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Transformation digitale : vers un rôle plus relationnel des commerciaux ?

Publié par Aude David le - mis à jour à
Transformation digitale : vers un rôle plus relationnel des commerciaux ?

Les sociétés du B to B en sont encore souvent aux balbutiements de la transformation digitale, que ce soit dans la relation client ou les outils d'analytics. Quelles stratégies adopter et comment transformer sa force de vente ? Deux experts de McKinsey font le point.

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Où en est le B to B dans la digitalisation ?

Paul-Louis Caylar : En moyenne, les entreprises B to B ne captent que 28 % de leur potentiel digital, soit sept points de moins que la moyenne des entreprises B to C. Il ressort de nos études sur la maturité numérique des entreprises qu'elles sont, toutes catégories confondues, en moyenne encore loin d'exploiter toutes leurs opportunités digitales, mais aussi que le B to B accuse un retard relatif par rapport au B to C. Retard que l'on peut sans doute attribuer en partie à son exposition plus faible à l'arrivée de nouveaux acteurs digitaux.

Nicolas Maechler : Ce retard est d'autant plus dommageable que le numérique est un élément-clé de la satisfaction client. Alors que les acteurs du B to C se transforment depuis cinq ans pour proposer un meilleur service clients, cette évolution en B to B n'est observable que depuis 18 ou 24 mois. Cependant, un fossé demeure entre l'expérience client qu'offrent les entreprises du B to B et celle de leurs homologues B to C. La bonne nouvelle, c'est que le B to B a des gains de productivité supérieurs au B to C quand il améliore le parcours client, pour des coûts à peu près similaires.

Comment le digital peut-il aider à mieux prendre en compte les attentes du client ?

Nicolas Maechler : Nous recommandons aux entreprises de concevoir leur approche omnicanale en partant des attentes de leurs clients et en s'adaptant à leur façon de penser et d'agir. Les résultats d'une enquête que nous avons menée récemment sont assez frappants : beaucoup d'acheteurs ont une préférence pour les canaux numériques lors d'étapes simples comme le renouvellement d'une commande. A l'inverse, ils sont également très demandeurs d'une interaction humaine dans des moments critiques où la dimension interpersonnelle apporte une valeur ajoutée conséquente : coconstruction d'un projet, prise de décision, négociation. Le client a ainsi toujours besoin de face-à-face mais celui-ci doit se faire au bon moment. (A lire: Les bonnes pratiques pour vendre en ligne à un acheteur BtoB)

Ainsi, les entreprises doivent se méfier du "tout digital", la transformation numérique des processus de vente doit être sélective et adaptée aux attentes des clients. Si l'idée d'une application smartphone pour faciliter les échanges peut sembler bonne, il faut garder à l'esprit qu'en règle générale, un acheteur B to B aura un large portefeuille de fournisseurs. Avoir autant d'applications que de fournisseurs peut devenir, pour lui, une vraie contrainte s'il doit les consulter quotidiennement. Ces derniers préfèrent alors souvent une intégration à leurs systèmes. Enfin, les attentes des acheteurs B to B ne sont pas univoques : certains voudront plus de personnalisation quand d'autres privilégieront une approche agrégée.

Comment retravaille-t-on le rôle des équipes de vente pour mieux répondre aux attentes des clients ?

Nicolas Maechler : Le commercial d'aujourd'hui doit être plus collaboratif et plus intégré dans l'environnement de son entreprise. Abattre les silos entre services marketing et commerciaux devient une nécessité pour mieux comprendre les besoins et attentes des clients sur une offre, mieux communiquer ses spécifications et in fine augmenter le volume et le prix de vente en réduisant l'insatisfaction. L'ensemble des équipes doivent travailler de manière coordonnée en poursuivant un objectif unique : améliorer l'expérience client. Le véritable enjeu consiste donc à analyser finement sa perception et, en fonction de celle-ci, identifier les causes d'éventuels effets négatifs sur les interactions. Il s'agit donc de remonter jusqu'aux dysfonctionnements à l'origine de cette mauvaise perception et de revoir les processus internes de l'entreprise avec tous les différents départements (ventes, marketing mais aussi finance, logistique, R & D, production).

