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[Tribune] Le manager commercial, un manager de réseaux qui s'ignore ?

Publié par le - mis à jour à
Pascal Brassier, enseignant-chercheur en management commercial et négociation au sein de FBS Clermont.
Pascal Brassier, enseignant-chercheur en management commercial et négociation au sein de FBS Clermont.

Le manager commercial se doit de développer son leadership, mais appliqué aux équipes de vente, ce leadership doit passer par le management des relations commerciales des commerciaux. Tout manager commercial serait-il, en fait, un manager de réseaux ? Oui, selon de récents travaux de recherche.

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Une étude anglo-américaine(1) vient de démontrer le potentiel pour un manager commercial d'être un manager de réseaux. Nous sommes tous habitués à avoir une vision du leadership trop centrée sur le manager uniquement. Il doit être leader de son équipe. Sauf que, pour cela, le contexte est de moins en moins facile : les commerciaux sont de plus en plus autonomes, formés à traiter des affaires complexes, éloignés de leur hiérarchie...

C'est donc une approche beaucoup plus partagée du leadership managérial qui convient aujourd'hui. Or, selon cette étude, les réseaux relationnels construits par une équipe commerciale constituent une "structure flexible", que le manager doit dorénavant gérer, comme s'il s'agissait d'une sorte d'équipe virtuelle et réticulaire.

L'importance d'une vision "réseaux" du rôle du manager commercial

Cette exigence ne tombe pas du ciel. Nous observons tous que nos clients, surtout les plus stratégiques, les comptes-clés, sont devenus si importants dans nos affaires qu'ils "redessinent les structures de pouvoir" dans les relations que nous développons avec eux. Ces liens vont ainsi bien au-delà d'un simple canal vendeur acheteur, où deux individus sont les acteurs de la relation commerciale de deux entreprises.

Identifier "l'ensemble" de ces acteurs, leur rôle et ce qu'ils échangent dans leurs contacts est donc devenu une connaissance cruciale que doit maîtriser un responsable commercial. Ce sont autant de canaux d'influence des affaires et des marchés au service de toute une équipe, que la force de vente ne peut laisser aux seules mains des vendeurs. Non pas qu'ils en sont incapables : la raison est bien plus qu'ils ne peuvent pas suffire à cette tâche complexe et chronophage. Le rôle du manager est d'être "plus fluide" que jamais, constate l'équipe de chercheurs. Son leadership doit être partagé et délégué dans les réseaux de ses collaborateurs. Et c'est bien cela, être un leader : c'est utiliser un "processus d'influence dynamique et interactif" dans ses équipes. Le manager commercial est un "chef d'orchestre du réseau de connexions" dont ont besoin tous les clients de son équipe, tant chez les clients que dans son entreprise. C'est un facilitateur de flux complexes, fait d'informations et de connaissances plus pointues, ainsi que de soutien voire d'action directe dans les projets des clients et des vendeurs. En fait, le manager lui-même est un élément du réseau de son entreprise ; il y tient un rôle de pivot.

Le rôle du manager-ingénieur réseaux

Le manager commercial moderne va donc déployer deux grandes missions : analyser le réseau global de son équipe puis l'améliorer, selon ses objectifs stratégiques.

Un réseau s'analyse selon sa structure : il va observer la forme des liens (top-down, multiconnectés, internes-externes à l'entreprise...), le sens des échanges (réciprocité vendeurs/clients, équipe/autres services...) le contenu échangé (de l'information, de l'action de vente, du conseil...).

L'avantage de la position d'un manager commercial, c'est son niveau d'analyse. Il peut ainsi travailler sur trois axes : le réseau d'un commercial, celui de son équipe et le réseau de toute l'entreprise. Il pourra ainsi améliorer : la structure globale du réseau (plus de liens avec certains groupes, mieux mailler un territoire, réduire un réseau trop dense mais peu entretenu...), le type de relations (renforcer certains liens, en relâcher d'autres, accroître sa présence dans tel groupe...), ou même encore les flux (plus/moins d'information diffusée, plus d'action d'accompagnement des clients dans la mise en oeuvre des solutions vendues...).

Le manager commercial dispose de nombreuses actions pour concrétiser son rôle. En voici quelques exemples :

- équilibrer les liens forts/faibles : les liens dits forts sont réguliers, fréquents, nourris d'échanges denses et d'une bonne proximité. Mais il faut aussi dans un réseau des liens dits "faibles", qui font les "ponts" entre des groupes différents (fournisseurs d'un même métier?; prescripteurs...). Dans l'équipe c'est aussi utiliser les liens les plus forts pour transmettre et transformer les autres ;

- imbriquer les liens : ouvrir les contacts aux contacts, faire l'entremetteur, créer des groupes d'intérêts, créer de la proximité et de la cohésion?;

- cibler les points centraux : le manager est central dans son réseau formel, sa structure d'entreprise, pas dans les réseaux informels de ses vendeurs. Il doit donc identifier qui est central (vendeur, client-clé, prescripteur ?), et combler les trous structurels autour de ce point central ;

- diversifier les types de flux utilisés : diffuser un peu d'information sur Viadeo ne suffit pas. On agit dans son réseau à l'aide de contenus plus riches : partager avec certains de la connaissance complexe (avec les comptes-clés, par exem­ple, faire des revues de compte régulières), accorder du soutien (à des collaborateurs qui sont dans le doute), aider à la conception d'un projet, ce qui n'est autre qu'investir sur un client à fort potentiel. Ce sont des actions évidentes, en apparence, mais qui passent très vite aux oubliettes, dans le flux des urgences.

Pour cela, il lui faut constamment agir sur deux leviers typiques d'une vision "réseaux" :

- en créant, en générant du flux : il construit de nouveaux contacts. C'est valable en interne pour faciliter l'accès à des ressources indispensables, toujours plus nombreuses et variées. Ça l'est aussi en externe pour préparer le terrain et le marché à l'action commerciale. De ce fait, il initie des "méthodes de travail plus créatives", et c'est une innovation managériale, concluent les chercheurs ;

- en gérant les flux : il régule aussi l'action de son équipe. Il diffuse de l'information sur leurs performances, leurs compétences, leurs actions, mais peut décider de ne pas le faire. Il agit ainsi, selon l'expression même des auteurs, en "disrupteur de flux" grâce à sa position centrale en interne et en externe.

Finalement, la véritable ­capacité en "ingénierie de réseaux" réside dans le but global que doit poursuivre tout manager : développer un environnement permettant à ses collaborateurs d'améliorer leur efficacité et d'atteindre leurs objectifs.

(1) D'après un article de K. Flaherty, S. K. Lam, N. Lee, J.P. Mulki, and A. L. Dixon, Social Network Theory and the Sales Manager Role?: Engineering the Right Relationship Flows, Journal of Personal Selling & Sales Management, vol. 32- 1, 2012, pp. 29-40.
 
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