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Méthodologie

La boîte à outils de la Prise de décision
Chapitre VII : Rendre ses décisions pérennes et partagées

Fiche 03 : Le raisonnement en pertes acceptables

  • Retrouvez 7 fiches outils dans ce chapitre
  • Publié le 11 déc. 2017
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La boîte à outils de la Prise de décision

8 chapitres / 59 fiches

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Diagnostiquer les pertes acceptables

Résumé

Dans une approche classique, toute décision demande un investissement qu'il faut rentabiliser. Le raisonnement en pertes acceptables part du principe qu'au lieu d'étudier la rentabilité de la décision, il s'agit de rechercher l'investissement optimal que l'on peut réaliser sans dégrader la situation actuelle. C'est répondre à l'interrogation : que peut-on investir même si la décision n'aboutit pas ?

Pourquoi l'utiliser ?

Objectifs

L'approche en pertes acceptables permet au décideur de ne pas seulement se focaliser sur les gains attendus en fonction des investissements nécessaires. Il s'agit également d'identifier ce que le système peut supporter comme investissements sans se mettre en danger même si le résultat de la décision n'est pas celui attendu. De par la définition de limites à ne pas dépasser en termes d'investissement, le décideur acquiert une certaine liberté d'exécution et un droit à l'essai non négligeable dans des contextes évolutifs. La perte est connue à l'avance, le risque parfaitement maîtrisé bien que le décideur ne connaisse pas vraiment le résultat de son choix.

Contexte

Les décideurs ont tendance à utiliser le raisonnement en pertes acceptables lorsqu'ils agissent dans des contextes incertains et souvent évolutifs où l'absence d'informations objectives rend la prévision très aléatoire. Dans ces environnements, la prise de décision classique peut être ralentie ou stoppée par l'absence de certitudes quant aux résultats alors que le raisonnement en pertes acceptables, n'étant pas directement lié aux résultats, permet de progresser.

Comment l'utiliser ?

Étapes

  • Définir son projet sans parler en termes de résultat mais en identifiant les apports possibles en cas de réussite du projet. C'est en quelque sorte définir le " rêve " qu'il faut atteindre et ses avantages si tout se passe au mieux.
  • Présenter le projet aux acteurs. Pour qu'un projet soit viable, il doit susciter l'adhésion des parties prenantes - partenaires, employés, clients, etc. C'est cette dynamique sociale qui marque la viabilité du projet.
  • Identifier le plus exhaustivement possible les ressources nécessaires pour mener à bien le projet. Planifier le projet de mise en place de la décision et analyser les investissements nécessaires à sa réalisation.
  • Déterminer quelles sont les pertes acceptables pour chaque ressource. Fixer les limites en deçà desquelles le projet sera jugé non viable et pourra être stoppé.
  • Agir et mettre en place la décision tout en respectant le cadre des investissements en contrôlant que l'action mise en place rapproche du " rêve ".

Méthodologie et conseils

Afin d'apprécier quelles sont les pertes acceptables le décideur pourra se questionner :

  • Quel est le budget maximal que la structure est prête à investir à fonds perdus ? Quelle somme peut être allouée aux essais sans attendre de retour sur investissement ?
  • Quelles sont les limites de temps passé et de délai ? De combien de temps dispose-t-on pour la réalisation et l'implantation de la décision ?
  • Comment peut-on capitaliser sur les expertises et les expériences passées ou transverses ?
  • Quels sont les impacts acceptables sur les bénéficiaires et les opérationnels ?
  • Quelles sont les priorités données à ce projet ? Quelles sont les répercussions et les contraintes liées à la mise en place de la décision sur l'ensemble de la structure ?
Avantages
  • Le raisonnement en pertes acceptables induit le droit à l'essai.
Précautions à prendre
  • Le cadre des investissements acceptables doit être en adéquation avec les ressources de la structure et sa pérennité.

Comment être plus efficace ?

Les critères de pertes acceptables

Raisonner en pertes acceptables c'est se fixer des limites pour des critères en fonction du contexte de la prise de décision. Sont présentés ci-dessous les plus habituels dans un contexte professionnel.

  • Budget : il s'agit ici d'identifier le montant maximal des investissements qui seront affectés à la fois au processus de prise de décision et à la réalisation du choix dans le cas où ceux-ci s'avéreront menés à une impasse.
  • Délai : il faut estimer également le temps d'affectation des ressources qu'il faudra imputer aux autres projets. En nombre de jours le décideur devra connaître la durée disponible aux essais et aux réunions.
  • Image : peut-on prendre le risque de dégrader notre image de marque et dans quelle condition. Il s'agit d'une question stratégique car la perception client ou marché peut être impactée par une décision qui n'aboutit pas.
  • Expertise : dans ce cas il faut se positionner sur les savoirs faire que la structure est capable de " perdre " si elle s'oriente sur une décision innovante ou demandant d'autres expertises.
  • Marché : quels marchés ou segment est-on prêt à sacrifier sur l'hôtel de la décision. Dans le cas d'une décision qui s'avère positive la perte d'un segment est synonyme de gain de part de marché sur un autre segment mais si la décision est négative cette perte sera-t-elle acceptable et dans quelle proportion.
  • Concurrence : le décideur doit apprécier quels seront les avantages que pourront bénéficier les compétiteurs sans que cela mette en péril la structure.
  • Ressource : dans cette étude il faudra déterminer quelles seront les ressources utilisées, et donc indisponibles pour d'autres affectations, que la structure est capable de monopoliser sans déstabiliser sa production.

CAS : Les voyages de Magellan


Magellan est un cas d'école de management de la décision en environnement complexe et incertain. L'incertitude est partout et tout le temps quand il décide de démontrer que l'on peut faire le tour de la terre en bateau. Dans son ouvrage qui est consacré à cette aventure humaine, économique et technique, Stefan Zweig nous donne de nombreuses clés d'un raisonnement par pertes acceptables. Magellan, comme tant d'autres grands explorateurs, entreprend une aventure à haut risque, incertaine dans toutes ses dimensions : humaines, gestion des moyens, moyens disponibles non adaptés à des contextes méconnus voire nouveaux. Jusqu'au but lui-même qui n'existe quasiment que dans la tête de Magellan et de ceux qu'il a réussi à convaincre ou tout du moins lui faire confiance. Là n'est pas d'ailleurs le moindre de ses talents de leader.

Les décisions ont des conséquences irréversibles. Quand on parle de pertes acceptables, on parle de pertes humaines. Tout au long de cette aventure, Magellan fait face à de nombreuses crises : complot, mutineries, gestion des ressources de subsistance, climat. Et pourtant, il raisonne " froidement " en termes de pertes acceptables. Par exemple, il décidera d'abandonner des hommes, des capitaines, qu'il soupçonne de comploter. Il abandonnera des navires qu'il jugera trop dégradés pour les faire continuer au risque de perdre un recours critique.

Au départ, cinq navires sont affrétés et quittent l'Espagne. Arrivé le long des côtes d'Amérique du Sud, Magellan cherche la voie pour rejoindre le Pacifique. Il explore les voies qui rentrent dans la terre. Il met en place la règle suivante :

  • il envoie deux navires en exploration. Si au bout de 2 jours d'exploration, les deux navires ne débouchent pas, ils doivent rebrousser chemin ;
  • s'ils ne reviennent pas au bout de 5 jours, Magellan considère que les navires sont perdus, échoués, et déciderait de les abandonner.

Jean-Marc Santi, Stéphane Mercier, Olivier Arnould

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