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DossierLa fonction commerciale à l'épreuve du droit

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3 - Former les commerciaux au droit

Législation métier, contractualisation, pratiques anticoncurrentielles, cybersécurité...Le bagage juridique des commerciaux doit désormais être bien fourni, et régulièrement actualisé.

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Un commercial qui repère les risques potentiels dans les contrats, a le réflexe de vérifier la légalité, se tourne volontiers vers un juriste pour dissiper un doute, donc montre de l'appétence pour le droit : est-ce une utopie ou une tendance d'avenir ?

Dans certaines directions commerciales, l'aisance avec le droit est mesurée dès le recrutement, et ce, particulièrement pour les postes à responsabilité. « Lors des recrutements, nous faisons attention à ce que les candidats, qui auront en face d'eux des grands comptes, aient un minimum de culture légale, sachent ce que c'est qu'un contrat, ou encore une clause de confidentialité NDA », observe Henri Serre (Raja).

Dans la formation continue des commerciaux, le droit occupe désormais sa place, aux côtés des techniques de vente et autres formations aux produits. Chez Bic France, l'approche a lieu au fur et à mesure : « La formation des commerciaux au droit se fait de manière empirique, par le N+1 qui explique les règles à l'arrivée du salarié dans la société. Puis, nous avons des échanges avec les juristes qui assurent également la formation en continu », explique Philippe Surun, directeur des ventes B to B chez Bic France.

Chez Raja, l'actualité réglementaire est régulièrement abordée avec l'équipe de vente: «Lors de notre réunion commerciale mensuelle, je consacre au moins 2h à la formation, en essayant de rendre les thématiques les plus concrètes possible, relate Henri Serre. Récemment. J'ai convié Citeo* à venir faire une formation de 4h sur les obligations issues de la loi Agec. Je fais également intervenir des fournisseurs, qui viennent avec leurs responsables produits et leurs juristes, pour présenter leur offre, leur fonctionnement, expliquer les contraintes... Nous faisons également appel à des prestataires pour des formations en ligne sur les bonnes pratiques en matière de cybersécurité. Enfin, nous nous appuyons sur notre centre de formation interne qui, avec le service juridique, a notamment abordé la question de l'anti-corruption. »

Initier les bonnes pratiques

Dans toutes les entreprises, les commerciaux se trouvent particulièrement exposés aux risques de dérapage lorsqu'ils discutent avec leurs homologues issus de la concurrence. Pas question de se laisser aller à des confidences lors de discussions spontanées sur un salon, par exemple.

« Depuis 15-20 ans, on remarque que les problématiques légales de concurrence et d'entente ont pris une forte ampleur, confirme Philippe Surun. Nous sommes membres de l'AIPB (Association des Industriels de la Papeterie et du Bureau) qui rassemble les fabricants de notre filière. Nous nous réunissons régulièrement et toutes nos rencontres sont extrêmement cadrées, avec une liste d'éléments et de sujets que nous n'avons pas le droit d'aborder. Nous ne pouvons parler que de choses notoires et officielles concernant les clients, mais il est hors de question d'évoquer des tendances de business. Tout nouveau membre est immédiatement mis au courant des règles. »

La France s'est illustrée en 2020 comme étant le pays le plus sévère au monde en matière de sanctions antitrust. L'Autorité de la concurrence, qui veille au respect des règles et traque les cartels, ententes et autres abus de position dominante a ainsi infligé près de 1,8 milliard d'euros d'amendes aux entreprises françaises cette année. D'où la nécessaire prudence des entreprises qui s'attachent à former leurs commerciaux.

Former les revendeurs

Dans un autre registre, les directeurs commerciaux se tournent volontiers vers leurs associations professionnelles pour profiter de formations sur les évolutions législatives dans leur métier, et en faire bénéficier les commerciaux.

Erick Billiemaz, directeur commercial de Playmobil, témoigne : « Nous sommes membres de l'Ilec (Institut de liaison des entreprises de consommation), qui nous permet de nous tenir à jour sur toutes les modifications règlementaires qui ont de l'impact. L'Ilec est présent dès la conception des lois établissant le cadre des relations distributeurs-fournisseurs, en proposant des pistes concrètes eu égard au contexte économique et à sa connaissance des enjeux. »

Veille réglementaire, analyse juridique et décryptage des textes en vigueur, permettent aux industriels d'adapter leur stratégie commerciale et d'accroître leur efficacité sur les marchés. Côté vendeurs, si les forces de vente « maison » bénéficient de la primeur des formations aux évolutions réglementaires, les marques doivent également répercuter la formation à leur réseau externe.

Le spécialiste du financement des matériels professionnels en leasing Leasecom part ainsi à la rencontre de ses revendeurs lors d'un road-show hexagonal, en mars et avril. « C'est notre premier road-show depuis 4 ans, et nous prévoyons de toucher entre 350 et 400 partenaires, explique Frédéric Amichot, directeur marketing. Au menu de ces rencontres, nous formerons le réseau à l'actualité juridique, notamment à la loi REEN, à la loi Agec et aux fondamentaux tels que les droits et obligations du détenteur et du producteur d'Equipements Electriques et Electroniques (EEE) en matière de déchets. »

Surveiller les décrets

Chez HP, plus de 80% des ventes s'effectuent de manière indirecte via le réseau des revendeurs. « Nous avons mis en place un programme de formation différencié, à destination de nos commerciaux d'une part, et des commerciaux de nos revendeurs d'autre part, explique Matthieu Sabin, responsable du développement durable chez le fabricant. Les sessions durent 1h à 2h, en distanciel, et il est nécessaire de maintenir une régularité et de ré-informer ces publics, par exemple, au moment où sort le décret d'application de la loi abordée. Nous avons par exemple mis à jour nos formations sur le taux de produits reconditionnés qui sera demandé dans les appels d'offres publics, en vertu de la loi Agec ».

Sans endosser le costume de juriste, mais en gardant sa spontanéité et ses talents de vendeur, le commercial de demain devra donc être de plus en plus être familier du droit, et bien formé pour cela.

*Citeo : acteur français de la REP - responsabilité élargie des producteurs - pour les papiers et emballages ménagers.

Chez Webhelp, une formation au droit ludique

Le spécialiste de la relation client externalisée Webhelp s'appuie sur son équipe de juristes internes pour former les commerciaux au droit.

Stéphanie Corbière, directrice juridique région France chez Webhelp explique : « Nous avons des échanges informels réguliers avec les commerciaux, en plus des sessions de formation spécifiques sur, par exemple, la technique contractuelle et le repérage des clauses à risque. Cette année, nous avons rédigé un Legal Contract Book à destination des commerciaux où ils trouvent une information synthétique, visuelle et très pratique sur les problématiques contractuelles, data et RH auxquelles ils peuvent être confrontés. »

Enfin, lors du dernier séminaire commercial du groupe, l'équipe juridique a organisé une formation originale à base de saynètes théâtrales autour de thématiques concrètes telles que « Bien négocier la clause de prix ». Un quizz final façon « Questions pour un champion » a clôturé la journée.

Olga Stancevic

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