[Tribune] "Le commerce et l'innovation... Et si on réinventait tout?"
Alors que les entreprises en France innovent, elles butent sur la commercialisation de leurs produits. Bertrand Barré, Président fondateur du Groupe Zebra, décrypte ce phénomène. Cette tribune est issue du Manifeste pour le développement de la culture commerciale en France.
Je m'abonneInnovation... Ce mot est devenu en quelques années l'un des mots les plus cités dans les rapports annuels des plus grandes entreprises partout dans le monde. L'innovation est la clé de voute de nombreuses stratégies de redéploiement au sein d'entreprises en manque de croissance, de profitabilité et aux structures parfois engluées dans des cadres de travail trop figés. Un mot qui apparaît comme magique !
La difficulté avec l'innovation, c'est que chacun y va de son refrain :
-Pour les scientifiques, elle signifie invention ou découverte.
-Pour les artistes ou les poètes, elle évoque l'inspiration et la créativité.
-Pour les dirigeants, elle suggère investissements et création de valeur.
-Pour les politiques... C'est plutôt du domaine de l'incantation...
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Je proposerai une dimension plus simple, plus essentielle de l'innovation :
-Introduire une nouveauté propre à faire changer les usages.
-Une innovation est une invention qui trouve son marché...
Et voilà résumé le mal français en matière d'innovation ! Nous sommes réellement doués pour l'invention, nous développons la culture technique, rationnelle, le goût de la recherche fondamentale, le génie technique et créatif dans bien des domaines, mais bien souvent, nous pêchons par manque de réalisme dans la phase de mise sur le marché.
C'est pourtant cette dernière étape qui conditionne la création de valeur, détermine le ROI, et pérennise nos entreprises. Pourquoi ? En grande partie parce que les entreprises et leurs managers n'intègrent pas la fonction commerciale dans le processus d'innovation. Après plus de 25 ans passés dans les métiers de l'innovation et plus de 8 000 produits développés pour les plus grandes entreprises internationales comme pour les PMI les plus combatives, j'ai souvent réfléchi aux échecs, aux espoirs déçus et aux facteurs décisifs de réussite d'un nouveau produit ou service. Dans la plupart des cas, j'ai pu observer que nous avions négligé l'apport des fonctions commerciales dans le processus de développement de l'innovation. Pas tant au niveau de la commercialisation, mais surtout en aval, au moment même de l'initialisation du concept, de la définition du projet !
La fonction commerciale est en réalité le lien le plus direct avec les acteurs de la distribution, les marchés, les clients. Elle ne se résume pas à la vente, elle est au contraire un point d'observation idéal, un organe d'écoute et d'analyse du marché et de ses évolutions. J'irai même jusqu'à conseiller à nos managers d'entreprises de placer les services ou les budgets études de marché sous la responsabilité du commerce plutôt que du marketing.
En effet, en matière de création de l'offre nouvelle, le risque le plus évident c'est celui du défaut de pertinence dans la proposition. On invente un truc génial qui n'intéresse pas grand monde... Le commercial est un observateur, un " recruteur d'opportunités " pour qui sait lui déléguer la mission.
La réussite commerciale c'est la seule mesure de la qualité d'une démarche globale d'innovation et pas seulement dans la phase de " Sell in " (Combien d'entreprises sont " championnes du monde " du Sell in...) mais bien sur, dans la phase cruciale de " Sell out " qui traduira réellement la pertinence de l'offre.
La fonction commerciale est la meilleure alliée de l'innovateur aguerri. Ce duo, quand il est bien structuré, permet d'envisager la formulation de l'offre idéale dès la genèse du projet et de la reformuler à chaque étape, virage ou évolution ou retournement du projet, sans jamais en perdre le sens, la pertinence, malgré les difficultés du projet. C'est également le garant de la valorisation de tous les efforts accomplis par chaque service de l'entreprise pour délivrer la meilleure offre. Ce rôle de " valorisateur " n'est pas anodin ! On parle de valeur ! C'est le moteur de la croissance et du développement d'une entreprise saine.
Si Innover, c'est créer de la valeur, commercer, c'est organiser un échange de la valeur...
Ne serait-il pas opportun d'envisager la fonction commerciale comme une arme stratégique incontournable pour nos entreprises et d'y placer nos meilleurs cerveaux en leur enseignant le goût de la conquête, le parfum subtil de la négociation, l'extase libératrice de la signature d'un accord ?
J'aime passionnément mon métier, mais j'aime par-dessus tout les succès qu'il génère, la dynamique positive que ces succès engendrent dans les entreprises, je suis fier de cette mentalité " commerciale " dans cette pratique quotidienne de l'innovation.
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