Comment Body Nature motive ses conseillères indépendantes...sans lien hiérarchique

Avoir des conseillers de vente indépendants plutôt que des commerciaux fut le choix de Body Nature dès sa création en 1972. Le canal de distribution original de la vente directe est cohérent avec les caractéristiques de ses gammes de produits naturels d'entretien ménager et de cosmétiques, fabriqués dans le domaine familial des Deux-Sèvres. Très concentrés et à diluer, « il fallait expliquer l'utilisation, les produits pouvaient paraître chers comparés à des produits prêts à l'emploi. Il y avait un désavantage par rapport à l'achat impulsif en linéaire », raconte le co-dirigeant Olivier Guilbaud, fils des fondateurs, lors d'une présentation à la presse organisée à Paris le 27 mars dernier, conjointement avec la Fédération de la vente directe (FVD). La vente à domicile permet d'expliquer l'utilisation et d'en vanter les avantages, en faisant vivre une « expérience » aux clients - le plus souvent, des clientes.

Celles-ci sont d'ailleurs le vivier principal de main-d'oeuvre. Généralement, une personne est d'abord invitée à une réunion de vente à domicile. Elle devient ensuite si elle le souhaite hôtesse, chez qui se déroulent des réunions, et reçoit un cadeau de bienvenue puis 10% du chiffre d'affaires des réunions sous forme de cadeaux. Certaines hôtesses deviennent conseillères de vente indépendantes.

Des conseillères prennent ultérieurement des fonctions d'encadrement, en devenant marraines, coachant et accompagnant une à cinq conseillères, puis animatrices d'équipes, pouvant gérer jusqu'à quarante personnes, avec un suivi, de la formation, des réunions régulières, en contrepartie d'une commission sur le chiffre d'affaires.

Manager des indépendantes

Les dix responsables de secteur, salariés, doivent gérer des équipes indépendantes, sans aucun lien hiérarchique. « Cela a un effet vertueux, en obligeant à plus d'incitations et de motivation », assure Olivier Guilbaud.

Motiver et surtout fidéliser les conseillères est capital, car ce sont elles qui assurent le lien entre l'entreprise et la clientèle, par la prospection et la relation client. Body Nature commence donc dès l'intégration, avec une invitation au laboratoire pour comprendre la fabrication des produits. Le lien avec le siège est d'ailleurs très important. « Les "Nouvelles du domaine" fonctionnent très bien : plantations, nouvelles essences, rendez-vous, événements... C'est le cordon ombilical avec la marque et nous l'entretenons », assure le dirigeant.

Tous les mois, les animatrices organisent des réunions d'équipe, et doivent s'adapter aux contraintes horaires des conseillères qui ont une activité à côté. Ces réunions mêlent formation actualité générale et « échanges, sur le principe de la machine à café, pour parler des pratiques ».

Body Nature

Comme dans n'importe quelle direction commerciale, Body Nature recourt également aux challenges commerciaux sur la vente et le recrutement, avec l'an dernier, un séjour à Chamonix à la clé. Les meilleures vendeuses ont, au-delà d'un certain montant, un accès gratuit aux nouveautés produits, pour elles-mêmes comme pour leurs clients.

Un classement à thématique végétale permet aussi de distinguer les meilleures vendeuses. Ainsi les nouvelles venues sont-elles des brindilles, tandis que les meilleures peuvent obtenir la distinction de fougère bronze, argent ou or. « Cela leur permet de se jauger entre elles, explique Olivier Guilbaud. Il y a une logique de vente et une logique d'animation ». La convention annuelle leur permet aussi de se réunir non loin du siège, au Puy-Du-Fou.

Enfin, l'entreprise propose une large offre de formations, dont certaines certifiantes, des webinaires réguliers, avec la présentation de produits, et une communication fréquente sur le plan d'action commerciale, via les chefs de vente.

Les animatrices doivent jongler entre les motivations de chacune. 10% des conseillères travaillent uniquement pour Body Nature, mais pour la majorité, ce n'est qu'une activité complémentaire. Les revenus mensuels, 350 euros en moyenne, vont de quelques centaines d'euros à 5000 euros, et jusqu'à 250 000 euros annuels pour la meilleure vendeuse.

« Nous cultivons le principe de répondre aux attentes et aux objectifs, tous différents, assure le dirigeant. Cela oblige à bien connaître les conseillères. C'est un travail de proximité plus fort qu'avec les salariés, on rentre un peu dans leur intimité, quels sont leurs objectifs, pourquoi. Certaines n'ont pas de diplôme, d'autres sont notaires ou pharmaciennes, le seul trait commun c'est l'affinité avec les produits et la marque ». Les animatrices doivent donc adapter leur accompagnement aux objectifs des conseillères, au temps qu'elles souhaitent y consacrer... Le dirigeant note « une implication très forte » de la part des conseillères », dont l'ancienneté moyenne est de huit ans.

Ne pas pousser à la surconsommation

Les conseillères sont en première ligne pour répondre aux enjeux de l'entreprise : « La déconsommation de tous types de produits, une logique de pouvoir d'achat, un besoin de repères, énumère Olivier Guilbaud. Avant il y avait les produits conventionnels et les produits bio, c'était assez simple. Maintenant il y a le naturel, le local, le sans ceci... On aide à décoder les labels ».

Il assure que côté pouvoir d'achat, les produits, très concentrés, sont « ultra-compétitifs. Il y a d'abord un travail pour convaincre les conseillères ». Le dirigeant assure que l'entreprise « ne pousse pas à la consommation, mais répond à un besoin, car on veut faire une deuxième vente, une troisième... Les conseillères sont raisonnables » et ne cherchent pas à vendre toute la gamme en une fois, mais plutôt à faire revenir pour d'autres produits.

Le panier moyen est de 55 euros hors taxe, avec 99% des participants d'une réunion qui achètent. Pour le dirigeant, « le levier de croissance, ce n'est pas la hausse du panier moyen, mais le nombre de personnes présentes et le nombre de réunions ».

Le chiffre d'affaires de onze millions d'euros est en progression, mais reste inférieur à avant le covid. Durant la pandémie, Body Nature a tenu bon grâce au numérique, qui lui a permis de conserver 80% de son chiffre d'affaires.

Le recrutement des conseillères de vente est toujours un enjeu. Pour maintenir l'activité, environ 200 recrutements sont nécessaires chaque année, pour pallier les arrêts et baisses d'activité. Pour accélérer son développement en 2025, Body Nature a pour ambition d'en recruter 450. Elle cherche notamment des « profils plus entrepreneurs, qui ont la volonté de gérer des équipes de quarante personnes », pour continuer de structurer le réseau.