[Tribune] Écouter et décider pour obtenir performance...et QVT
Entre management horizontal et vertical, trouvez la bonne posture managériale pour accompagner votre équipe - et vous-même - vers la performance et la qualité de vie au travail.
Je m'abonneOn dit souvent que dans l'environnement des sapeurs-pompiers, comme celui des militaires d'ailleurs, le management est fortement vertical, garantissant la réussite des missions complexes dans des environnements instables. C'est vrai. Le rôle de chaque membre de l'équipe est défini à l'avance, leur permettant d'avoir un cadre clair, de connaître leur objectif et leur périmètre d'action. Et chacun de ces rôles sont reliés les uns aux autres, de sorte que chaque action vienne nourrir la mission du collectif. Dans l'action et dans l'urgence, il est impératif que des ordres précis soient exécutés par des équipiers qui maîtrisent, fruit d'entrainements et de répétitions. Les actes deviennent ainsi les plus automatiques possible.
Ce management pyramidal décompose une mission globale en petites missions, attribuées aux pompiers suivant leur grade et leur fonction, et suivant des méthodes définies. Dans ce contexte, on peut affirmer que le management vertical est gage de performance - à condition de ne pas confondre commandement et management - et que Frederick Taylor, pionnier de la théorisation du management hiérarchique suivi quelques années plus tard par Henry Ford, serait toujours d'actualité...
N'est-ce pas aller à l'encontre des tendances actuelles vers unmanagement participatif et autres pratiques coconstructives ? Posons-nous quelques questions. Une posture de commandant à chaque instant crée-t-elle du lien entre les équipiers ? donne-t-elle envie de participer à l'amélioration continue ? répond-elle à l'attente de la nouvelle génération ? Mais encore, ce type de management qui restreint la liberté et qui laisse peu de place aux initiatives, ne risque-t-il pas d'engender des impacts négatifs sur la motivation des équipes, leurs performances et les résultats de l'entreprise sur le long terme ? Assurément, un management uniquement ou trop vertical induit des conséquences néfastes sur la motivation des équipes, qui, à terme, impacte les performances durables.
Lors de mes interventions en formation des chefs de Centre d'Unité opérationnelle, je peux constater que nous savons commander, mais plus difficilement manager. De fait, le management n'est pas inné et nécessite de connaitre des approches sociologiques, d'appréhender les différences, de savoir communiquer avec asservité, d'avoir la conscience de soi, d'être constamment dans une posture de remise en cause des pratiques pour les ajuster du mieux possible aux êtres humains que nous manageons. Car oui, la complexité du management réside bien dans l'humain.
Du management vertical au management horizontal
N'oublions pas que les nouveaux moyens de communication - SMS, e-mails, messageries instantanées -, s'opposent à tout filtrage : l'information passe et, à défaut des rumeurs qui peuvent avoir des impacts fortement négatifs.
Dans les grandes lignes, le management horizontal prône la participation à la prise de décision, qui est considérée comme l'une des clés de réussite de l'entreprise. Ce type de management met en avant la cohésion d'équipe, l'autonomie et la responsabilisation des équipiers. Chacun est invité à partager ses idées, proposer des solutions (versus critiquer le présent), apporter sa contribution et finalement réellement s'impliquer. Les initiatives en ce sens sont valorisées, ce qui engendre l'envie de s'investir davantage dans son travail et d'atteindre ses objectifs.
À l'heure où le bien-être et la qualité de vie au travail sont des indicateurs reconnus de productivité, ce type de management est de plus en plus adopté par les entreprises.
Cela montre aussi que l'entreprise vit avec son époque et s'adapte à la transformation des modes de travail. Dans un monde où l'innovation et la digitalisation occupent une place prépondérante, l'agilité est de mise et les systèmes d'organisations verticaux auront de moins en moins leur place face aux défis actuels et futurs, d'autant plus si l'on considère les attentes de la « nouvelle génération », qui perçoit l'entreprise comme un vecteur de lien social avec un besoin d'autonomie. Les jeunes commerciaux souhaitent s'engager dans des projets qui les passionnent pour jouer un rôle central au sein du collectif en accordant de l'importance aux échanges, et où choix et décisions ne dépendent pas d'une unique personne.
Exit le management autoritaire, bonjour l'autonomie (à ne pas confondre avec l'indépendance). La contribution contre le présentéisme, avec un manager coach qui aide à la montée en compétences et à faire grandir ses commerciaux.
