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Détecter et gérer le stress chez ses commerciaux

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Détecter et gérer le stress chez ses commerciaux

Manifestation de mal-être au travail, le stress peut conduire à des situations tragiques telles que le burn-out ou même le suicide. Voici comment déceler les signes d'un état d'anxiété intense chez un commercial, et surtout comment y faire face.

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L'un de vos collaborateurs vient travailler avec la mine défaite, les yeux cernés, il a pris ou perdu du poids rapidement? Il se néglige, dans sa tenue vestimentaire, voire dans son hygiène? D'un naturel enjoué et charmeur, le voici agressif avec ses collègues? Il tient des propos ­négatifs, a du mal à se concentrer? Si l'un ou plusieurs de ces signaux apparaissent chez un commercial, alors, il est peut-être en proie à une détresse psychologique et au stress. "Le stress se caractérise en effet par l'incapacité d'un individu à équilibrer les contraintes qu'il vit avec les ressources dont il dispose, explique Véronique Bayle, consultante et coach à l'IFAS (Institut français d'action sur le stress). Si une dose de stress est incontournable pour motiver et faire réagir l'individu (on parle alors de "bon" stress), le déséquilibre entre la pression et les ressources et l'impossibilité à le surmonter deviennent problématiques."

Car le stress a des répercussions sur la santé, il peut générer le développement de maladies (hypertension, dépression, entre autres) et conduire, dans les cas extrêmes, à une issue fatale: le suicide. La profession commerciale est, il faut le reconnaître, particulièrement soumise à l'anxiété et au stress. La pression des objectifs à atteindre est un fait communément accepté, encore faut-il que ces objectifs soient SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis). Si, en période de crise économique, le business se durcit et que les objectifs ne sont plus adaptés, alors le vendeur risque de s'angoisser et de s'enfermer dans le stress. La difficulté récurrente à atteindre un résultat affecte directement le moral du vendeur.

Des causes multiples

Par ailleurs, affronter des clients eux-mêmes en proie à des contraintes économiques fortes, et donc plus durs en affaires qu'à l'accoutumée, peut aussi faire monter la pression. Le client est par définition un élément que l'on ne peut pas contrôler, et donc source potentielle de stress. D'autre part, le développement de l'informatique dans les services commerciaux a également contribué à générer de l'anxiété. "Prévu à la base pour améliorer le pilotage des équipes, l'outil est parfois perçu comme un instrument de "flicage" du commercial qui, avec son smartphone, sa tablette, son PC portable, doit désormais rendre compte de son activité au quotidien, quelle que soit sa localisation", observe Matthieu Poirot, dirigeant de Midori Consulting, cabinet conseil spécialisé en ressources humaines.

Pour un commercial traditionnellement épris d'autonomie, le CRM peut rapidement se transformer en contrainte. Quant aux vendeurs les plus âgés ou peu à l'aise avec l'informatique, ils sont également soumis à la difficulté de manier l'outil?: leur contrariété double. Tout ceci est à rapprocher de l'attitude du management. "On note malheureusement dans certaines entreprises une suppression des managers de proximité. Lorsque les indispensables chefs des ventes, chefs de groupe ou directeurs de secteur disparaissent et que ne subsiste qu'un directeur commercial éloigné, les liens se distendent entre l'équipe et son supérieur, ce qui affecte le moral des vendeurs", constate Matthieu Poirot. Or, il est beaucoup plus simple pour le directeur commercial à la tête d'une équipe aussi nombreuse que diffuse de piloter par les chiffres, à l'aide de son logiciel, que de se concentrer sur "l'humain".

Quoi qu'il en soit, le stress n'est jamais dû à une composante unique: il se nourrit d'une somme de contrariétés qui peuvent être professionnelles, personnelles, financières, de santé,etc. L'accumulation de ces contraintes forme un cocktail explosif, difficile à gérer par l'intéressé.

