Les diplômés de grandes écoles, toujours attractifs pour les directions commerciales
Devenues écoles de management ou encore Business School, les écoles de commerce forment les futurs cadres du conseil, plus que des commerciaux terrain. Malgré tout, vendre et convaincre restent des compétences-clé, travaillées et recherchées en entreprise.

Chargé d'études marketing, data analyst, contrôleur de gestion... Tous ces métiers font briller les yeux des jeunes diplômés d'écoles de commerce. À la sortie du programme Grande École d'HEC, pour les 58 % qui entament leur carrière en France, le conseil et la finance totalisent à eux seuls 58 % des secteurs d'activité choisis. Dans nos colonnes en mars 2024, Dominique Rouziès, professeure de marketing à HEC Paris reconnaissait toutefois : « Dans les faits, les jeunes se retrouvent à pratiquer une part de vente, au final. S'ils embrassent une carrière dans la finance, il y aura probablement une dimension commerciale dans leur poste, ce qui est vrai aussi en marketing ou en conseil, où ils devront vendre leurs missions. »
Par conséquent, les écoles de commerce n'ont pas abandonné l'enseignement de compétences liées à la vente, tant elles sont conscientes des besoins des entreprises. Et elles organisent en outre des sessions pratiques de mise en application des connaissances. Ainsi, chez Kedge, un concours de négociation a lieu quatre fois par an pour les étudiants du programme Grande École en fin de parcours « Business Development ». « Il s'agit pour les étudiants de se mettre dans la peau d'un commercial, en ayant préparé des argumentaires liés à des cas précis, et en étant évalués par un jury de professionnels issus de nos entreprises partenaires », explique Fanny Oszczeda, directrice du pôle Développement Solutions Entreprises de Kedge.
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La négociation, une compétence clé
À l'Essec, l'Institut de Recherche et d'enseignement sur la Négociation (Irene), forme des négociateurs de haut vol, sur des thématiques, notamment, de gouvernance et de résolution de conflit. Les étudiants inscrits dans la formation post-bac BBA (Bachelor of Business Administration) y suivent un séminaire de trois jours en négociation lors de leur 4e année.
« La pédagogie du séminaire est axée sur des cas pratiques, où il faut réveiller ses capacités d'analyse, de prise de recul, de préparation, avec une part importante de méthodologie », explique Stéphane Boucher, professeur affilié à l'Iene Essec.
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Certains étudiants découvrent la fonction commerciale à travers le séminaire (qui se déroule en anglais). « Par définition, avec la négociation, on se trouve plongé dans un univers complexe, multidimensionnel, avec des enjeux. Et c'est cela qui plaît aux étudiants, bien conscients qu'une compétence de bon négociateur leur sera utile, quel que soit le poste occupé dans l'entreprise d'une part, mais aussi pour leur vie personnelle » poursuit Stéphane Boucher, qui par ailleurs, en tant que membre des Dirigeants commerciaux de France (DCF) ne manque pas une occasion d'évoquer les atouts des métiers commerciaux auprès des étudiants : « Je leur dis que la fonction commerciale est très structurante et porteuse d'opportunités : il est toujours intéressant de commencer par un poste dans la vente pour ensuite développer d'autres compétences et appétences. Dans la fonction commerciale, il y aura toujours du travail ! »
Une spécialité à l'EM Strasbourg
Autre grande école qui valorise la fonction Sales : l'EM Strasbourg, qui propose une spécialisation « Négociation et Management commercial » venant clore le parcours Grande Ecole de ses étudiants, sur un an ou deux selon les cas. Cette spécialisation a pour objectif de former des commerciaux de haut niveau, rompus à la vente complexe, et destinés à devenir managers.
Chaque année, 8 à 10 % des étudiants du programme Grande Ecole choisissent cette spécialisation. « Ce cursus a bien sûr un volet très pratique, grâce à nos entreprises partenaires, explique Alexandre Dubreuil, directeur marketing de l'EM Strasbourg. Nos étudiants assistent ainsi notamment à des Journées métiers, où des professionnels viennent présenter leur entreprise et leur métier, mais les étudiants peuvent aussi (en dehors des stages et de l'alternance) se rendre dans les entreprises par exemple sur une journée, pour échanger avec les responsables, découvrir l'environnement, etc. »
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L'EM Strasbourg envoie par ailleurs ses étudiants batailler aux concours commerciaux, tels que celui des DCF, ou aux Négociales, lesquelles voient s'affronter chaque année plusieurs milliers d'étudiants venus de toute la France mais aussi de Belgique et de Suisse. « Ce type de concours valorise le talent de nos étudiants, qui sont souvent récompensés, et les fait connaître auprès des entreprises, toujours en recherche de pépites », souligne Alexandre Dubreuil.
Des workshops pour phosphorer
Les écoles de management font de leurs liens avec le monde professionnel un des points forts de leurs cursus. Chacune met en avant ses entreprises partenaires, et les initiatives qui relient les deux mondes sont variées. « Notre objectif est que nos étudiants soient employables à la sortie de leur formation, indique Fanny Oszczeda (Kedge), d'où l'importance de faire se rencontrer les jeunes et les entreprises, nous avons un service dédié à cela. »
Concrètement, Kedge cite des initiatives telles que les conférences métier, les Business Cases soumis par les entreprises pour faire plancher les étudiants sur certaines problématiques, l'attribution de bourses par certaines entreprises partenaires sur des critères qu'elles décident (sociaux, de projet à mener, etc.), du mentoring d'entreprise auprès d'étudiants boursiers, un forum en présentiel et en distanciel qui fait se rencontrer entreprises et étudiants, etc. « Quant aux stages et contrats d'alternance, cela fait aussi partie de nos accompagnements », précise Fanny Oszczeda, qui recense 3 000 étudiants en alternance chez Kedge sur un total de 15 000.
