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Apple : de la suprématie à l'échec commercial ?

Publié par Laure Trehorel le | Mis à jour le
Apple : de la suprématie à l'échec commercial ?

C'est une hypothèse osée que livre Andre Spicer, professeur à la Cass Business School de Londres. Celui-ci prédit la fin de l'hégémonie du géant américain Apple d'ici quelques années. Entretien.

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Pensez-vous réellement qu'Apple, entreprise emblématique au succès indéniable, pourrait connaître l'échec commercial ou est-ce de la provocation ?

On pourrait penser que c'est de la provocation puisque Apple a enregistré les plus hauts bénéficies trimestriels de son histoire. Mais la stratégie de l'entreprise, basée sur l'offre d'une gamme limitée de produits à des prix élevés pourrait se retourner contre elle. Les smartphones sont de plus en plus considérés comme des bien indifférenciés, et les consommateurs vont bientôt se demander pourquoi payer de telles sommes pour un smartphone, et Apple se retrouver ainsi prise au piège.

Les ventes d'Apple ne repose pas uniquement sur l'iPhone, et l'entreprise tente de se diversifier. N'est-ce pas une bonne stratégie ?

Il est vrai qu'Apple se lance sur différents marchés : applications dans le domaine de la santé, mais aussi dans l'automobile (le modèle électrique Apple Car, ndlr) et même dans les services financiers. Cette stratégie de diversification peut paraître prometteuse, surtout à l'heure où les ventes d'AppleWatch n'ont jamais décollé. Mais lorsqu'une entreprise se développe dans un secteur qui n'est pas le sien, c'est souvent un échec. Par ailleurs, ces secteurs sont déjà très compétitifs, complexes et extrêmement réglementés. Il est donc difficile de prédire pour l'heure si Apple a ses chances d'y percer.

Andre Spicer est professeur en comportement organisationnel à la Cass Business School de Londres. Il a écrit et collaboré à de nombreux articles sur le leadership, la mondialisation, la culture d'entreprise et les organisations

Vous évoquez l'offre d'Apple, mais il semble que son succès est grandement lié à son modèle de vente particulièrement différenciant et efficace (Apple store, flasgship store, force de vente...)

Oui, vous avez raison, le succès d'Apple tient en partie de cette formidable stratégie de vente, avec d'une part ses points de vente attractifs, minimalistes et atypiques, complétés par la plateforme AppStore. Mais cette mise en scène des points de vente, physiques ou non, est largement intégrée à l'essence même des produits délivrés par Apple : une gamme limitée d'une centaine de produits iconiques.

Vous mettez en parallèle Apple et la situation qu'a connu Nokia vers la fin des années 2000. Mais Nokia ne bénéficiait pas de la même aura, donc est-ce véritablement comparable ?

Les consommateurs étaient très attachés à la marque Nokia, et garde d'ailleurs encore un lien émotionnel fort à la marque, car pour beaucoup c'est synonyme de leur premier téléphone mobile... Cependant, si nous savons aujourd'hui, avec le recul, que Nokia a en réalité souffert d'une culture interne basée sur l'absence de crainte et du précepte "Nous sommes les meilleurs", la culture d'entreprise d'Apple reste méconnue. En effet, peu de personnes savent comment se déroule la vie interne chez Apple, à part les quelques informations divulguées par la direction aux médias. Cette dimension reste donc une inconnue dans l'avenir d'Apple.

Quelles pourraient-être les conséquences de la baisse des ventes que vous envisagez pour Apple ?

Apple passerait alors de l'exceptionnel à la normalité. L'entreprise ainsi descendue de son piédestal devrait sortir de son modèle de distribution "à prendre ou à laisser" consistant jusque là à n'accorder aucune promotion et peu de stocks à ses revendeurs. Par ailleurs, Apple devrait adopter une stratégie plus proche de celle de Microsoft, à savoir des ventes beaucoup plus agressives.

Cette normalité fera adopter à Apple des habitudes d'entreprises "traditionnelles" : réduction des coûts, programmes de refonte managériale inutiles et répétitifs... Il est probable que les actionnaires mettront plus de pression sur l'entreprise pour les dividendes et entreprendront un programme important de soutien financier. Certains investisseurs voudront sans doute voir revenir dans leurs poches la "pile d'argent" d'Apple, plutôt que la voir réinvestie pour relancer l'entreprise. Si cela arrive, ce sera probablement le début de la fin.

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