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DossierBusiness for Good : un modèle pour changer le monde

Publié par Véronique Meot le

1 - Quand le business à impact émerge vraiment

La quasi-totalité des secteurs d'activité sont concernés par le business for good, mais son développement se heurte aux contraintes économiques. Encadrement juridique, pont entre des mondes jusqu'ici très éloignés, voyons comment le marché se structure.

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La pandémie propulse l'impact social et environnemental de l'activité économique sous les feux de la rampe. Mais paradoxalement, "la crise a, à la fois, rendu la transformation des entreprises encore plus nécessaire et musclé la pression économique exercée sur les ménages, réduisant ainsi la possibilité de consacrer davantage de ressources à une consommation plus responsable", constate Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, à l'École universitaire de management de l'Université Clermont-Auvergne.

Il est admis que les Français considèrent majoritairement (51 %) qu'une entreprise doit être utile à la société dans son ensemble (Ifop, 2016), mais le potentiel du marché reste difficile à évaluer. "D'ailleurs, c'est le citoyen qui est attentif à ces notions, pas le consommateur qui est soumis à la question du pouvoir d'achat. Seule une partie des ménages est en mesure d'absorber la hausse des prix", regrette Bertrand Valiorgue. Trois secteurs d'activité, particulièrement impactants, sont pointés du doigt : l'alimentaire, la mobilité et le logement.

Raison d'être, mais pas que

En 2019, la loi Pacte introduit la notion d'engagement volontaire et la reconnaissance, dans le droit français, de la notion d'intérêt social de l'entreprise. Pour rappel, les organisations peuvent faire publiquement état de leur qualité de sociétés à mission, en précisant leur raison d'être (les principes et valeurs qui orientent l'activité) et un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux, dont la conformité est contrôlée notamment par un tiers indépendant. Les actionnaires du groupe Danone ont voté l'adoption de ce nouveau statut à 99,42 % lors de l'assemblée générale qui s'est réunie le 26 juin.

S'il est trop tôt pour évaluer la sincérité des engagements et leur portée tant économique que juridique, un mouvement est enclenché dans les entreprises. "Un peu trop rapidement à mon goût", glisse Stéphane Vernac, professeur de droit privé à l'Université de Saint-Étienne, membre du CERCRID (centre de recherches critiques sur le droit), chercheur associé à Mines ParisTech, qui s'inquiète des effets d'annonce et des engagements trop généraux.

"Au niveau de Danone, tempère Bertrand Valiorgue, le niveau de communication autour de l'engagement est tel, qu'il semble impossible de tricher". D'autres organisations ont précédé la loi. Ainsi, dès 2015, Nutriset, entreprise agroalimentaire basée en Normandie, est devenue la première entreprise à objet social étendu (OSE). Son objectif ? Lutter contre la malnutrition et contribuer à l'autonomie nutritionnelle pour tous.

En 2020, elle a rejoint l'initiative des Nations Unies du Global Compact, qui vise à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable sur la base de dix principes d'engagement en matière de droits humains, de droit du travail, d'environnement et de lutte contre la corruption. Autre exemple, le groupe de luxe Kering publie chaque année son compte de résultat environnemental (Environmental Profit & Loss Account ou "EP&L"). Les résultats de 2019 montrent qu'il est en bonne voie pour atteindre son objectif de réduction de 40 % de l'EP&L à l'horizon 2025 (par rapport à 2015).

Impact versus rentabilité

La tendance du business à impact est loin d'être franco-française, elle est également observée aux États-Unis et en Europe, ainsi que dans de nombreux pays occidentaux. Reste que la finance pourrait représenter un frein à son essor. L'exigence de rentabilité - contraignante - supplante l'intérêt général de l'entreprise, voire sa pérennité.

"Historiquement, la réalisation de bénéfices est apparue pour les entreprises comme le premier impact, puis progressivement une exigence de responsabilité s'est développée, une de ses premières manifestations étant la RSE. Sauf que les objectifs sont non contraignants. Ils n'autorisent pas la mise en oeuvre d'une opposition juridique et limitent l'action à des engagements très généraux", relate Stéphane Vernac.

Dès 2017, la loi sur le devoir de vigilance a exigé des grandes entreprises qu'elles établissent un plan de surveillance sur tous les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités. Aujourd'hui, "la définition de la raison d'être incite à se tourner vers le management pour définir le sens du travail collectif. Or, certains managers le perdent au profit de l'atteinte de leurs objectifs quantitatifs", commente Stéphane Vernac.

ESS et Tech for Good

Si l'impact social et environnemental commence à être évalué par les organisations, l'absence de cadre commun et d'outils de mesures standardisés ralentit le processus. Deux modèles vertueux permettent aux entreprises de piloter leur impact selon une étude "Impact, un levier de création de valeur" menée par Fabernovel et France Digitale.

D'une part, les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) qui constituent les trois piliers de l'analyse extra-financière, représentent un puissant levier lorsque les grandes entreprises s'engagent au-delà des exigences réglementaires. Fabernovel cite en exemple Microsoft qui s'est engagé en début d'année, non plus seulement à la neutralité carbone, mais à des émissions de CO2 négatives d'ici 2030 sur l'ensemble de sa chaîne de valeur, entraînant probablement dans son sillon ses fournisseurs comme ses clients utilisateurs.

D'autre part, l'approche Impact by design adoptée par les entreprises qui placent l'impact au coeur de leur réacteur. C'est le cas du secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS), qui a pris une longueur d'avance en portant des projets économiques "socialement utiles" et un ensemble de valeurs, dont la gouvernance démocratique. En France, l'ESS regroupe des coopératives, associations, fondations, mutuelles, entreprises solidaires, sociétés commerciales d'utilités sociales, etc.

Le secteur emploie près de 2,4 millions de salariés selon l'Observatoire national de l'ESS. Désormais, les acteurs de la Tech for good lui tendent la main pour opérer sa transformation digitale afin qu'elle puisse porter ses actions au-delà de l'échelle locale. C'est du moins ce que relate l'étude "Tech for Good 2019", menée par PWC et Tech'In France. Un autre axe de développement !

En chiffres

Les fonds d'investissement à la rescousse

Dix-sept fonds d'investissement représentant 400 millions d'euros mobilisables ont rejoint la communauté French Impact - bannière française pour l'économie à impact - depuis septembre 2019. Ces fonds s'engagent à consacrer une partie de leurs investissements à l'accompagnement de projets portés par des acteurs de l'écosystème French Impact. Plus globalement, le marché de l'investissement à impact en 2018 représentait 4 milliards d'euros d'encours selon l'"état des lieux du marché français de l'investissement à impact" (édition 2019, données 2018) de l'Impact Invest Lab. Cela représente une croissance de 11 % sur un an.

Julien van der Feer

Julien van der Feer

Rédacteur en chef

Directeur des rédactions de six médias BtoB (Action Co, Be a Boss, DAF Magazine, Décision Achats, Ekopo et Maison&Travaux Pro), j'écris [...]...

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