Recherche

« En vente, l'agilité est un muscle à entraîner au quotidien ! » Sandrina Ferrara Peltre (Beiersdorf)

À la tête de la direction commerciale GMS de Beiersdorf, Sandrina Ferrara Peltre dévoile sa vision d'un commerce agile, durable et humain, nourrie par deux décennies d'expérience dans la grande conso et un goût affirmé pour l'aventure collective. Entretien.

Publié par Laure Tréhorel le - mis à jour à
Lecture
10 min
  • Imprimer
« En vente, l'agilité est un muscle à entraîner au quotidien ! » Sandrina Ferrara Peltre (Beiersdorf)
Getting your Trinity Audio player ready...

Vous êtes directrice commerciale GMS Beiersdorf. Quel est le périmètre de votre poste ?

Au sein de ma fonction, que j'occupe depuis presque deux ans, je supervise trois pôles principaux:

  • La direction des grands comptes, avec la responsabilité de la négociation en centrales pour tous les circuits de distribution (hypermarchés, supermarchés, e-commerce et hard discount). Ce pôle mobilise une équipe d'environ 20 personnes.
  • Le Shopper & Customer Marketing, chargé de définir les objectifs d'exécution en lien avec la stratégie globale du groupe et notre approche locale, impliquant une douzaine de collaborateurs.
  • La force de vente, composée d'environ 65 personnes sous la direction d'une directrice nationale des ventes.

Mon objectif principal, en tant que directrice commerciale, est de définir la stratégie commerciale à moyen terme des marques de grande consommation du groupe Beiersdorf en France et d'en garantir la parfaite exécution. Travailler sur l'exécution est un fondamental pour toucher le consommateur et lui apporter toute la compréhension des différentes catégories de la beauté sur lesquelles nous intervenons et c'est aussi lui apporter de la clarté quant à la manière dont nous pouvons répondre à son besoin.

Comment avez-vous vu le secteur de la grande consommation évoluer en 20 ans ?

Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans l'univers de la grande consommation. D'abord pour le groupe Danone puis pour Beiersdorf, depuis bientôt sept ans. Les points communs de ces deux entreprises sont qu'elles commercialisent des marques à la fois emblématiques et transgénérationnelles. J'ai d'abord avec elles une affinité en tant que consommatrice. J'aime travailler avec des marques ancrées dans notre quotidien depuis toujours, mais qui pour autant savent aussi évoluer constamment avec la société et les besoins des consommateurs. À titre d'exemple, Nivea a obtenu en 2025 le label « Marque préférée des Français » sur quatre catégories : visage, corps, solaire et déodorant, ce qui témoigne de la note de coeur des consommateurs vis-à-vis de la marque.

Au-delà de l'aspect produit, je trouve le secteur de la grande consommation passionnant et dynamique. Il est en constante évolution et nous demande de nous réinventer au même rythme. Regardons le secteur de l'hygiène et de la beauté, qui est passé d'un univers concurrentiel de marques à un univers concurrentiel de marques et de marques propres. Le secteur, qui était composé exclusivement de marques conventionnelles, a vu émerger une multitude de marques bio et naturelles.

Cependant, je pense que l'une des plus grandes mutations est l'engagement des acteurs de la consommation autour du développement durable. Ce sujet qui était encore il y a peu un bruit de fond devient un axe stratégique fort, en particulier pour le Groupe Beiersdorf. Le niveau de maturité sur le sujet est encore inégal, mais il est clair qu'il y a une prise de conscience réelle des responsabilités sur ce sujet fondamental et un mouvement collectif pour un impact plus positif et un futur plus durable. L'univers de la grande consommation ouvre les portes du choix aux consommateurs, qui ne sélectionnent pas seulement un produit pour l'unité de besoin qu'il couvre mais aussi pour ses qualités, se montrant ainsi curieux des ingrédients utilisés, des processus de production, de sorte qu'ils réalisent un achat à la fois utile pour eux mais aussi responsable.

Autre tendance que l'on constate aussi : la multiplication des canaux de ventes, et notamment l'explosion des achats en ligne, qui offrent aux industriels une surface d'expression additionnelle pour mieux expliquer aux consommateurs les produits mis en vente.

L'intégration de toutes ces mutations au sein de l'entreprise constitue par ailleurs des atouts importants pour la jeune génération qui arrive sur le marché du travail et qui est plus exigeante. Le choix d'un employeur est une équation à plusieurs paramètres. Personnellement, je trouve que ces nouvelles attentes sont saines et nous obligent à nous remettre en question : l'accélération des campagnes médias influenceurs, l'utilisation des outils digitaux dans le day-to-day. Ces mutations dans l'univers de la grande consommation en font un terrain de jeu passionnant qui nécessite de l'adaptation, de la flexibilité et de la curiosité.

« Le secteur de la grande consommation nous oblige à nous réinventer en permanence. »

Comment la force de vente est-elle impliquée dans ces changements en faveur d'un développement plus durable ?

Il existe une double démarche systématique. Une première démarche, liée aux actions du Groupe Beiersdorf en matière de développement durable, cohabite avec une seconde, qui elle existe davantage à titre personnel. Nous partageons systématiquement avec toutes les équipes France, y compris la force de vente, les actions menées par le groupe en matière de développement durable. C'est un sujet récurrent et dans le cadre des prises de parole que nous organisons une fois par mois pour partager et interagir avec les collaborateurs de la filiale France. Lors de ces réunions émerge toujours un sujet autour du développement durable.

