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DossierL'économie du partage ou la troisième révolution industrielle

Publié par Christelle Magaud le

4 - La riposte des entreprises traditionnelles

Attaquées sur leurs marchés par les jeunes pousses de la sharing economy, les entreprises traditionnelles s'engagent dans la bataille. Analyse.

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79% des consommateurs font confiance à leurs pairs pour choisir un restaurant ou un hôtel et 14%, seulement, aux professionnels. C'est le constat établi par une récente étude PriceMinister-Rakuten/La Poste(1). De quoi ainsi valider le business model d'Airbnb, plateforme de location entre particuliers et assombrir les perspectives d'Accor. Pourtant, face à ces sociétés, qui très tôt ont perçu ces nouveaux comportements des consommateurs, les entreprises tentent de réagir notamment en s'engageant sur le même terrain de jeu que ses nouvelles rivales.

S'infiltrer pour riposter

C'est tout récent: Accor a racheté, le 30 octobre 2014, la start-up française Wipolo, qui édite une application de carnet de route: réservations, itinéraires, indications sur les perturbations dans les transports... Pourquoi? Pour marcher sur les plates-bandes d'Airbnb, très habile dans le développement d'outils dans son secteur. Même état d'esprit pour la SNCF, qui se voit prendre des parts de marché par BlaBlaCar, avec son million d'usagers mensuels.

Avec la volonté d'en découdre, le transporteur ferroviaire initie iDVroom, site de covoiturage. "Lancé le 1er septembre 2014, ce service de covoiturage fusionne les activités d'Ecolutis (Easy Covoiturage) et Greencove (123 envoiture), deux start-up rachetées par la SNCF, rapporte Olivier Demaegdt, directeur d'iDvroom. À la différence de BlaBlaCar, nous proposons un service orienté essentiellement vers les trajets courts et réguliers." Des initiatives qui suivent l'évolution du comportement du consommateur: 68% des Français préfèrent, en effet, partager plutôt que posséder, relève-t-on dans le rapport de l'agence BETC(2).

Miser sur un cycle de vie du produit

Le consumérisme voit désormais ses limites. "49% des Français disent acheter d'occasion à chaque fois que c'est possible", précise encore une étude réalisée par 60 millions de consommateurs. Résultat: de grandes enseignes prennent le pli de proposer non plus un produit, mais un cycle de vie du produit. Comme Decathlon, avec son Trocathlon, qui propose la revente d'articles de sport. C'est aussi l'exemple de Marks & Spencer et de son Shwopping, contraction de swapping (échanger) et de shopping. La marque anglaise propose de rapporter des vêtements qu'on ne veut plus et les échanger contre des bons d'achat. Le but de l'opération est bien de participer à l'économie de ressources naturelles et d'éviter le gaspillage textile. En d'autres mots, un shopping éthique qui colle aux aspirations actuelles.

"Dans notre métier de centre auto, qu'est-ce qui va changer si les conducteurs ne sont plus propriétaires de leur voiture?" s'interroge à son tour Marie-Cécile Rochet, directeur marketing clients, communication et RSE de Mobivia Groupe (dont dépendent, notamment, Midas et Norauto). "Qui s'occupera de l'entretien? Aux États-Unis, nous avons remarqué que des communautés se formaient par quartier et qu'une personne effectuait ces tâches pour le compte de tout le monde. À nous de comprendre de quelle façon ce nouveau modèle influera sur notre business pour savoir comment réagir." Dans cette optique, Mobivia expérimente des services inédits. "Comme ceux de la start-up Heetch, qui propose un service de VTC pour les soirées", précise Marie-Cécile Rochet. Ou encore ceux d'Ubeeqo, qui a développé une offre d'auto-partage (Bettercar) à destination des entreprises et des collectivités, pour simplifier et rationaliser les déplacements quotidiens de leurs équipes. Snecma, qui compte parmi les nouveaux clients du service, indique que l'auto-partage mis en place par Ubeeqo a déjà généré une réduction de 41% de sa flotte automobile. Des économies réelles, qui accompagnent un véritable changement culturel, avec des consommateurs qui privilégient l'économie du partage et des distributeurs qui les accompagnent dans cette voie.

Miser sur le lien social

C'est l'idée de Castorama, avec sa plateforme d'entraide du bricolage. "Nous avons constaté que, pour concrétiser leurs projets, nos clients peinaient, souvent, à trouver de l'aide. De ce fait, ils ont du mal à se lancer... Faire appel à un artisan n'est pas à la portée de tout un chacun, et les clients ont une vraie volonté de faire eux-mêmes les travaux. C'est pourquoi nous avons lancé, dès 2011, les Troc'heures et Troc'conseils, indique Géraldine Van Hullebusch, directrice image et stratégie de communication chez Castorama. À ce jour, le site recense plus de 10 300 membres et 4 000 annonces." Un succès qui motive l'enseigne à aller plus avant dans la direction du collaboratif en inventant le "Wikipedia des bricoleurs", lequel devrait voir le jour en janvier 2015, suivi par les BarCamps, des ateliers participatifs. Autant d'initiatives qui traduisent bien l'engagement sur le long terme du spécialiste du bricolage. "En tant que marque de lien entre les individus et leurs projets, c'est à nous d'inventer les nouveaux modes de consommation du bien-vivre chez soi", ajoute-t-elle. C'est une véritable transformation d'entreprise, que compte mener Castorama pour affronter les jeunes pousses de la sharing economy.

Même constat chez Accor, qui a annoncé, en octobre, un programme ambitieux de 225 millions d'euros sur cinq ans pour doper son système de fidélité et améliorer l'expérience client. Par ailleurs, le groupe annonce aussi son nouveau service, my trip planner, destiné à planifier son séjour (en visualisant sur une carte, par exemple, les activités à proximité de son hôtel et en notant dans un agenda les visites à faire et les restaurants à découvrir). Autant d'initiatives qui ont pour but de recréer la préférence client et de convaincre les utilisateurs qu'une chambre d'hôtel est préférable à une location d'appartement chez Airbnb ou HomeAway. Mieux vaut prendre le train en marche que rester à quai...

(1) Neuvième baromètre C to C réalisé par PriceMinister-Rakuten/La Poste/Opinionway, octobre 2014.
(2) Étude publiée en août 2014 par BETC Havas Worldwide, qui analyse le phénomène de la consommation collaborative et les motivations des consommateurs.

Laure Trehorel

Laure Trehorel

Journaliste, stratégie et vente

Chef de rubrique pour le magazine Action Commerciale et pour le site actionco.fr, je suis en charge des sujets relatifs aux stratégies [...]...

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