C'est qui le patron ? ou comment vendre sans commerciaux
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Avec leur packaging simple et coloré, les produits C'est qui le patron ? sont bien visibles en rayon depuis maintenant huit ans. Comment ces articles de grande consommation ont trouvé si facilement leur place parmi les grandes marques ? Retour sur un succès commercial...sans commerciaux.
Je m'abonne"Ce n'est pas une originalité, ni un choix philosophique ou stratégique", déclare Nicolas Chabanne, fondateur de C'est qui le patron ? à propos de l'absence de force de vente terrain de la marque. Dès lors, comment ces produits alimentaires (beurre, lait, miel...) reconnaissables entre tous avec leur packaging unique - un fond coloré avec le texte "ce [produit] rémunère au prix juste son producteur" en grands caractères blancs - se retrouvent-ils dans les rayons de la grande distribution ?
"Tout part d'une initiative de consommateurs, née il y a 8 ans, d'aider les producteurs qui ne parviennent pas à dégager un revenu décent de leur activité", résume Nicolas Chabanne, qui n'en est pas à son coup d'essai puisqu'il avait cofondé Gueules Cassées en 2013, une marque mettant en avant les fruits et légumes "moches". En 2016, il s'entretient avec Jérôme Bédier, à l'époque directeur général délégué de Carrefour, en lui exposant son nouveau projet : "Je lui ai expliqué que je ne venais pas en tant que fournisseur, mais en tant que consommateur. Ma logique n'était donc pas de défendre mon enrichissement personnel mais bien de soutenir les producteurs."
La démarche semble simpliste, et pourtant elle fonctionne. Au départ au nombre de trois, ce sont désormais plus de 15 000 consommateurs sociétaires, qui choisissent des produits et des producteurs selon un certain nombre de critères votés collectivement (type d'agriculture, rémunération du producteur, emballage...) Les produits ainsi "élus" sont produits par les agriculteurs suivant le cahier des charges votés, mis en rayon par l'impulsion des consommateurs qui en font la demande eux-mêmes via un formulaire en ligne ou une application mobile, qui leur fournit un modèle de lettre ainsi que les codes-barres des produits, à remettre aux chefs de rayon ou à l'accueil des magasins ciblés. "Nous n'achetons ni ne revendons les produits, mais nous positionnons en tant que consommateurs intermédiaires, et prenons 2,9% sur les ventes pour cette intermédiation", précise Nicolas Chabanne.
Consommateurs et producteurs, force de vente d'un nouveau genre
"Certes, nous n'avons pas de vendeur, mais nous avons une force de vente spontanée bien plus puissante, portée par un argumentaire commercial auquel peu de chefs de rayon restent insensibles : mettre en rayon nos produits, c'est aider de manière directe les producteurs", soutient encore Nicolas Chabanne, qui s'étonne encore de ce succès. Avec peu de charges comparé aux autres marques de la grande consommation (effectif salarial très faible, pas de dépenses de communication ou de publicité), C'est qui le patron ? reverse une part importante des bénéfices aux producteurs. Exemple avec le litre de lait, dont le prix conseillé est de 1,27€, sur lesquels 54 centimes reviennent au producteur, soit 25% de plus que le cours moyen du marché en 2021.
Avec le nombre croissant de consommateurs sociétaires et de produits en rayon, la marque structure son organisation. Pour autant, toujours pas de commerciaux mais deux consommateurs devenus "référents" salariés, en charge de faire le lien entre consommateurs, producteurs et distributeurs, et une équipe de responsables commerciaux qui réalisent un suivi des ventes, accompagnent les producteurs et gèrent les demandes des consommateurs via l'application mobile.
L'une des forces du modèle : la proximité entre les consommateurs et les producteurs. Les premiers visitent les seconds, et peuvent, ensemble, réaliser des animations commerciales en point de vente. S'il est satisfait de ce modèle, Nicolas Chabanne déplore de ne pouvoir aider davantage de producteurs, limité par la taille de l'équipe. "J'ai pourtant ouvert nos cahiers des charges afin de céder le concept de la juste rémunération à d'autres marques. Danone a failli y souscrire, mais s'est finalement désisté", regrette-t-il. À bon entendeur !
C'est qui le patron ? en 2023
=> 200 rencontres autour des évènements sociétaires, producteurs, consommateurs...
=> 120 journées d'animations en magasins
=> 32 produits solidaires disponibles dans les centrales Leclerc et 28 chez Carrefour