Rester vigilant

Prévenir le stress en entreprise revient à créer un environnement de travail non anxiogène, à valoriser les individus et à reconnaître leurs efforts. "Au quotidien, le manager doit se montrer ouvert et accessible, apte à écouter et à apporter son ­soutien", résume Véronique Bayle (IFAS). Il ne doit pas hésiter à féliciter et encourager ses commerciaux, ainsi qu'à fêter les victoires. "En management, un ratio communément utilisé veut qu'il faille renvoyer six feedbacks positifs, pour un feedback négatif, afin de maintenir un bon niveau de motivation", ajoute Matthieu Poirot (Midori Consulting).

La convivialité joue un rôle essentiel dans l'entreprise et il faut ménager des moments festifs, d'autant plus nécessaires quand le contexte économique se durcit. Nul besoin de monter un coûteux séminaire à Marrakech: une après-midi de détente au vert, loin des bureaux, avec une activité de team building conviviale peut aider à remonter le moral de l'équipe. "Certains directeurs commerciaux instaurent des séances hebdomadaires de sport collectif, comme un match de volley entre midi et deux heures. Une démarche simple, mais qui crée et entretient les liens", suggère Matthieu Poirot. De même, il faut préserver la capacité des commerciaux à échanger entre eux, à parler de leurs difficultés éventuelles, ce qui a pour effet de rompre leur isolement. Les grands-messes qui ­réunissent l'ensemble de l'entreprise sont ainsi des occasions de dialogue et des "respirations". Il est également utile d'accompagner les commerciaux sur le terrain, pour avoir une vue plus globale de leur travail et afin qu'ils se sentent épaulés.

Bien entendu, l'exemplarité du management contribue également à améliorer l'atmosphère de travail. Rien de plus démotivant que de recevoir des consignes de sobriété alors que la hiérarchie roule en voiture haut de gamme et dort dans les meilleurs hôtels. Au quotidien aussi, les échanges d'e-mails sans formule de politesse, l'agressivité hiérarchique peuvent engendrer des ­émotions dévastatrices. Mieux vaut régler les difficultés de visu ou lors d'une conversation téléphonique, que par écrit.

Un problème collectif

Pour affronter le stress en entreprise, il faut d'abord prendre conscience que ce phénomène est l'affaire de tous. Pas seulement du manager commercial, qui doit garder un oeil attentif sur le comportement de ses collaborateurs. "Les collègues sont souvent les premiers à percevoir les changements dans l'attitude d'un membre de leur service, sans pour autant s'autoriser à réagir, explique Véronique Bayle (IFAS). Car repérer un individu en situation de détresse renvoie à ses propres limites." Malgré cette appréhension naturelle, il faut sauter le pas et engager la conversation avec le commercial soupçonné de partir à la dérive. Que se passe-t-il? Pourquoi n'est-il plus en forme? Connaît-il des soucis? Que peut-on faire pour l'aider?

Le manager commercial est, quant à lui, le garant du bien-être de son équipe et sa responsabilité peut être engagée en cas de problème. À lui de ressortir des éléments factuels et d'engager la conversation de façon objective: il a observé tels faits, qu'en pense le collaborateur, quelles solutions peuvent être apportées? Il est important d'aider le commercial à prendre du recul sur sa situation, à désamorcer la bombe. "Certains problèmes se résolvent par un ­coaching, s'il faut par exemple apprendre à mieux gérer son temps, ou par une formation", précise Véronique Bayle.

Enfin, il ne faut pas hésiter à envoyer le collaborateur consulter le médecin du travail. Il existe ainsi une preuve concrète que l'entreprise a tenté de solutionner le mal-être de son salarié, lequel pourra également être réorienté par le médecin du travail vers un spécialiste adapté.

Les experts


Dirigeant de Midori Consulting,
cabinet conseil spécialisé en ressources humaines,
Matthieu Poirot est consultant et enseignant-chercheur en management.
Docteur en gestion et psychologue social,
il accompagne les entreprises sur leur stratégie de management des hommes.
Ses spécialités sont notamment l'engagement au travail,
le stress et les risques psychosociaux, ainsi que le changement.

Véronique Bayle est consultante et coach à l'Ifas (Institut français d'action sur le stress).
Elle intervient en développement des compétences comportementales, particulièrement dans leur lien avec le stress et sa prévention.
Formée en psychologie clinique et à l'approche cognitivo-comportementale,
Véronique Bayle dispose de 20 ans d'expérience du management et du développement RH.

 
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