Deux approches en opposition ou complémentaires ?
Il semble qu'un management exclusivement horizontal reflète un monde de bisounours, là où le management 100% vertical nourrit l'égo plutôt que les égaux... Dans un cas comme dans l'autre, cela semble destructeur en termes d'engagement et de performance.
Revenons dans l'univers des sapeurs-pompiers. Pour faire évoluer le centre de secours, j'ai dû réfléchir et mettre en place plus d'une dizaine de choix stratégiques, en organisation, évaluation, structure, moyens... tout comme dans ma vie professionnelle.
L'analogie avec l'environnement des sapeurs-pompiers volontaires est, me semble-t-il, pertinente car il s'agit de femmes et d'hommes avec lesquels « l'emprise » managériale ne peut exister en tant que tel ; pour que cela fonctionne, le travail sur l'engagement, sur l'humain est essentiel. Un changement sur l'aspect humain, la structure, la culture, les attentes métiers... aura des effets sur l'organisation dans son ensemble. Avant de prendre des décisions importantes, il est, par construction, essentiel de mesurer les effets avec un regard systémique.
Managers, adaptez votre posture
J'aime à penser que décider est le rôle du dirigeant, et qu'écouter est le propre du collectif et le rôle du manager. Écouter pour décider, c'est la mise en application du management horizontal au service du vertical. Pour parvenir à cette agilité et la mettre en application, la posture du manager est essentielle. Elle doit pensez aux "égaux" afin d'avoir une écoute pour comprendre et non pour argumenter.
Lire aussi : « Amélioration, digitalisation, innovation : notre leitmotiv » Delphine Bouclon, groupe Châteauform'
1- La première étape est d'adopter une posture horizontale qui commence par un partage précis des constats, des impacts et des premières réflexions. Avec humour pour poser le cadre, je dis souvent en introduction : « Dans notre environnement, nous ne sommes pas en démocratie, donc ce n'est pas un choix à la majorité. J'écoute, je m'inspire de l'intelligence collective avec chacune des rationalités limitées pour prendre la décision qui semble la plus efficiente ».
2- Ensuite, chacun est invité à exprimer sa perception, son regard sur les premières réflexions, le choix des possibles en ayant en tête la balance bénéfices/risques, sans oublier que choisir, c'est avant tout renoncer. Bien évidemment, l'ouverture vers d'autres options est possible et nous devons être le « guide » de réflexion en contraintes/ressources.
3- Et enfin, pour que tous puissent avoir une prise de hauteur, il convient de reformuler l'ensemble des choix possibles, les bénéfices/risques et les ressources contraintes.
À la suite de ces trois étapes, la prise de décision a lieu en ayant fait réellement participer l'ensemble des coéquipiers. Dans la mesure où celle-ci n'est pas basée sur un vote, et pour engager au maximum, une seconde réunion est organisée pour expliquer, donner du sens et apporter les éléments de pilotage de l'action avec ses étapes tactiques.
Ce type d'approche est également utilisé en réflexion opérationnelle sur des opérations d'envergure. C'est globalement la même posture pour décider au mieux au service de la performance et de l'engagement.
En avril, J'ai utilisé cette posture dans le cadre d'un accompagnement lors du Codir d'une entreprise qui avait pour objectif d'améliorer ses performances et les relations au travail.
Bilan à ce jour : le bon sens de l'intelligence collective a engendré des décisions qui ont permis d'atteindre les objectifs fixés ; le changement de relation a clairement amélioré la QVT, notamment grâce à une décision centrée sur « la sincérité relationnelle ».
Ce qui, par construction, a contribué à une amélioration significative des performances.
En France, les sapeurs-pompiers volontaires sont essentiels ; ils représentent 78 % des effectifs de pompiers et prennent en charge 67 % des interventions. Ils constituent le socle de notre modèle de Sécurité civile. La motivation et l'engagement sont donc essentiels pour consolider ce modèle qui repose sur du volontariat qui impose, de fait, d'avoir le meilleur équilibre entre exigence et bienveillance au service de la performance.
Hervé Aulner est directeur commercial, officier sapeurs-pompiers et chef d'unité opérationnelle depuis plus de 20 ans. Il est également fondateur de Team Spirit & Performances pour accompagner.