En outre, la communication en interne doit être fluidifiée afin d'éviter les situations où le client dispose d'informations différentes de celles des commerciaux. Par exemple, en cas d'incident sur la livraison, le responsable du compte doit être prévenu en même temps que le client, afin de pouvoir le rappeler immédiatement et lui proposer une solution.

Comment les commerciaux doivent-ils s'adapter à la digitalisation ?

Nicolas Maechler : Le commercial doit avant tout mieux comprendre l'intégralité du parcours client. Ainsi, digitaliser les ventes ne signifie pas réduire le nombre de commerciaux : on observe même parfois le contraire. Si les tâches purement transactionnelles sont de plus en plus automatisées, elles libéreront du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée comme la création d'une relation sur le long terme. Par ailleurs, dès lors qu'un problème survient dans la relation, le client s'attend à pouvoir dialoguer avec son commercial afin de bénéficier d'une solution personnalisée.

Paul-Louis Caylar : Les vendeurs ont un double rôle à jouer : apporter un conseil au client et être le vecteur des attributs de la marque. L'automatisation leur enlève les tâches les moins intéressantes et à plus faible valeur ajoutée, ce qui leur laisse du temps pour identifier de nouveaux besoins chez les clients (notamment grâce à l'intelligence artificielle), proposer de nouvelles offres, fidéliser et négocier dans la durée.

Nicolas Maechler : Comprendre les attentes des clients peut aussi se faire par les questionnaires de satisfaction, qui se développent de plus en plus en B to B. Cet usage très répandu en B to C n'est pas, contrairement aux idées reçues, considéré comme irritant par les clients. L'adapter au monde du B to B nécessite néanmoins de faire porter l'évaluation sur l'ensemble du parcours client et non pas uniquement sur l'interaction avec la force de vente.

Paul-Louis Caylar : Si les indicateurs historiques d'évaluation de la performance des commerciaux restent valables, il faudra également adapter les outils de mesure au nouveau rôle des commerciaux : augmenter le poids de la prospection, des opportunités de ventes croisées et de l'ouverture de compte.

Quel rôle auront les managers dans cette transformation des commerciaux ?

Paul-Louis Caylar : Les managers devront gérer la transition de leurs équipes vers de nouvelles compétences plus relationnelles. Pour certains profils de commerciaux très centrés sur la dimension transactionnelle, cela représente un réel défi et nécessite un programme de développement des talents. De manière générale, les commerciaux sont animés par l'atteinte de leurs objectifs de ventes, et lorsqu'ils constatent qu'un outil numérique les y aide, ils l'adoptent. Une bonne part du travail consiste donc à les convaincre en leur donnant les indicateurs utiles qui prouvent ce que le digital peut apporter dans la relation avec leurs clients. Mais pour que ces outils soient adoptés largement, la direction commerciale doit procéder comme elle le fait avec les clients : partir des besoins du vendeur et lancer une version beta qui sera progressivement améliorée.

Loin de s'éclipser face au numérique, le vendeur va devenir un commercial augmenté plus centré sur le conseil, exploitant les outils d'analytics et de machine learning pour mieux cerner les besoins de ses clients.

De manière générale, une de nos études récentes démontre que l'impact de l'automatisation de l'emploi sera largement compensé par la création de nouvelles tâches s'appuyant sur plus d'interaction humaine. De même les métiers commerciaux évolueront mais seront toujours présents. (A lire: Ventes et automatisation des tâches : quel avenir pour le commercial ?)

Les experts:

Nicolas Maechler, directeur associé de McKinsey au bureau de Paris, dirige le pôle de compétences fonctionnel marketing et ventes de McKinsey en France. Il est diplômé de l'ESSEC.



Paul-Louis Caylar, directeur associé de McKinsey au bureau de Paris, gère la transformation digitale des opérateurs de télécommunications mondiaux et européens. Il est titulaire d'un Master of Science in Industrial engineering de l'École nationale des ponts et chaussées et d'un Master of Science in Finance obtenu à HEC.


En complément:

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