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DossierL'économie du partage ou la troisième révolution industrielle

Publié par Laure Trehorel le

1 - Sharing economy : le business du partage

Airbnb, BlaBlaCar, Uberpop, Drivy, et bien d'autres révolutionnent le business mondial. Comment ? En proposant produits ou services en pair à pair. Décryptage de cette économie du partage qui cartonne.

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Impossible de passer à côté des entreprises de l'économie collaborative. Depuis cinq ans, ces start-up fondées sur le principe du partage fleurissent. Si le concept n'est pas nouveau - le système du covoiturage existe, quant à lui, depuis des dizaines d'années -, le phénomène prend de l'ampleur et, surtout, devient un véritable business model, avec l'apparition de "courtiers du partage" : de jeunes entreprises qui se lancent dans l'intermédiation.

Pouvoir politique et entreprises classiques surveillent le phénomène de sharing economy de près. Et pour cause: les spécialistes estiment qu'en 2013, le marché de l'économie du partage représentait un CA mondial de 26 milliards de dollars! Une tendance qui est à la hausse. En France, un consommateur sur deux, et sans doute plus encore, à l'avenir, est concerné par le partage. Ces nouvelles entreprises ont en commun d'être portées par de jeunes diplômés ou de jeunes actifs, ayant eu l'idée de développer leur business dans la sharing economy, car eux-mêmes avaient connu ce besoin à un instant T.

Laure Wagne (BlaBlaCar)

Ainsi, les fondateurs d'Airbnb souhaitaient, au départ, rentabiliser leur chambre d'ami, tandis que celui de BlaBlaCar cherchait un moyen de se rendre dans sa famille. Chacune de ces entreprises porte en elle l'ADN pur d'une start-up: moyenne d'âge de moins de 30 ans, liberté et responsabilisation des équipes, peu de hiérarchie, ambiance décontractée dans les open spaces, et une motivation guidée par l'émulation de faire partie d'un projet nouveau et ambitieux. "Notre motivation principale n'est pas l'argent, assure Laure Wagner, responsable communication de BlaBlaCar. Les salaires pratiqués chez nous ne sont pas plus élevés que dans une entreprise "classique"."

Les maîtres de la relation client

Adam Levy-Zauberman (Costockage)

Mais l'une des caractéristiques des entreprises du partage est la relation client, ou plutôt la "relation membre". Là où les entreprises classiques peinent encore, en matière de transparence, les start-up de la sharing economy affichent une parfaite maîtrise, puisque cela est inhérent à leur fonctionnement. Pourquoi? Parce que toutes les entreprises du partage fonctionnent suivant le principe phare de la notation. Ici, pas de discours vendeur mais de multiples avis, autorégulant l'activité en elle-même. À tel point qu'il n'existe pas de commerciaux, chez ces start-up, et les budgets de publicité restent très limités. Recommandations, avis, bouche à oreille, nombre de likes sont les réels indicateurs de satisfaction clients - ou plutôt de "satisfaction usagers" -, pour ces entreprises du partage. "Même si son effet est difficilement mesurable, le bouche à oreille a nettement aidé au développement de notre réputation et de notre activité", concède Adam Levy-Zauberman, cofondateur de Costockage, spécialiste du garde-meubles entre particuliers. "Le facteur clé de notre succès est la confiance. À la fois entre covoitureurs, mais aussi entre les utilisateurs et nous", insiste Laure Wagner (BlaBlaCar).

Des témoignages confirmés par les chiffres: selon l'étude Local Consumer Review de 2012, 72% des consommateurs font autant confiance aux avis en ligne qu'aux recommandations personnelles et 65% font plus confiance au bouche à oreille sur Internet qu'aux spots publicitaires. Ce n'est donc pas un hasard si Frédéric Mazzella, fondateur et président de BlaBlaCar, a reçu la Palme du directeur de la relation client 2014...

Quel modèle économique?

Guilhem Chéron (La ruche qui dit oui!)

"Notre modèle repose sur trois piliers: le digital, le local et le participatif", résume Guilhem Chéron, fondateur de La ruche qui dit oui!, laquelle met en relation des agriculteurs et des consommateurs de leur région, court-circuitant ainsi les réseaux de la grande distribution.

