Carrefour et le défi d'une personnalisation à grande échelle
Face à la volatilité des clients, Carrefour cherche de nouveaux moyens pour mieux connaître ses clients et personnaliser leur parcours d'achat. Lors du Salesforce World Tour, elle a expliqué comment l'éditeur l'aidait à faire face à ces enjeux.
Je m'abonnePeut-être plus encore que les autres secteurs, la grande distribution fait face à des bouleversements et un environnement plus volatil que jamais. En France, les clients fréquentent jusqu'à huit enseignes différentes de grande distribution.
Premier enjeu : « l'inflation les conduit à des arbitrages forts de leur consommation comme le changement de canal ou le type de marque", illustre Olivier Lamare, directeur France de la grande distribution chez Salesforce, lors du dernier Salesforce World Tour à Paris.
Le deuxième enjeu, c'est l'expérience client. "73 % des clients veulent être reconnus dans leurs attentes. Il y a donc un vrai enjeu de personnalisation », poursuit-il. Et pour cela, il faut gérer la masse de données, transactionnelles et autres : comportement sur le web, engagement auprès du service client...
Selon lui, il y a trois enjeux clés. "D'abord, dépasser le premier stade de personnalisation, à savoir fournir le bon produit à la bonne personne. C'est nécessaire, mais aujourd'hui, c'est un basique. Désormais, l'omnicanalité, au-delà des canaux digitaux classiques, doit assurer le relai avec le monde physique », assure-t-il. Cela permet de « créer de l'émotion », explique-t-il, assurant qu'un échange avec le client en caisse ou au drive, personnalisé en fonction de son profil aura un impact. « Et là, le champ des possibles est énorme, on peut sortir des programmes établis uniquement sur une relation transactionnelle et penser à de nouveaux business models ».
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Certes, cela suppose un travail de la part des collaborateurs mais assure que cette orientation très personnalisée bénéficie à l'entreprise comme aux salariés, en « les unissant autour de la culture client » et en leur permettant de déplacer le temps des collaborateurs vers de la satisfaction client. "Par exemple, avec les bonnes données, un agent du service client peut accélérer le temps de traitement des demandes », insiste Olivier Lamare.
Faciliter tous les métiers avec l'IA
Carrefour a bien réalisé ces enjeux et a lancé en 2020 une transformation numérique pour mieux exploiter ses données. « Quand je suis arrivée, j'ai compris que nous étions une 'data company', assure Elodie Perthuisot, directrice exécutive e-commerce et data de Carrefour. Nous réalisons trois milliards de transactions par an. Nous avons des informations sur les paiements, les produits, les habitudes des consommateurs. Nous nous sommes mis en ordre de bataille pour structurer nos données et devenir une 'digital retail company' ».
Cela passe tout d'abord par la mise en place d'une plateforme unique qui gère l'ensemble des interactions avec les clients sur tous les canaux, ce qu'a fait en précurseur Carrefour Italie. Ainsi, les équipes de l'enseigne ont accès en un coup d'oeil à l'historique des échanges du client qu'ils prennent en charge. Suite à ces transformations, le net promoter score (NPS) du e-commerce de Carrefour Italie a augmenté de 20 % entre 2021 et 2022. En Espagne, les sept numéros d'appel ont ainsi été réunis en un seul pour simplifier la vie des clients et mieux suivre les interactions.
« En effet, Carrefour, c'est plus de 80 millions de clients et 100 000 magasins dans le monde. L'enjeu, c'est d'avoir des interactions personnalisées à grande échelle », explique Nessrine Berrama, ingénieur solution à Salesforce. Chaque client est ciblé sur son canal préféré lors d'une campagne marketing. Il peut effectuer des actions en autonomie sur le site, comme discuter avec un chatbot, mais quand la demande est trop complexe, un conseiller prend le relai, et il a automatiquement l'historique des actions sur son interface CRM. « Il peut aussi interroger Einstein GPT [l'intelligence artificielle générative de Salesforce, ndr] pour donner la meilleure réponse au client. Et grâce aux questions, Carrefour gagne en connaissance sur ses clients », dévoile Nessrine Berrama.
Pour Elodie Perthuisot, le digital doit nourrir tous les métiers, ceux en face du client mais pas uniquement. "Par exemple, pour être certain que les rayons soient toujours garnis, nous avions une surproduction dans nos boulangeries. Avec un peu d'IA, en un an, la production a baissé et nous avons économisé cinq millions de croissants. Sur une petite activité, cela a déjà un impact très fort sur le gaspillage ».
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La directrice exécutive assure qu'elle et ses collègues sont là pour travailler pour les employés. "Nous les faisons venir à des tables rondes, regardons leurs irritants, là où ils passent du temps sans résoudre leurs problèmes », explique-t-elle. Dans cette optique, une solution choisie par l'enseigne ne doit pas être chronophage pour les équipes ni source d'irritants pour les clients. "Les deux sont liés : quand on passe du temps sur une tâche à effectuer manuellement, on finit par le faire mal », poursuit-elle.
Les fournisseurs qui veulent nouer une relation privilégiée doivent donc s'occuper des problèmes des clients. "Nous sommes capables de prédire 80 % de ce que vont acheter les clients venus au moins trois fois les six derniers mois. Quand on est capable d'activer cette connaissance, on peut leur faire gagner du temps ». Elle reconnaît que Carrefour n'est « pas une entreprise innovante mais nous essayons de comprendre comment les clients réagissent. Par exemple nous avons créé un bouton anti-inflation dans l'application, qui permet de voir les produits similaires à celui sélectionné et moins chers. L'IA est là pour mieux répondre aux clients et faciliter le travail des employés ».