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Secteur : le retail retient son souffle

Publié par Véronique Meot le | Mis à jour le
Secteur : le retail retient son souffle
© Piman Khrutmuang - stock.adobe.com

Port du masque, gestes barrières, soldes reportés en plein coeur de l'été, la distribution spécialisée déjà mise à mal par le confinement peine à retrouver son niveau de fréquentation, et s'apprête à vivre une rentrée à haut risque.

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Alinéa, l'enseigne de décoration et d'ameublement appartenant aux actionnaires de l'association familiale Mulliez, était en cessation de paiement le 6 mai et en redressement judiciaire une semaine plus tard. La Halle, chaîne d'habillement exploitée par Vivarte, était en procédure de sauvegarde puis reprise le 8 juillet par le groupe Beaumanoir, et deux autres candidats, Chaussea et SuperChauss'34, pour sauver 3 300 emplois.

Les annonces désastreuses se sont succédé au printemps et jusqu'au début de l'été. Après le mouvement des gilets jaunes fin 2018, et le conflit social lié au projet de réforme des retraites l'année suivante, la crise sanitaire a terrassé une partie du retail. L'épisode du confinement, puis la mise en place des gestes barrières, ont largement contribué à fragiliser des enseignes affaiblies et à accentuer des tendances déjà à l'oeuvre.

Virage digital

Le transfert des achats vers les plateformes d'e-commerce s'est ainsi renforcé. "Avec la crise, les consommateurs ont montré plus d'appétence pour la livraison à domicile et le drive, et ont minimisé le passage en magasin", constate Marc Filser, économiste, professeur à l'IAE de Dijon. Une partie d'entre eux n'avait jamais eu recours à la vente à distance.

La question clé consiste donc à savoir si ces acheteurs vont faire perdurer ces pratiques... ou pas. La réponse dépend de l'expérience client mais aussi et surtout de l'évolution de la pandémie et de la crise économique. Quoi qu'il en soit, les enseignes qui ont anticipé leur transformation digitale et mis en oeuvre des services adéquats (Fnac-Darty par exemple) ont profité du report de consommation sur leurs sites.

Pour les autres, l'absence de virage digital apparaît clairement comme un facteur supplémentaire de déclin. Autre constat de Marc Filser : "dans le retail, les mouvements d'indépendants, plus agiles et plus réactifs, s'en sortent mieux que les entreprises intégrées, très centralisées."

Bricolage, sport, culture

"La situation des GMS est très contrastée selon les secteurs", observe également cet économiste. Globalement l'alimentaire a très bien fonctionné pendant le confinement, mais avec une évolution des formats par la suite. "Ainsi, les hypermarchés ont été les grands gagnants de la première période, puis la situation s'est retournée avec une montée significative du e-commerce et de la livraison à domicile", indique Olivier Macard, associé EY en charge de la distribution et de la consommation.

Si l'habillement est totalement sinistré, le bricolage s'en sort plutôt bien. "Lors du déconfinement, certains segments, comme le sport, l'équipement de la maison ou la culture ont été fortement attractifs", note Olivier Macard.

Quant aux jardineries, celles qui ont pu ouvrir pendant le confinement, parce qu'elles vendent des produits alimentaires dits de première nécessité, ont moins souffert que les autres.

Centres commerciaux

Facteur aggravant, les grands centres commerciaux sont restés plus longtemps fermés que les autres. Selon le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), la réouverture des cafés et des restaurants le 15 juin a dynamisé leur fréquentation. Lors de la sixième semaine consécutive au déconfinement, elle s'affiche à 84 %, en comparaison de la même période de l'année dernière, en amélioration de 9 % par rapport à la semaine précédente selon le panel national Quantaflow/CNCC.

Les retours des enseignes adhérentes du CNCC font par ailleurs état de bons taux de transformation (les visiteurs sont des acheteurs) et de paniers moyens élevés. Le CNCC tablait donc sur la poursuite de cette tendance avec la réouverture des cinémas et le début des soldes le 15 juillet. Mais les premiers jours des soldes se sont avérés, sans surprise, peu dynamiques.

Le choix du report de leurs dates a fait débat. Plus d'un Français sur quatre ne comptait pas profiter des soldes d'été cette année selon une étude réalisée du 23 au 24 juin 2020 par YouGov. Et le port du masque, à nouveau rendu obligatoire le 20 juillet en lieux clos, n'a pas dû booster le trafic.

Une reprise en demi-teinte

Depuis le début de l'année, la baisse de chiffre d'affaires cumulée des enseignes s'établit à - 29,9 % selon Procos. Certains secteurs ont rattrapé une partie du retard pris lors du confinement, c'est le cas de l'équipement de la maison, des jardineries et du sport. En revanche, d'autres comme l'équipement de la personne (-34,3 %) et la beauté-santé (-33 %) demeurent en grande difficulté.

Certes, comme le fait remarquer Olivier Macard, "à partir du 15 juillet, une partie des Français part en vacances et la reprise reste limitée". Surtout, la GMS et les GSS souffrent des gestes barrières et de la nécessaire distanciation sociale. "Déambuler dans les magasins devient anxiogène alors que, par exemple dans le prêt-à-porter, les équipes sont contraintes de désinfecter les modèles essayés et les cabines après chaque passage", observe-t-il.

Au final, si depuis le déconfinement, "nous assistons à des rattrapages assez spectaculaires, il est à date impossible de dire que la pente favorable va durer", admet Marc Filser. Tout dépend de l'ampleur du choc économique, des moyens que l'État injectera, des plans de licenciement et des effets du chômage partiel. "Quel va être le véritable impact du comportement adopté par les ménages sous la contrainte pendant deux mois ? C'est la grande inconnue. Vont-ils devenir plus frugaux ?" s'interroge Marc Filser.

Quelles seront les anticipations de consommations ? La distribution amorce une rentrée à haut risque.

 
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