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Négociation : Faire de l'objection le nerf de l'argumentation.

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À chaque phase de la négociation, l'objection apparaît. C'est au vendeur de découvrir si elle est une simple résistance au changement ou le reflet d'un enjeu de premier plan pour l'acheteur. Pour mener avec justesse l'argumentation, il faut apprendre à user des bienfaits de l'objection. À chaque phase de la négociation, l'objection apparaît. C'est au vendeur de découvrir si elle est une simple résistance au changement ou le reflet d'un enjeu de premier plan pour l'acheteur. Pour mener avec justesse l'argumentation, il faut apprendre à user des bienfaits de l'objection.

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L'apparition de l'objection n'est pas forcément un signe de mauvais augure. Au cours de la négociation, les objections inévitablement vont surgir, comme dans tout échange. Quand une objection apparaît, notent les professionnels de la vente, elle doit surtout représenter l'occasion de mieux découvrir les besoins et motivations de l'autre. Et sur le tapis de jeu de la vente, acheteurs et vendeurs abattent les mêmes cartes : l'écoute et la découverte des enjeux de l'autre.

“Presque tout est fonction des enjeux de chacune des parties, précise Patrick Audebert-Lasrochas, directeur du département Négociation du CRC (Centre de recherche des chefs d'entreprise) et professeur à l'ESC de Lille. Les premiers enjeux, que beaucoup oublient de prendre en compte, sont personnels. Si un acheteur vient d'obtenir une promotion, il va tout faire pour montrer à son patron que sa compétence est à la hauteur. Mais s'il est décidé à démissionner, son exigence sera bien moindre. Les seconds enjeux sont institutionnels : la réaction de l'acheteur dépend de critères de prix, de qualité ou de délai.” Dès le début de la négociation, c'est un savant jeu de cache-cache qui se met en place, chacun essayant de savoir ce que l'autre veut garder en joker. “Quasiment toutes les objections portent sur des données quantitatives. Il faut alors revenir sur du qualitatif. C'est cette notion d'échange qui est difficile”, remarque Patrick Audebert-Lasrochas.

Le directeur commercial, en rendez-vous avec un grand compte, n'échappe pas à la règle. Imaginons par exemple le directeur des ventes d'une entreprise du secteur industriel. Un grand compte l'a contacté pour lui demander de lui faire une offre : il s'est équipé d'une machine qui lui a donné apparemment entière satisfaction mais qui commence à vieillir. Pour renouveler cet équipement, le responsable des achats de la société a lancé un appel d'offres auprès des trois leaders du marché. Il compte ainsi comparer les prestations de son fournisseur actuel – avec lequel une bonne relation s'est installée – avec les propositions de ses deux concurrents majeurs. Le directeur des ventes se rend à l'entretien. Une fois la discussion entamée et la présentation de son offre brièvement effectuée, il va devoir affronter et surmonter cinq grands types d'objections.

Objection 1. “Votre offre est la même que celle des autres.”

“Dans ce cas de figure, l'erreur classique serait d'argumenter sur le produit lui-même, remarque Guy Wallaert, fondateur du cabinet GW Conseil. Il faut tout de suite placer l'offre dans un contexte beaucoup plus large. La base de l'argumentaire, c'est de faire comprendre comment le vendeur va contribuer à la productivité de l'entreprise, en développant trois aspects clefs : expliquer comment la mise en place ne va pas perturber les conditions de travail du personnel, rassurer en donnant des preuves que les résultats escomptés vont se réaliser et convaincre en précisant comment ceux qui ont acheté ont gagné de l'argent.” Face à un grand compte, le directeur commercial sait qu'il aura face à lui plusieurs décisionnaires. Il ne s'agit pas d'achat d'impulsion : la décision va être pesée, argumentée et vendue en interne. En fonction du profil du client et de ses priorités, à définir en amont lors de la phase de découverte du prospect, la balance va pencher vers un argument technique, financier ou encore humain. “Faites-vous des alliés et donnez-leur des billes afin qu'ils se fassent les avocats de votre cause en interne, conseille Guy Wallaert. Pour améliorer la compétitivité de l'entreprise, il faut savoir où viser.”

Objection 2. “Vos délais d'installation ou d'intervention sont trop importants.”

