Et si vous arrêtiez de convaincre... pour commencer à persuader ?
Transcender la simple mise en avant des atouts d'une offre commerciale pour capitaliser sur la dimension émotionnelle d'une relation commerciale assure le passage du "convaincre" au "persuader". Avec un même objectif : vendre !
Je m'abonneDans un monde où les décisions commerciales sont souvent perçues comme rationnelles et basées sur des faits concrets, il est surprenant La prise de décision repose sur des fondements émotionnels à hauteur de 85 %, ne laissant que 15 % à l'objectivité factuelle. Ce déséquilibre se manifeste particulièrement dans les contextes d'appels d'offres et de soutenances, où l'attrait émotionnel exercé par le candidat joue un rôle déterminant, même lorsque sa proposition est inférieure à celle de ses concurrents. Ce phénomène ne se limite pas aux grandes décisions professionnelles, et s'observe également dans nos comportements d'achat individuels. Les émotions influencent profondément le choix de nos prospects, mais se reposer uniquement sur ce levier est insuffisant pour conclure.
L'impact émotionnel sur la prise de décision
Lorsqu'une personne envisage l'achat d'une voiture, d'un équipement de golf ou d'un ordinateur, sa décision est principalement motivée par l'anticipation des émotions positives associées à l'achat, telles que la satisfaction de pouvoir exhiber son acquisition ou la résonance avec ses valeurs personnelles. Plutôt que de s'appuyer sur une évaluation rationnelle de la pertinence du produit pour ses besoins, l'acheteur est guidé par des sentiments et des désirs et va jusqu'à s'autopersuader qu'il a besoin de l'objet de ses désirs. Cette réalité est bien comprise par les professionnels du marketing, qui ont depuis longtemps cessé de se concentrer sur la simple exposition des caractéristiques techniques de leurs produits ou services. Au lieu de cela, ils mettent l'accent sur les bénéfices émotionnels et psychologiques que ceux-ci peuvent apporter, visant ainsi à persuader plutôt qu'à convaincre rationnellement.
Persuader par les émotions (mais pas que !)
Pour influencer efficacement les décisions d'achat, il est plus rentable de parler de « bénéfices » plutôt que de « caractéristiques ». Cette stratégie s'avère largement plus efficace, car elle s'adresse directement aux sentiments et désirs des consommateurs, influençant leur décision de manière subtile mais puissante. En créant des liens affectifs durables entre les consommateurs et les marques, les marketeurs assurent ainsi leur fidélité et leur engagement à long terme. Comme l'a judicieusement observé Victor Ferry, docteur en rhétorique et formateur, « convaincre, c'est faire passer votre choix pour le bon. Cela revient à faire une description quantitative de la problématique de la personne à qui vous vous adressez. Persuader, c'est amener votre public à l'action en adjoignant à votre argumentaire une notion qualitative ».
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Les meilleures formations à la vente omettent cependant de souligner qu'il est essentiel d'établir une connexion pour persuader efficacement. Sans cette connexion, votre cible ne se sentira pas suffisamment en confort émotionnel pour se projeter dans l'achat. Si elle ne parvient pas à se projeter, elle ne procédera pas à l'achat. Ce mécanisme est désigné par le terme de "séquence émotionnelle", également décrit comme la montée de température de l'interaction. Cependant, un élément crucial fait défaut pour atteindre ce moment décisif, appelé le buying choice ou le choix d'acheter : il s'agit du point de vue de votre interlocuteur. Parlez-lui de son quotidien, de ses préoccupations et de ses frustrations. Si vous partez de là et que vous lui permettez d'entrevoir le chemin vers la résolution, alors il se projettera et vous vendrez !
Persuader en parlant du quotidien de votre cible
Pour persuader efficacement, il ne suffit pas de présenter votre offre de manière générique. Vous devez vous immerger dans le quotidien de votre auditoire, ce qui vous rend immédiatement plus intéressant et engageant. Lorsque vous faites référence aux expériences et préoccupations quotidiennes de votre public, vous créez un lien personnel et émotionnel avec lui. Vous démontrez une compréhension de ses défis et aspirations, suscitant ainsi l'intérêt et la sympathie du public à qui vous vous adressez. Si en outre, vous êtes capable de lui faire entrevoir le chemin à parcourir pour qu'il s'en sorte, alors au lieu de percevoir votre discours comme une présentation ennuyeuse, il le verra comme une conversation pertinente et enrichissante, vous attribuant des compétences empathiques. Cette connexion émotionnelle joue un rôle crucial dans le processus de persuasion.
Une approche efficace en pratique
Les gourous de la vente et du marketing prétendent que satisfaire uniquement deux besoins - le gain d'argent et le gain de temps - suffit pour distribuer une offre. Cette vision simpliste oublie les complexités de la psychologie humaine et les réalités du marché. Ils semblent en effet oublier les moments où ils ont eux-mêmes rencontré des difficultés de trésorerie. Dans un marché difficile, il est certes tentant de saisir le moindre contrat, souvent davantage que de chercher à optimiser ses processus (gain de temps, automatisation des tâches). Cependant, le manque de business n'est pas nécessairement la principale frustration. La première réaction d'un responsable d'entreprise face à des difficultés est souvent de rationaliser les coûts, même s'il sera tenté de vous dire le contraire au téléphone. Un entrepreneur responsable fera tout ce qui est en son pouvoir pour aller chercher du business, tout autant de réduire les dépenses superflues. La question est donc de savoir par exemple quelles licences résilier et quel projet reporter.
Exemple : convaincus que son offre d'aide au recrutement via les réseaux sociaux était suffisamment avancée, une direction commerciale et sa force de vente ont directement approché les dirigeants des plus grandes agences d'intérim, des entreprises de services du numérique (ESN) et des cabinets de recrutement, en organisant des visios où l'argument de l'optimisation des processus des collaborateurs tout en simplifiant le sourcing des candidats était mis en avant. Le message qui a suscité l'intérêt des potentiels acheteurs était le suivant : « Nous sommes en train de finaliser un outil qui ferait le pont entre LinkedIn et votre ATS, pour récupérer en temps réel chaque profil consulté et générer des statistiques pour mesurer l'efficience de vos chargés de recherche. Dans une démarche de rationalisation des coûts, cela vous permettrait d'optimiser autant les dépenses que les opportunités. Est-ce un outil qui vous intéresserait également ? ». Cet argument a pesé dans la balance !
Conclusion
En conclusion, pour influencer efficacement et captiver votre auditoire, il est essentiel de comprendre et d'exploiter l'estimation émotionnelle autant que la dynamique de la séquence émotionnelle. En focalisant votre communication sur le quotidien de votre public, vous transcendez la simple énumération des caractéristiques de votre offre pour établir une connexion émotionnelle puissante. Cela non seulement vous rend plus captivant, mais améliore également significativement vos résultats en termes de persuasion et d'influence.
Guillermo Di Bisotto est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Questions pour un champion de La vente, publié aux éditions Eyrolles. Il est aussi directeur commercial chez Taskforce, et consultant marketing.