant 5 ans. Le texte n'impose pas d'effectuer cette période d'activité au sein de la même entreprise. Toutefois, il nous semble qu'en l'état de sa rédaction, toute interruption d'activité à l'occasion d'un changement de contrat de travail empêcherait le salarié de remplir cette condition.
Ainsi, les modalités de prise en compte - ou de non-prise en compte - de certaines périodes d'inactivité (maladie, congé parental d'éducation, congé pour création d'entreprise, congé sabbatique...) sont les mêmes qu'en cas de privation involontaire d'emploi.
Il est intéressant de relever que le salarié qui ne justifierait pas, lors de la fin de son contrat de travail, de la condition d'activité antérieure précitée pourra toutefois bénéficier d'une ouverture de droits. Pour cela, il lui faudra démontrer qu'il avait déjà justifié de la durée d'affiliation nécessaire lors d'une démission antérieure et qu'il avait également recouru au service d'un conseil en évolution professionnelle.
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Tel est le cas notamment du salarié qui avait abandonné son projet de reconversion pour accepter un nouvel emploi.
La nécessité de présenter un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux
Pour bénéficier des allocations chômage, le salarié démissionnaire doit, au préalable, avoir sollicité un conseil en évolution professionnelle pour être accompagné. En pratique, le salarié devrait majoritairement lui soumettre un projet de reconversion professionnelle et recueillir ses conseils pour l'ajuster.
Le caractère réel et sérieux de ce projet doit être attesté par la CPIR selon les modalités énoncées par le décret n°2019-796 :
- Le salarié doit adresser, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, à la CPIR une demande d'attestation du caractère réel et sérieux du projet professionnel ;
- Cette demande n'est recevable qu'à la condition que le salarié a bien fait appel à un conseil en évolution professionnelle avant de démissionner ;
- Le contenu de la demande et la liste des pièces justificatives ne sont pas encore définis et devront être précisés par un arrêté à paraître.
Après réception, si la demande est recevable, la CPIR procède à l'examen du dossier du salarié et se prononce sur le caractère réel et sérieux de son projet professionnel.
Pour les projets de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d'une formation, la CPIR examinera la cohérence et la pertinence de diverses informations transmises, tels que le projet de reconversion ou encore les caractéristiques du métier envisagé.
Elle vérifiera, par ailleurs, que le salarié les connaisse et les maîtrise.
Pour les projets de création ou de reprise d'entreprise, la CPIR se prononcera, notamment, au regard des caractéristiques et des perspectives d'activité de l'entreprise ou encore de ses besoins de financement et de ses ressources financières. Après avoir étudié le dossier, la CPIR notifiera sa décision au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette notification.
Lorsque la CPIR attestera du caractère réel et sérieux du projet professionnel, le salarié disposera d'un délai de 6 mois à compter de la notification de cette attestation pour déposer une demande d'allocations chômage auprès de Pôle Emploi.
En cas de démission postérieure à la décision de la CPIR, ce qui devrait être la quasi intégralité des cas, le salarié devra veiller à ce que le contrat de travail prenne fin avant l'échéance de ce délai de 6 mois.
En cas de refus de la CPIR d'attester du caractère réel et sérieux du projet de reconversion, sa décision devra être motivée. La CPIR devra alors informer le salarié qu'il dispose d'exercer un recours gracieux dans un délai de 2 mois. En pratique, un tel recours gracieux consiste à demander à la CPIR de réexaminer la situation et de revenir sur sa décision. La décision prise par la CPIR après un tel recours est notifiée au salarié selon les mêmes modalités et doit également être motivée en cas de confirmation du refus.
Le contrôle de Pôle Emploi de la réalité de la mise en oeuvre du projet
La loi " Avenir professionnel " prévoit un tel contrôle au plus tard après 6 mois de perception par le salarié démissionnaire des allocations chômage.
Pôle Emploi dispose d'un pouvoir de sanction dans l'hypothèse où le salarié viendrait à ne pas accomplir les démarches nécessaires à l'accomplissement de son projet professionnel. Si tel n'est pas le cas, le salarié pourra être privé d'allocation chômage (revenu de remplacement) pendant une durée de 4 mois.
Ainsi, le bénéfice du droit au chômage après une démission est strictement encadré de sorte que seuls les salariés ayant un projet de reconversion professionnelle particulièrement réfléchi et sérieux pourront en bénéficier.
Espérons que ces mesures seront de nature à réveiller les vocations d'entrepreneurs lesquels deviendront alors chefs d'entreprise !
Pour en savoir plus
Stéphanie Zurawski , du cabinet d'avocats Guillemin Flichy, assiste des clients français et étrangers dans tous les secteurs du droit social. Elle a notamment développé une expertise en contentieux collectifs à forts enjeux financiers, restructurations, transferts d'entreprises et fonctionnement des instances représentatives du personnel.
(1) Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018
(2) Décrets 2019-796 et 2019-797 du 26 juillet 2019 : JO 28