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Stratégie grands comptes 1/5. Pour faire le portrait d’un grand compte…

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… Peindre, d’abord, un compte stratégique. Si l’expression obéit à plusieurs définitions, elle désigne toujours un client appelant une gestion spécifique.

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Un compte clé est un client qui, dès lors qu’il fait l’objet d’une gestion spécifique, génère à coup sûr plus de profit pour son fournisseur qu’en étant géré de façon non différenciée. » Telle est la définition que Catherine Pardo, professeur de marketing à l’EM Lyon, propose de la notion anglo-saxonne de “key account”, traduite en français par “compte clé”. Autrement dit, quand une entreprise peut démontrer qu’elle créera de la valeur en attribuant à une entreprise une organisation dédiée, elle a alors affaire à un grand compte. Pourquoi l’existence de cette structure ad hoc lui est-elle bénéfique ? « Parce qu’elle proposera au client une “gestion totale” (dans le temps et l’espace), répond Catherine Pardo, qu’elle seule est à même de mener à bien. En clair, elle bâtira une relation pérenne, et ce avec l’ensemble des sites ou filiales du compte, fussent-ils disséminés dans le monde. » Ainsi, en raisonnant sur le long terme (dans les industries de pointe, par exemple), la cellule comptes clés établit des préconisations très différentes de celles qu’aurait formulées un commercial lambda : elle tiendra compte des évolutions du marché, des besoins du client, de la technologie, etc., et les intégrera dans sa proposition. Une proposition qui sera également influencée par la vision totale du client, avec ses divers centres de décision et ses diverses contraintes, susceptibles de varier d’une région à l’autre. Par exemple, une offre tarifaire peut être considérablement altérée par la disparité des cours des matières premières à travers le monde.

Grands clients en devenir

Si tous les experts s’accordent à définir le compte clé comme un compte stratégique, ils insistent pour y associer l’adverbe “potentiellement”. Et c’est bien l’enjeu de la cellule grands comptes telle qu’entrevue par Catherine Pardo : en offrant à quelques clients ou prospects triés sur le volet un “traitement de faveur”, l’entreprise fait le pari de renforcer, à l’avenir, leur poids. Comment ? « Un client peut être (ou devenir) grand par son volume d’achat, c’est-à-dire par le chiffre d’affaires qu’il génère chez son fournisseur », répond Thierry Meiers, directeur de division chez Bernard Julhiet Consulting. C’est, effectivement, l’acception la plus basique de l’expression “key account”. Ainsi, chez Pages Jaunes, sont considérés comme grands comptes les clients qui pèsent plus de 75 000 euros de chiffre d’affaires annuel mais aussi, et surtout, les entreprises par nature stratégiques pour le groupe, quel que soit le montant de leurs commandes. « C’est le cas des grandes entreprises organisées en réseau, ayant un rayonnement national et de multiples implantations locales, explique Pascal Goupilleau, directeur des grands comptes de la filiale de Wanadoo. Même si leur volume d’achat est peu important à un instant T, nous avons la conviction qu’elles peuvent, à terme, devenir de gros acheteurs d’espaces publicitaires. » Pages Jaunes parie donc sur ces “petits poissons”, appelés à devenir grands, misant sur le développement de certains comptes pour justifier les investissements engagés sur les autres. Mais le chiffre d’affaires potentiel n’est pas le seul critère retenu pour repérer un compte clé ! Selon Thierry Meiers, « un compte doit faire l’objet d’une gestion différenciée dès lors qu’il joue un rôle crucial dans la stratégie de son fournisseur ». Ainsi, peut être étiqueté “compte clé” un client qui permettra à l’entreprise d’appréhender un nouveau marché. « Quand nous avons remporté notre premier contrat chez McDonald’s, relate le directeur commercial d’une société de climatisation, il ne pesait pas bien lourd. Pourtant, ce fut, pour nous, une porte ouverte sur le marché de la restauration rapide, avec, à la clé, un volume d’affaires substantiel. » Par ailleurs, l’expression “compte clé” désigne, parfois, des comptes porteurs d’image. « Pour une marque d’alcools, figurer sur la carte d’un “trois étoiles Michelin” est un signe de reconnaissance », souligne l’expert. Cette grande table pourra alors revêtir, pour notre marque de spiritueux, la même importance qu’un gros donneur d’ordres. C’est aussi l’avis d’Évelyne Platnic-Cohen, associée chez Consonance. Ce cabinet conseil, très implanté dans le secteur du luxe, a en effet décroché un, puis plusieurs contrats avec le groupe LVMH : « Avant d’être un grand compte en termes de chiffre d’affaires, LVMH nous apporté notoriété et crédibilité, relate la fondatrice de Consonance. Travailler pour un tel client, dans notre univers, est un gage de sérieux et de qualité. » Un client “référence”, qui peut en apporter d’autres et qu’il est crucial de fidéliser en priorité, car la défection d’un tel compte est encore plus préjudiciable que sa conquête ne fut bénéfique ! D’où la nécessité, aux yeux de certains, de bichonner ce prestigieux client tel un important donneur d’ordre.

