L'IA, catalyseur de la transformation commerciale
Convaincre les équipes commerciales des atouts des outils IA est encore monnaie courante pour les directions commerciales. Souvent, l'initiative est portée par le manager, qui doit trouver (prouver) les cas d'usage transformateurs de business pour les commerciaux. Retours d'expérience lors de l'atelier IA et transformation des équipes commerciales du Club Action Co qui s'est tenu vendredi 11 avril 2025 à l'Espace Châteauform' Monceau Velasquez de Paris 8e.

Faire adhérer les équipes commerciales aux bénéfices concrets des outils d'intelligence artificielle reste un enjeu central pour les directions commerciales. Bien souvent, ce sont les managers eux-mêmes qui portent la démarche, en s'attachant à identifier - et démontrer - des cas d'usage à fort impact pour leurs équipes. C'est ce qui est ressorti des retours d'expérience partagés lors de l'atelier « IA et transformation des équipes commerciales », organisé par le Club Action Co, vendredi 11 avril 2025 à l'Espace Châteauform' Monceau Velasquez (Paris 8e).
Accélération opérationnelle des commerciaux
Pierre Hamard, ancien directeur commercial chez Berner, identifie trois axes d'expérimentation concrets de l'IA qu'il a mené au sein de son entreprise. Le premier concerne la réponse aux appels d'offres. « L'enjeu principal est le gain de temps sur les tâches administratives à faible valeur ajoutée », explique-t-il. Grâce à une solution déployée en interne, le traitement des dossiers est optimisé, permettant de recentrer les efforts sur la stratégie de prix. Toutefois, l'IA montre ses limites sur la gestion tarifaire de plus de 25 000 références. Deuxième cas d'usage : la prise de notes automatisée via Copilot, encore en phase de test. Troisième usage : l'assistance à la rédaction des courriels avec ChatGPT. « Pour ceux qui ont des difficultés rédactionnelles, c'est tout simplement révolutionnaire », conclut-il.
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Réduction des coûts et précision des prompts
Pour Vladimir Stanisic, directeur commercial du Forum du Bâtiment, la possibilité de réduire certains coûts avec l'IA s'avère intéressante. « J'avais recours à un juriste pour certains contenus, cela me coûtait 400 euros de l'heure. Aujourd'hui, l'IA me donne une réponse pertinente en 35 secondes », partage-t-il.
« Le vrai sujet, c'est le pilotage », affirme de son côté Bernard Nassiri, directeur commercial chez Coface. Il prend la métaphore suivante pour évoquer l'usage de l'IA, « Posséder une Ferrari, c'est bien. Encore faut-il savoir la conduire ». Pour lui, tout repose sur la manière de parler à l'IA, d'interagir efficacement. Trouver les bons partenaires d'accompagnement demeure une difficulté persistante, selon lui.
Bruno Moshirifar, Head of Solution Ingeneer Emea chez Ringover France insiste quant à lui sur la nécessité de définir des prompts personnalisés, adaptés aux métiers et méthodes de travail des commerciaux. « Un résumé pour une équipe commerciale ne ressemble pas à celui d'une équipe support ». Il préconise de construire des templates en amont : longueur, mots-clés, sujets prioritaires, etc.
L'IA au service de la performance commerciale
Sylvain Jauze, directeur commercial de Cegid, illustre l'impact opérationnel. « En enregistrant les échanges, l'IA a identifié les promoteurs, les détracteurs et les leviers à activer. Une démo personnalisée a ensuite été générée automatiquement ». Ce cas d'usage est désormais régulièrement répliqué pour répondre à des appels d'offres complexes. Selon lui, les outils permettent d'optimiser jusqu'à 90 % du processus, en particulier la mémoire technique. Toutefois, la qualité des données en amont reste un défi majeur. « Ceux qui adoptent l'IA passent de 4 à 8 comptes gérés, avec une efficience renforcée », observe-t-il. La démarche est avant tout culturelle. Des formations régulières, des rituels, et une communication claire sur l'absence de contrôle renforcent l'adhésion. L'indicateur clé ? « La rétention client, en hausse de 3 points après 20 ans de stagnation ».
