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Découvrez quand vos interlocuteurs vous mentent

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Comment démasquer un menteur ?

La stratégie est de repérer l'écart entre le comportement qu'il a et celui qu'il devrait avoir, parce que son habitude, la norme ou encore le contexte l'exigent. Pour faciliter cette analyse, j'ai mis au point un référentiel, le CHUC (pour comportement habituel-universel-contexte), couvrant les écarts entre le comportement observé et celui qui devrait être adopté. Prenons l'exemple de quelqu'un qui a l'habitude de se mettre en colère en vous pointant du doigt. S'il ne le fait pas ou s'il pointe dans une autre direction, c'est peut-être que sa colère est feinte.

Repérer cela peut s'avérer utile en négociation pour savoir quoi céder (ou pas) à son interlocuteur. De même, quelqu'un qui, lorsqu'il est colère, ne contracte pas les muscles faciaux liés à cette émotion, est sûrement en train de simuler. Au total, il existe sept expressions universelles d'émotion : tristesse, joie, colère, surprise, peur, mépris et dégoût. Lorsqu'une personne se met en colère, son front s'affaisse, ses sourcils se rejoignent, ses lèvres se rétrécissent... Dans le cas contraire (ou s'il y a un manque de coordination entre les muscles), elle est sûrement en train de feindre.

En tant que responsable grands comptes dans une entreprise du CAC 40, j'ai eu à négocier ­plusieurs fois avec un acheteur qui, lorsqu'il était en colère, posait son coude droit sur la table avant de me pointer du doigt. Une fois, il ne l'a pas fait, tandis qu'il était en train de me menacer de ne plus travailler avec nous. J'ai compris à cela que sa colère était feinte. L'autre indice qui m'a mis sur la piste était que ses muscles faciaux exprimant la colère se sont contractés après et pas avant. J'avais vu juste : cet acheteur m'a révélé quelque temps plus tard qu'il n'aurait jamais eu intérêt à arrêter notre collaboration...


Comment repérer ces décalages, décoder ces expressions alors que tout se joue en quelques centièmes de seconde et que le stress de l'entretien complique l'observation ?

Le plus difficile n'est pas de repérer les micro-expressions du visage mais l'asynchronisme, car le décalage est souvent subtil. D'où l'utilité de travailler en binôme, de venir à deux commerciaux en négociation, l'un menant la danse et l'autre observant et prenant des notes. Bien sûr les entreprises ont l'habitude de le faire, mais souvent elles ne vont pas assez loin !

En effet, prendre des notes sur le fond des échanges ne suffit pas, il faut inclure dans ce travail des éléments sur le comportement global de l'acheteur : lorsqu'il a exprimé telle idée, est-ce que le rythme de son propos s'est altéré ? Est-ce que sa hauteur tonale s'est modifiée ? La fréquence entre ses pauses, ses silences s'est-elle allongée ou, au contraire, a-t-elle diminué ? Autant d'indices précieux qui aident à évaluer si le propos est vrai ou pas.

Il est également indispensable d'inclure ces questions dans le débriefing de la négociation. Lorsque je gérais l'équipe de négociateurs de Red Bull, je disais à mes commerciaux quoi observer chez leurs interlocuteurs et nous en parlions après le rendez-vous. Une façon aussi de donner de la profondeur au métier de négociateur, qui ne consiste pas seulement à gérer des objections...

Par ailleurs, j'ai personnellement appris à traquer les manques de coordination en filmant des centaines d'heures de négociation en caméra bouton (micro-caméra cachée dans un bouton de chemise) et en visionnant les bandes par la suite. Pour un directeur commercial, enregistrer ses négociations, à condition de détruire les bandes après afin de rester dans la légalité, peut ­également constituer une option pour progresser.



3 bonnes idées

- Privilégier la négociation en binôme, avec un commercial prenant des notes sur le fond mais aussi sur le comportement de l'acheteur.

- Éviter de mettre le menteur face à ses incohérences pour préserver la suite de la relation avec lui.

- Utiliser l'analyse comportementale des faits pour faire une autre lecture de l'entretien.

 
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Amélie Moynot

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