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De son côté, l'Essec dénombre plus de 1 000 évènements annuels. Aline de Salinelles, directrice des partenariats entreprises, indique : « Nous co-construisons des cursus avec les entreprises et nous donnons l'opportunité à nos étudiants de rencontrer un maximum d'acteurs de secteurs différents, pour affiner en permanence leur projet professionnel. » L'Essec anime plusieurs chaires sectorielles destinées à des étudiants en fin de parcours, et qui leur donnent l'occasion de plancher sur des problématiques soumises par des entreprises, sur fond de prospective : « Par exemple, un grand club sportif a demandé aux étudiants de réfléchir à comment transformer son outil de CRM en FRM (Fan Relationship Management). Ou alors, une marque de cosmétiques haut de gamme a fait travailler les étudiants de la chaire Beauté sur la manière de repenser le retail international dans ses boutiques d'aéroports », précise Aline de Salinelles.
« La fonction commerciale est très structurante et porteuse d'opportunités : il est toujours intéressant de commencer par un poste dans la vente », Stéphane Boucher, professeur affilié à l'Irene Essec et membre des Dirigeants Commerciaux de France (DCF)
Maîtriser les fondamentaux
Quel impact ont toutes ces actions sur les entreprises et leurs besoins, lorsqu'elles lorgnent vers de nouveaux talents ? De manière très pragmatique, Corinne Dielen, responsable recrutement et développement RH chez Lyreco France, spécialiste des fournitures de bureau, explique : « Les partenariats avec les écoles de commerce et de vente sont essentiels pour faire connaître Lyreco, identifier des profils prometteurs et attirer des jeunes talents ayant déjà acquis une expérience pratique. C'est aussi un levier pour ajuster notre approche RH et managériale en fonction des attentes de la nouvelle génération, et ainsi renforcer notre attractivité et notre stratégie de développement des compétences. » Le fournituriste reconnaît recruter majoritairement des commerciaux ayant déjà une première expérience réussie, sur le terrain ou à un poste sédentaire. « Cela dit, nous restons ouverts aux jeunes diplômés, s'ils ont développé des compétences commerciales solides à travers des stages, de l'alternance ou des projets entrepreneuriaux. À titre d'exemple, nous avons embauché le lauréat 2024 des Négociales », précise Corinne Dielen.
Côté qualités, les entreprises recherchent des jeunes diplômés agiles, curieux, motivés par la performance, pour s'épanouir dans la vente. « Nous attendons des jeunes diplômés qu'ils maîtrisent les fondamentaux du cycle de vente, qu'ils comprennent les enjeux du marché B2B et les typologies de clients, ainsi que les notions clés en gestion de la relation client et fidélisation », indique la RRH de Lyreco.
« Nous attendons des jeunes diplômés qu'ils maîtrisent les fondamentaux du cycle de vente, qu'ils comprennent les enjeux du marché B2B et les typologies de clients », Corinne Dielen, responsable recrutement et développement RH chez Lyreco France
Des profils évolutifs
Au sein du groupe bancaire BPCE, David Marchal, DRH adjoint du groupe, explique : « Les diplômés d'écoles de commerce nous rejoignent sur des postes de conseillers de clientèle, en général, ou sur des fonctions d'expertise dans les services centraux (risques, finance, marketing...). En interne, nous leur apportons la compétence technique nécessaire, au sein des campus des Banques Populaires et des Caisses d'Épargne. Ces profils sont plutôt extravertis, dynamiques, aptes à aller vers le client et proactifs. Nous en attendons des qualités de négociation, le sens du travail personnel et d'équipe : la vie d'une agence bancaire est une vie en collectif ! » Pour David Marchal, les jeunes diplômés doivent avoir une appétence pour la performance et le sens du client. « Les diplômés d'écoles de management ont des profils évolutifs, une bonne connaissance de l'entreprise et des aptitudes managériales, ce qui est très intéressant, car dans notre groupe, la progression peut être rapide. »
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Si les jeunes sortis de grandes écoles ne rêvent pas systématiquement de la fonction commerciale, quels leviers pourraient infléchir leur position ? Certains sont attirés par l'entrepreneuriat, le fait d'être à la tête de son propre business que l'on a créé et développé. Or, pour ce faire, il faut des aptitudes commerciales, lesquelles se développent au sein d'une direction des ventes en entreprise. Un premier poste commercial peut donc s'avérer un tremplin pour l'entrepreneuriat. Autre porte d'attractivité : les secteurs. Se passionner pour le monde du sport, de la tech ou du luxe peut conduire à rejoindre la fonction commerciale dans chacun de ces domaines, pour en appréhender le fonctionnement et s'y épanouir. Par ailleurs, les professionnels reconnaissent que les jeunes sont en quête de sens. David Marchal (BPCE) souligne que le monde bancaire est porteur de sens, puisqu'il contribue à réaliser les projets - privés comme professionnels - des clients. À chaque entreprise de se questionner et de jouer la carte de la marque employeur.
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