Concernant leur modèle commercial, la plupart des entreprises collaboratives, en tant qu'intermédiaires entre loueurs et propriétaires, se rémunèrent grâce à une commission. La norme se situe entre 15 et 30% de la transaction entre le loueur et le locataire. Ainsi, La ruche qui dit oui! prend environ 20% de commission sur les com­mandes. Ce pourcentage rémunère, d'une part, le responsable de La ruche pour son travail d'organisation des ventes, de gestion et d'animation de la communauté et, d'autre part, les 35 salariés qui travaillent au développement de la plateforme web, assurent le support technique et commercial, et gèrent la construction du réseau.

À titre de comparaison, le rapport de l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires estimait des taux de marge brute s'échelonnant de 30 à 50% selon les rayons, en 2011.

Petites entreprises, grandes ambitions

Ce n'est pas parce qu'elles sont encore de taille modeste, et souvent pas encore rentables, que les entreprises de l'économie du partage ne voient pas grand. "Nous travaillons notre expansion à l'international: déjà présents en Europe, nous envisageons des destinations plus lointaines comme l'Inde ou le Brésil", affirme Laure Wagner, chez BlaBlaCar. De même, Costockage, qui poursuit son expansion dans les principales villes de France, souhaite investir l'Europe.

Il faut dire que ces entreprises, faites d'équipes à la fois jeunes et internationales, ont sans doute moins froid aux yeux que leurs aînées, lorsqu'il s'agit de trouver du business hors de nos frontières. Par ailleurs, leur développement à l'international est facilité par le fait que leur business repose sur une plateforme web, gérée depuis le pays d'origine. Ensuite, leur expansion se fait par la "simple" implantation de bureaux, sans toute la partie technique et logistique qui est centralisée. Elles n'attendent d'ailleurs pas d'être totalement implantées sur leur marché national avant de s'essayer à l'international, contrairement à la plupart des entreprises classiques.

Quels seront les prochains secteurs?

Vous pensez être à l'abri, dans votre marché? Détrompez-vous! Si l'économie collaborative est réputée dans le secteur du transport et de l'hébergement, les start-up surfant sur la vague de la sharing economy investissent aussi la location de places de parking avec Parkatmyhouse.com, ou les objets du quotidien avec Rent my items, qui loue tout, de la tondeuse à gazon au vélo, en passant par le robot ménager.

Et cette économie de partage ne se limite pas aux échanges d'objets, mais peut aussi s'appliquer à l'immatériel. C'est le cas de la start-up Echo, qui met en relation des personnes à la recherche d'une expertise: je donne une heure de mon temps en apportant les conseils du spécialiste que je suis, et en échange, le jour où j'en ai besoin, je fais appel à un expert dans un domaine qui m'intéresse; ou encore Taskrabbit, site d'entraide à la réalisation de petites tâches de la vie quotidienne: ménage, déménagement, réparation d'une fuite...

Potentiellement, c'est donc tout le secteur de l'artisanat qui serait en concurrence. La sharing economy a même investi celui de l'énergie. La plateforme pair-à-pair de la start-up néerlandaise Vandebron met en effet en relation des personnes ­- particuliers, ou agriculteurs, par exemple - ayant de l'énergie en surplus avec ceux qui en ont besoin. Grâce à ce système, le consommateur peut acheter directement de l'électricité à son voisin. Au passage, Vandebron facture aux deux parties des frais d'environ 10 euros par mois.

Si les développements de l'économie du partage sont quasi illimités, certains consommateurs - aux États-Unis ou en Europe du Nord - sont plus ouverts au partage que d'autres. Mais il est probable que ce ne soit qu'une question de temps avant que cette économie fasse de nouveaux adeptes. Une certitude: le phénomène est en marche, et répond à un nouveau besoin, tant de la part des consommateurs que des entreprises.

Laure Trehorel

Laure Trehorel

Journaliste, stratégie et vente

Chef de rubrique pour le magazine Action Commerciale et pour le site actionco.fr, je suis en charge des sujets relatifs aux stratégies [...]...

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