Pour contribuer aussi en tant qu'entreprise à une sensibilisation plus individuelle, nous organisons plusieurs fois par an des initiatives, comme la collecte de déchets, ou la plantation d'arbres dans le cadre de notre partenariat avec My Tree, auxquelles chaque collaborateur peut contribuer selon son envie. Ces évènements permettent à la fois de prendre conscience de la manière dont nous traitons l'environnement mais aussi de comprendre que l'action et l'attention de tout un chacun compte dans le processus de restauration de notre écosystème. En parallèle, en 2024, nous avons organisé des ateliers de bilan carbone pendant lesquels chaque collaborateur a pu identifier des actions à modifier à son propre niveau, dans son quotidien, de sorte à améliorer son bilan individuel. Les sujets autour du développement durable sont donc devenus des sujets récurrents de partage.

Comment l'intelligence artificielle impacte-t-elle le métier de commercial chez Beiersdorf ?

L'intelligence artificielle est un sujet important chez Beiersdorf, et sur lequel nous cherchons à accélérer le développement. Le groupe met des outils internes à disposition des collaborateurs pour gagner en efficacité. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que l'IA pose la question de la véritable valeur ajoutée de nos actions humaines et de la manière de les réorienter pour améliorer l'agilité, se focaliser davantage sur le fait de générer des idées et des interactions efficaces entre les différents services de l'entreprise, ou encore consacrer davantage de temps à notre ouverture vers l'extérieur.

Sur ce sujet, nous sommes en questionnement permanent, et côté force de vente il y a bien sûr une mine d'or d'optimisations possibles. À titre d'exemple, les programmes de formation et d'entraînement à la vente, qui constituent la formation de base des chefs de secteur, peuvent aujourd'hui évoluer et être améliorés grâce à l'IA, puisque des programmes de simulations d'entretiens de vente sont déjà actifs.

Ces outils sont à la faveur d'une amélioration continue et deviennent de plus en plus simples d'utilisation, ce qui facilite l'embarquement des personnes qui auraient moins d'affinités avec le digital.

Comment a évolué votre management au cours de votre carrière ?

Le management est une discipline qui nécessite énormément d'humilité pour savoir apprendre de ses différentes expériences en la matière et être dans une démarche d'amélioration constante.

Il s'agit d'une mission à part entière, qui nécessite de consacrer du temps à ses équipes. Et ce temps consacré au management est exigeant, car il doit à la fois être utilisé pour orienter son équipe sur les meilleures priorités, mais aussi d'être dans une démarche récurrente d'accompagnement.

Je suis aussi persuadée qu'être un bon manager demande de développer une certaine curiosité pour autrui. Il faut par exemple pouvoir comprendre des mécanismes individuels qui sont à l'origine soit des forces d'un collaborateur soit de ses points de développement.

Je crois qu'il n'y a que comme cela qu'on réussit à accompagner une courbe d'apprentissage.

Cela étant, mon style managérial a évolué avec les expériences vécues : mes succès, mais aussi mes échecs. Au cours de mon parcours, j'ai surtout compris que je devais davantage réfléchir et m'aligner avec mon collaborateur sur le ou les points où mon aide pouvait s'avérer utile et développante pour lui.

Par opposition, il est impossible d'exercer un management et un accompagnement si l'on se limite au préjugé de pouvoir et de devoir apporter des solutions à tout et pour tous.

Je pense que c'est mon plus grand apprentissage : passer de « je t'aide » à « comment est-ce que je peux t'aider » ?

Comment vos expériences antérieures impactent-elles la directrice commerciale que vous êtes aujourd'hui ?

Tout d'abord, j'ai eu un parcours commercial classique. Cela signifie que j'ai été à un moment donné une collaboratrice opérationnelle dans tous les services que je manage aujourd'hui à plus grande échelle. Ce qui m'apporte une compréhension rapide et instinctive de tous les sujets qui nous occupent au quotidien. J'ai donc plus d'aptitude à me tourner vers les sujets à changer ou faire changer, et à rester connectée à l'écosystème pour comprendre la manière dont je dois repositionner les efforts de mon équipe.

« Le développement durable est devenu un axe stratégique fort, pas juste un bruit de fond. »

J'ai eu des expériences professionnelles parfois très solitaires, et d'autres plus collectives. J'en ai facilement déduit mon propre diagnostic : je suis indéniablement un animal collectif !

J'aime cette double mission de faire grandir un business tout en développant des équipes soudées et performantes. Pour moi, l'aventure en groupe est définitivement une source inépuisable d'énergie.

Puis, à un certain point de ma carrière j'ai pris la décision, avec ma famille, de partir voyager pendant un an. L'idée de se mettre en marge et de vivre une aventure totalement différente du quotidien nous a animés, et nous avons sauté le pas avec mon mari, et nos trois enfants. C'était évidemment à la fois effrayant, mais aussi très excitant. C'est avec ce double sentiment que, pendant 11 mois, nous avons visité 16 pays et enrichi nos vies de rencontres incroyables.

Cette aventure m'a ouvert les yeux sur l'importance du temps et de la prise de recul. J'ai découvert d'autres cultures, renforcé ma capacité d'adaptation et appris à relativiser. Cela m'a permis de revenir avec une énergie renouvelée et une approche différente de mon rôle de leader.

Au final les expériences passées, bonnes ou mauvaises, les rencontres furtives ou plus durables permettent souvent d'affiner et de comprendre ce qui fait votre singularité.

Ce que j'ai compris, c'est que le muscle de l'agilité et de l'adaptabilité au changement, impératif dans toute carrière commerciale, peut potentiellement s'atrophier rapidement si on s'inscrit dans une routine. Et moi qui ne suis pas une grande sportive à la base, ce muscle-là je l'entraîne au quotidien !

Sur le même thème

Voir tous les articles Management

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page