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5 façons de protéger vos innovations

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Ni techniques, ni artistiques, certaines innovations dans le domaine marketing ou commercial sont difficiles à préserver. Il existe toutefois une palette d'outils juridiques qui offrent aux entreprises une protection efficace.

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La protection par le brevet

Au terme de l'article L.611-1 du code de la propriété intellectuelle, «toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation». Le brevet d'invention est délivré pour une durée de 20 ans. Outre les obligations de dépôt prévues par la loi, la protection est aussi subordonnée à la condition de «nouveauté» (l'invention ne devant pas faire partie des connaissances rendues publiques), à celle d1'activité inventive supposant une démarche intellectuelle créative et à celle d'application industrielle. Attention, l'existence de ces conditions n'étant que partiellement vérifiée au cours de l'instruction de la demande de brevet, le titre délivré peut être ultérieurement contesté devant un juge. L'obtention d'un brevet nécessite donc une analyse juridique et technique préalable. A ces coûts, s'ajouteront les frais de dépôt (à noter que la protection conférée par un brevet est limitée aux territoires dans lesquels la procédure de dépôt aura été menée jusqu'à son terme). Le dépôt d'un brevet constitue donc, plus particulièrement pour les PME, un investissement important, dont la rentabilité reste souvent aléatoire. Toutefois, conférant à son titulaire un véritable monopole d'exploitation, le brevet demeure la voie royale de la protection des innovations techniques.

@ IMAGINE / FOTOLIA /LD

La protection par le droit des dessins et des modèles

Le code de la propriété intellectuelle confère au déposant d'un dessin ou d un modèle nouveau et présentant un caractère propre, un droit de propriété de 25 ans. Le droit des dessins et modèles vise les objets industriels ou artisanaux ayant une fonction utilitaire et présentant une apparence nouvelle. De même que pour les brevets, et à l'inverse du droit d'auteur, le droit de propriété ne s'acquiert que par un dépôt à l'Inpi. Mais la portée juridique de ce type de protection serait limitée. En effet, la «nouveauté» exigée se confondrait avec l'«originalité» requise en droit d'auteur. Le dépôt au registre des dessins et modèles ferait alors double emploi avec la protection du droit d'auteur. Or, cette dernière n'est subordonnée à aucun dépôt préalable et demeure en vigueur pendant la durée de vie de l'auteur et 70 ans après sa mort. Les tribunaux sont toutefois divisés sur cette question, certains estimant que la protection au titre des dessins et modèles est indépendante de la protection au titre du droit d'auteur. En pratique, le dépôt est utile pour les innovations ornementales dans le domaine de l'objet utilitaire, reproduit en plusieurs centaines ou milliers d'exemplaires. Il renforce les droits de l'innovateur, lui accorde des avantages probatoires (antériorité, présomption de nouveauté) et peut être directement effectué par l'entreprise, personne morale. Le dépôt donne, notamment vis-à-vis des contrefacteurs, des atouts judiciaires non négligeables.

La protection par le droit d'auteur

Initialement conçu pour protéger les auteurs d'oeuvres artistiques, le droit d'auteur a été étendu à des objets dont la vocation première est commerciale ou industrielle. Les logiciels sont ainsi protégés par le droit d'auteur, lequel s'applique aussi à diverses «oeuvres» comme un saladier, des cartes géographiques, des guides, un slogan publicitaire, un logo commercial, un manteau ou encore un modèle de coiffure. A l'inverse du droit des inventions «brevetables», le droit d'auteur est particulièrement souple. Ainsi, la protection qu'il confère n'est pas subordonnée à un dépôt préalable; dès lors que l'oeuvre présente l'originalité requise, son auteur est investi du monopole légal d'exploitation. Mais ce manque de formalisme est à double tranchant: l'originalité, au sens juridique du terme, est une notion à géométrie variable, source d'insécurité juridique.

La protection conférée par le droit d'auteur est limitée à la forme. Par exemple, une idée commerciale innovante ne pourra donner prise à un monopole d'exploitation, seule sa mise en forme? - documents commerciaux, publicité, slogan, etc. - sera susceptible de bénéficier de la protection. Dès lors que l'innovation se concrétise par une forme tangible, quel que soit son mérite ou sa destination commerciale, son concepteur est donc susceptible de détenir des droits exclusifs d'exploitation. Edicté pour protéger les artistes, le droit d'auteur reste d'un maniement délicat pour l'entreprise. Les salariés sont titulaires des droits d'exploitation, hormis dans certains cas: quelques dispositions légales visent, en effet, à investir une société de la propriété des oeuvres créées par ses salariés. Les deux parties peuvent aussi prendre soin de conclure un contrat de cession de droits conforme au formalisme imposé par la loi. En tout état de cause, l'auteur, personne physique, conserve son droit moral et donc la faculté de s'opposer à des exploitations attentatoires à l'intégrité de son oeuvre. Là encore, cette faculté, aux contours assez flous, fragilise les opérations commerciales ayant l'oeuvre pour support.

L'expert

Me Jean-Marie Léger est avocat associé chez Avens Lehman & Associés, cabinet spécialisé en droit des affaires.

La protection par le contrat

Lorsque l'innovation est une connaissance, un savoir-faire dont le détenteur ne peut pas juridiquement se réserver la propriété via un brevet ou un droit d'auteur, sa divulgation et son exploitation doivent être juridiquement sécurisées. Cette protection s'acquiert essentiellement par le contrat Toutefois, il n'engage que ceux qui l'ont signé. Il est donc nécessaire que tous ceux qui ont accès à ces connaissances soient liés à l'entreprise par les clauses contractuelles adéquates. Ainsi, en amont, les contrats de travail des collaborateurs de l'entreprise contiendront des clauses de confidentialité et, le cas échéant, des clauses de non-concurrence. Un salarié qui révèle des secrets de fabrique s'expose ainsi à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. En aval, la mise à disposition rémunérée de ce savoir-faire sera formalisée par un contrat de communication. Ce document définit précisément les droits d'utilisation concédés au client et le contraint à la confidentialité la plus stricte, l'engagement pouvant être assorti d'une clause pénale dont le montant peut jouer un rôle dissuasif. Un accord de confidentialité organisera utilement les négociations préalables à la signature du contrat de communication proprement dit.

La protection par l'action en responsabilité civile

Celui qui commet une faute s'oblige à réparer le préjudice qui en résulte. A partir de ce principe général, les appropriations fautives d'innovation restent à définir. Un exercice délicat puisque les innovations, par hypothèse non susceptibles d'un droit de propriété exclusif, peuvent être ici librement exploitées par des tiers. Un ancien salarié qui exploite le savoir-faire propre à son ex-employeur, le sous-traitant bénéficiaire de l'indiscrétion d'un client tenu par une obligation de confidentialité ou le prospect qui, tirant partie d'un simulacre d'appel d'offres, s'approprie les connaissances d'un candidat écarté, tous pourront ainsi voir leur responsabilité engagée. L'action en parasitisme est souvent sollicitée si l'innovation ne peut faire l'objet d'un droit de propriété. Dérivée de la notion de concurrence déloyale, elle suppose qu'une faute soit démontrée. La libre concurrence s'oppose, en effet à l'appropriation systématique des innovations, et donc à la création de monopole là où le bénéfice des consommateurs suppose une large diffusion du progrès technique.

 
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Jean-Marie LEGER

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