Pour Stéphane Sawicki, directeur commercial chez Canon France, le projet de matérialisation du one-to-one s'inscrit dans une logique résolument opérationnelle. L'objectif est clair : s'appuyer sur des indicateurs clés afin de mieux piloter la performance commerciale individuelle et collective. « Il s'agit de pouvoir s'appuyer sur un ensemble d'indicateurs clés - qui, jusqu'ici, mettent souvent du temps à émerger - pour mieux piloter la performance individuelle et collective. »
Parmi les métriques jugées structurantes par le dirigeant figurent le nombre de rendez-vous obtenus, le volume d'ouvrages générés, le taux de conversion, le taux d'engagement, ainsi que l'évolution de la vélocité commerciale. Selon lui, « Ces 4 à 5 leviers sont essentiels pour analyser efficacement l'activité. » Pour Stéphane Sawicki, un tel dispositif pourrait devenir un véritable outil opérationnel, à condition d'y associer une implication forte « à la fois pour guider plus finement les équipes, gagner du temps dans le management de proximité, et, bien sûr, à condition d'y mettre l'envie et l'énergie nécessaires. »
Scoring et anticipation client : vers une relation augmentée ?
Bruno Moshirifar souligne l'émergence d'un scoring intelligent. Il appartient donc à l'utilisateur de configurer ces modèles de manière fine dès le départ, en précisant la longueur minimale souhaitée du résumé, les sujets à traiter impérativement, les mots-clés ou noms de produits à inclure.
"Je n'ai pas encore identifié de basculement opérationnel satisfaisant", Vladimir Stanisic (Au Forum du Bâtiment)
« En orientant ainsi l'IA avec précision, on obtient un compte rendu beaucoup plus pertinent, fidèle aux attentes spécifiques de chaque métier, et véritablement exploitable ». Vladimir Stanisic s'interroge : « Quel est l'apport réel, concret, au quotidien pour le collaborateur de terrain ? Si, in fine, cela ne change rien pour lui - s'il n'y a pas de valeur ajoutée dans son exécution - alors, à mes yeux, l'intérêt reste limité. Pour l'instant, je n'ai pas encore identifié ce basculement opérationnel de manière satisfaisante ».
Pour tenter de répondre à cette question, Sylvain Jauze (Cegid) de son côté partage son expérience. « Le modèle que nous essayons de construire, c'est un modèle où l'on passerait d'un contrôle prédictif - du type « je vérifie s'il a bien effectué ses rendez-vous parce que cela a été ritualisé » - à une approche beaucoup plus intelligente et contextuelle ». Il imagine que l'IA permettrait réellement « l'exploitation intelligente des conversations ». Son objectif serait, par exemple, d'avoir une alerte automatique du type « Pense à rappeler tel client, car il semble y avoir un problème de suivi ou un défaut de visite sur tel compte. L'enjeu serait alors de faire remonter cette information de manière fluide, de l'analyser, et surtout de formuler des propositions d'action concrètes pour anticiper les risques et gagner en réactivité », analyse-t-il.
Maturité des outils et projection stratégique : vision croisée
Pierre Hamard insiste : « Il faut rendre les bénéfices mesurables, chiffrables ». Le soutien de la direction générale est déterminant. Il rappelle que les échecs passés sont souvent liés à des approches techniques déconnectées du terrain.
Enfin, la fiabilité de l'information reste perfectible (70 % de pertinence), mais suffisante pour alerter le commercial qui valide ou infirme. Sylvain Jauze cite l'exemple de LoneScale, start-up française qui permet de traquer les changements de poste dans les grands comptes. « On soulage le commercial de cette veille ».
Pour aller plus loin : IA et équipes commerciales, quels enjeux ?
Vladimir Stanisic précise : « Concrètement, si un commercial n'a pas réalisé son travail de suivi ou de visite, je le sais. Les alertes sont paramétrées pour cela. Je n'ai pas nécessairement besoin d'une intelligence artificielle supplémentaire pour m'indiquer que M. Dupont n'a pas été visité. ». Pour lui, si un commercial passe à côté d'un signal faible sur un portefeuille de 120 comptes, « ce n'est pas une question d'outil, mais simplement qu'il n'était pas attentif au bon moment ».
Amélioration de la prédictibilité commerciale
Sylvain Jauze témoigne d'une amélioration notable de la Forecast Accuracy, autrement dit, la précision des prévisions commerciales au sein de son organisation. « Auparavant, il nous était demandé en début de mois de fixer un objectif, par exemple à 100. À la clôture, nous étions censés atteindre une performance comprise entre 95 et 105. En réalité, nous oscillons fréquemment entre 80 et 120, voire jusqu'à 150 dans certains cas », analyse-t-il. Depuis la mise en place d'outils d'analyse et d'intelligence artificielle, la situation a radicalement changé. « Désormais, nous sommes beaucoup plus précis et parvenons systématiquement à rester dans cette fourchette cible de 95 à 105. » Pour Sylvain Jauze, ce gain de précision traduit une meilleure maîtrise des processus internes, tant du point de vue de la direction commerciale que du management opérationnel. « Ces évolutions nous permettent aujourd'hui de piloter avec davantage de rigueur et d'anticipation. », conclut-il.
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