Les managers intermédiaires, clés de voûte du changement
Moteurs du changement sur le terrain, les managers intermédiaires apparaissent comme un rouage essentiel. C'est pourquoi lors d'un projet de transformation, ils doivent être impliqués en amont mais aussi être épaulés au quotidien dans leur mission.
Je m'abonneToutes les études le montrent, le changement requiert la mobilisation de la direction, mais pas que. En réalité, la réussite dépend aussi du management intermédiaire qui décline la stratégie sur le terrain. Son rôle est double : il communique et lance le changement auprès de son équipe et il rend compte à sa propre hiérarchie. Le changement inspire un sentiment de crainte au sein des équipes, des commerciaux de terrain, voire des managers intermédiaires. Les résistances opposées s'expliquent par les questions que le changement soulève.
Il est légitime pour un commercial de s'interroger sur son avenir, sur le maintien et l'évolution de sa rémunération, face à un nouveau découpage territorial ou à une modification de son portefeuille client. La position de son manager intermédiaire n'est guère plus confortable. D'autant qu'il doit promouvoir un changement, auquel il n'adhère peut-être pas totalement... Or, si le directeur commercial incarne le changement, c'est du management intermédiaire que dépend l'adhésion des commerciaux sur le terrain. Les deux niveaux doivent donc être associés au projet.
Courroie de transmission
Le premier fixe le cap, le second démontre l'efficience de la nouvelle organisation en termes de business. Pour peu qu'il soit impliqué en amont et qu'il ait rejoint un groupe de travail préparatoire, auquel il apporte sa contribution, le manager commercial de terrain peut devenir un fervent défenseur du projet. " Mon rôle est d'accepter le plus rapidement possible les décisions prises par la direction pour travailler la manière dont je vais délivrer le message ", témoigne Katell Godet, directrice commerciale Paris Île-de-France d'ADP, éditeur et prestataire de services paie et RH. Associer le management intermédiaire en amont permet à la direction de prendre conscience de problématique terrain invisible depuis le siège. Les directeurs commerciaux régionaux et les responsables d'activités ou de zone doivent être sollicités dès la phase de construction de la vision nouvelle, car le point de départ se situe au niveau de la population à transformer et de ses compétences. Chez ADP, alors que l'empreinte américaine du groupe s'accélère et que les directives initiées aux États-Unis arrivent en France, Katell Godet se voit confier une équipe - une dizaine de commerciaux - manquant un peu de méthodologie. " J'ai dû mettre en place des KPI et expliquer, donc travailler à livre ouvert. Il n'y a pas de discussion possible, les décisions prises le sont pour que l'entreprise soit encore là dans dix ans... ", précise la manager.
Redonner du pouvoir aux managers intermédiaires !
Pour autant, les managers intermédiaires resteraient une population souvent peu reconnue ; alors même qu'ils encadrent entre 50 et 80 % des collaborateurs d'une entreprise et influencent directement la satisfaction client et la performance de l'entreprise ! C'est du moins les conclusions d'une étude du Boston Consulting Group*. Ainsi, malgré une position charnière auprès des collaborateurs et des clients, ils se retrouvent trop souvent " piégés par des organisations complexes - une partie importante de leur temps (entre 30 % et 70 %) est perdue dans des réunions non concluantes - , qui les éloignent des décisions stratégiques ". Ainsi trois quarts d'entre eux ont un rôle d'exécutant. Et le cabinet de calculer que le manager intermédiaire passe plus de 30 % de son temps à des activités de production, 25 % à du reporting et à peine 20 % à du management.
Absence de formation
Selon BCG, " il est indispensable de leur redonner de l'autonomie et les remettre au travail sur les bons sujets : transformation et encadrement de proximité " . Problème, ces mêmes managers sont insuffisamment formés ! De quoi entraîner des conséquences néfastes sur la rentabilité des entreprises pouvant entraîner des baisses de 16 à 22 % note l'étude. Or, l'étude révèle que les entreprises consacrent quasi systématiquement moins de ressources à la formation des managers qu'à celle des commerciaux. 18 % d'entre elles ne fournissent carrément aucune sorte de formation à leurs managers intermédiaires. Ceux qui en bénéficient ont souvent des formations génériques et non taillées sur mesure pour eux !
*Enquête effectuée en partenariat avec le groupe ressources humaines de Sciences Po Alumni, entre le 15 octobre et le 13 novembre 2017 auprès d'un échantillon de 102 responsables de ressources humaines en France.
Avis d'expert
Sébastien Joubert, Directeur en charge de la transformation des forces de vente chez Cap Gemini Consulting.
"Sans le middle management, la transformation risque de s'essouffler"
Pour aider le middle management - qui est le porteur de la stratégie et non le relais - à s'impliquer et à conduire la transformation, Sébastien Joubert recommande de lui fournir des outils. Au démarrage du projet, le manager direct supervise une autoévaluation de la force de vente, qu'il corrige ou amende, puis il doit être engagé pour définir les leviers de la transformation (formation, coaching, etc.) " Le plan d'action déployé s'articule entre un parcours de formation commun (expliquer le sens de la nouvelle donne, apporter des outils, expliquer les bénéfices) et un accompagnement spécifique mis en place par le manager intermédiaire. Avec au besoin l'intervention d'un formateur extérieur pour lui prêter main-forte à l'occasion d'opération coup de poing " conseille l'expert. " Sans l'intervention du middle management, la transformation risque de s'essouffler " glisse-t-il.
Un outil de monitoring et de suivi de l'activité permet de piloter la transformation. " Il ne faut pas se contenter de regarder le résultat, mais remonter le film, comprendre comment les commerciaux travaillent " ajoute-t-il. Enfin, la rémunération fait figure de pré requis. Elle évolue pour s'aligner sur la stratégie. Sébastien Joubert conseille de suivre des Kpi's qualitatifs (sur l'expérience client, les produits favorisant l'up sell, etc.) pour s'assurer de l'adhésion des commerciaux.