Il est tout à fait possible que cette objection soit justifiée, même si le directeur commercial aurait déjà dû détenir cette information en amont de la négociation elle-même. L'essentiel désormais est de comprendre parfaitement les enjeux. Par exemple, en combien de temps l'installation ou l'intervention doit être effectuée, et ce qui peut mettre en péril le délai. Afin de ne pas rendre cette objection rédhibitoire, il faut utiliser d'autres techniques. Jacques Robert Doually, directeur pédagogique de Forma-Pro, conseille : “Dans le cas où l'objection est réelle, le vendeur peut faire semblant de dire toute la vérité : il reconnaît ses contraintes, insiste sur ses avantages, attendrit l'acheteur, prend soin au passage d'énoncer les contraintes de ses concurrents et refait sa présentation en hiérarchisant les éléments importants.”

Objection 3. “Mon fournisseur actuel est très bien. Je ne vais pas en changer.”

S'il y a négociation avec la concurrence, c'est bien qu'un doute existe par rapport au fournisseur actuel. L'essentiel à nouveau est d'utiliser l'objection pour entrer plus en avant dans la connaissance du prospect. “Il faut bien comprendre ici ce que "bien" veut dire pour le prospect en question, l'objectif étant de savoir sur quels critères sont jugés les fournisseurs. On peut alors dire : d'accord, mais si une amélioration devait être apportée à votre offre actuelle, sur quoi porterait-elle en priorité ? Ou bien : la force de votre société, c'est d'être fidèle, mais quand vous avez été amené à changer de fournisseur, quelles étaient les règles du jeu ?”, explique Guy Wallaert.

Objection 4. “Je ne suis pas pressé de prendre une décision. Laissez-moi réfléchir. Je vous rappelle dans quelques mois.”

Dans la situation d'une négociation avec un grand compte, inévitablement la prise de décision sera longue : plus l'acheteur prend du temps, plus il recueillera d'informations, plus sa décision sera équilibrée. “La technique du lièvre est très utilisée dans les appels d'offres internationaux, remarque Patrick Audebert-Lasrochas. On fait appel à un premier fournisseur, puis on en voit deux autres pour renégocier avec le premier à la baisse, et ainsi de suite.” Cependant, autant profiter de l'objection sur le temps de réflexion pour en apprendre un peu plus. Le consultant Yves Lellouche propose comme relance : “Quand vous dites je ne suis pas pressé, est-ce que cela s'explique par un problème de budget, de priorité d'équipement, d'utilité immédiate ?”

Objection 5. “Vous êtes trop cher.”

“Votre prix est plutôt élevé : vendez votre qualité. Votre prix est bas : vendez-la encore plus”, note le consultant Jean-Louis Wilmès dans son ouvrage sur le traitement des objections. Il consacre trois chapitres au “cher, trop cher ou plus cher que”. “Trois réactions sont possibles, estime Yves Lellouche. La première est de creuser : qu'est-ce qui vous fait penser cela ? Et la discussion reprend. La seconde est de neutraliser : vous vous demandez si vous allez pouvoir rentabiliser cet équipement ? Et la troisième est de zoomer : trop cher sur quel point ? Mais quel est le bilan au global ?” À ce niveau de la négociation, le responsable commercial peut cependant se heurter à un barrage de l'acheteur. “Quoi qu'il arrive, les deux parties ont nécessairement un point de rupture, remarque Patrick Audebert-Lasrochas. En fonction du marché, ou de la décision de sa direction générale, au-delà d'un certain seuil l'acheteur ne cédera pas, et en fonction de la marge négociée ou du budget de sa direction commerciale, le vendeur ne baissera plus. Il faut déceler si l'objection de prix est secondaire ou si elle traduit un véritable enjeu. La dichotomie n'est cependant pas possible. On ne peut pas vendre si on n'est pas deux.”

Huit livres pour le traitement des objections

Les consultants et formateurs cités dans cet article sont également des auteurs prolifiques de livres sur la négociation. Jean-Louis Wilmès vient même de publier un gros recueil spécialement dédié au traitement des objections. D'autres spécialistes de la négociation se sont eux aussi penchés sur le domaine. Voici une liste de titres récents sur la négociation. • Objections, 42 clés pour négocier les obstacles, de Jean-Louis Wilmès, Éd. Pratique. • Les situations de vente délicates, Jacques Robert Doually, Éd. d'Organisation. • Vendeurs : tirez parti de vos échecs, de Guy Wallaert, Dunod. • La négociation acheteur-vendeur, d'Yves Lellouche et Florence Piquet, Dunod. • Profession : négociateur, de Patrick Audebert-Lasrochas, Éd. d'Organisation (en cours de réédition). • La négociation, situations et problématiques, de Guy-Olivier Faure, Laurent Mermet, Hubert Touzard et Christophe Dupont, Nathan. • Les pratiques de la vente, d'Yves Négro, Vuibert Édition. • La force de persuasion, de Lionel Bellenger, ESF éditeur.

 
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Laure Deschamps

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