Une offre complexe

Enfin, pour bon nombre d’entreprises, le terme “key account” dissimule une notion de complexité. Dans la structure du compte, tout d’abord. Un grand compte est, alors, une entreprise ayant de nombreuses implantations et exigeant un seul interlocuteur pour tous ses sites, qui peuvent être autant de centres de décision. « L’une des premières missions de notre cellule grands comptes a été de décrypter des organisations de plus en plus complexes et mouvantes, confie Pierre Moatti, directeur commercial France de la marque de produits cosmétiques Decléor. Il nous a fallu décortiquer les organisations pour comprendre les processus de décision. » « Dans ce cas, le volume d’achat n’est pas pris en compte », commente Thierry Meiers. Un compte peut, en effet, être structuré de façon complexe sans passer, pour autant, de grosses commandes. Complexité de l’offre, ensuite. « À un grand compte, on vend non pas un produit mais une solution », martèle Catherine Pardo, de l’EM Lyon. C’est pourquoi la vente aux grands comptes intègre un avant-vente et un après-vente totalement déterminants, pour lesquels le commercial grands comptes devra mobiliser quantité de ressources internes au service de son client. « En avant-vente, indique Pascal Goupilleau, chez Pages Jaunes, le commercial grands comptes fait appel au marketing, qui rédige une recommandation, véritable réponse personnalisée à la problématique de communication de telle ou telle entreprise. Toujours pour conseiller son client, le commercial pourra aussi contacter notre service géomarketing ou encore notre atelier de création, afin de faire réaliser une maquette, etc. » Mais ce n’est pas tout : notre commercial grands comptes devra aussi solliciter les services “support” dans la phase d’après-vente : « Il faudra vérifier les bons à tirer, s’occuper de la facturation, etc., pour délester le client des tâches administratives », reprend Pascal Goupilleau, de Pages Jaunes. Face à une demande complexe, l’entreprise devra bâtir une offre sur mesure, tout aussi complexe.

Témoignage

Lionnel Delaunay, responsable grands comptes du pôle aéronautique de Siemens SAS « Un compte peut être grand en devenir » Pour Siemens SAS, branche industrie du groupe, un grand compte peut être une entreprise ayant une représentation internationale, « comme le groupe EADS », explique Lionnel Delaunay. Mais Siemens inclut dans cette catégorie des grands comptes en devenir, c’est-à-dire des entreprises « dont le potentiel de commandes à moyen terme (trois à cinq ans) atteint un certain seuil, défini à l’avance ». Enfin – ultime critère – ne peuvent entrer dans le cercle des grands comptes que des entreprises « évoluant dans l’un des métiers de Siemens ». « Ce sont là des critères purement objectifs, explique Lionnel Delaunay. Au total, en France, environ trente clients sont, pour nous, des grands comptes. » Une élite à laquelle Siemens a dédié une organisation commerciale à part, qui « représente Siemens auprès des comptes clés, ficelle et coordonne toutes les actions à mener au bénéfice de ces clients ».

À retenir

D’une façon générale, un grand compte, ou compté clé, est un client ou prospect qui gagne à faire l’objet d’une gestion spécifique. C’est aussi un compte stratégique, ou susceptible de le devenir, soit par son volume d’achat (actuel ou futur), soit par son image ou sa notoriété : on parle de comptes références. Un compte peut faire l’objet d’une gestion différenciée, parce qu’il peut permettre à l’entreprise de pénétrer un nouveau marché. La dénomination “grand compte” intègre une notion de complexité : complexité de la structure du compte, qui recouvre une pluralité de centres de décision, et complexité de l’offre, répondant à une demande qui l’est aussi.

Lexique

L’expression “grand compte” possède deux acceptions distinctes. Dans un sens général, elle fait référence aux très grandes entreprises. Dans un sens relatif (grand compte d’une société donnée), elle évoque les clients ou prospects stratégiques. La dénomination “compte clé” désigne un client ou prospect stratégique. S’il s’agit d’un client, le compte clé peut être rebaptisé “grand client”.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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