La vente directe se maintient mais doit faire face à la concurrence asiatique « déloyale »
Le secteur de la vente directe est en très légère croissance selon la Fédération de la vente directe (FVD). Mais cette tendance générale cache une grande disparité. Si certains secteurs se portent très bien, d'autres souffrent, notamment de la concurrence asiatique. Explications avec Frédéric Billon, délégué général de la fédération.

Une bonne santé qui « masque énormément de différences selon les gammes de produits et entre entreprises d'un même secteur » : ainsi Frédéric Billon, délégué général de la Fédération de la vente directe (FVD) définit-il la situation du marché lors d'une interview réalisée en marge d'une présentation à la presse, organisée conjointement avec Body Nature à Paris le 27 mars dernier. Ce dernier y voit un lien avec « l'instabilité économique, accentuée par un contexte politique et législatif cahotique. C'est la première fois que les chefs d'entreprise ne savent pas ce qui va se passer dans les trois mois ».
Selon les estimations de la fédération, le chiffre d'affaires du secteur a cru de 0,3% en 2024. Pour 2025, elle s'attend à « une stabilité et une légère reprise des recrutements ». La FVD rassemble 110 entreprises de la vente directe (à domicile, mais pas que), ce qu'elle estime correspondre à un quart du secteur. Le chiffre d'affaires des adhérents s'élevait en 2024 à 1,7 milliard d'euros, que la fédération extrapole à 4,35 milliards d'euros pour l'ensemble du secteur. Une estimation qu'elle juge prudente, puisqu'elle ne comptabilise pas les entreprises qui réalisent seulement une partie de leur chiffre d'affaires en vente directe.
Des résultats très disparates
Certaines activités affichent un fort dynamisme : l'amélioration de l'habitat, la nutrition, le multiproduits, l'électroménager. À titre d'exemples, Thermomix et Verisure sont deux entreprises au fort développement. Le délégué note un « lien psychologique entre les consommateurs et la consommation ». Déboussolés face aux incertitudes actuelles, les gens tendent à « se tourner vers eux-mêmes, vers leurs proches. Ils renforcent leur habitat, ce qui les rapproche des autres ». D'où le succès des secteurs cités selon lui.
En revanche, d'autres secteurs souffrent : cosmétiques, mode, accessoires, loisirs créatifs. En cause pour la Fédération de la vente directe : la concurrence très forte, notamment en provenance de l'étranger. Dans la mode, « l'impact, moins fort qu'en boutique et dans le e-commerce, est tout de même significatif », insiste Frédéric Billon.
Dans le viseur de la fédération, les marques à très bas coût venues de Chine, Shein et Temu en tête. « Je rejoins complètement la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) qui considère cela comme de la concurrence déloyale », affirme-t-il, se disant favorable à la proposition de loi visant à limiter la fast fashion, examinée au Sénat à partir du 2 juin prochain, plus d'un an après son adoption à l'Assemblée nationale en mars 2024.
Il fustige aussi l'exonération de taxes douanières pour les colis inférieurs à 150 euros, bénéficiant notamment à la fast fashion, et que l'Union Européenne prévoit de supprimer. « On ne peut pas reprocher au consommateur de ne pas refuser cette offre. La question, c'est est-ce que ces acteurs sont sur un pied d'égalité avec les acteurs français ? »
Lire aussi : L'IA dans le retail, un impératif stratégique !
Reste que le secteur a du potentiel. Un tiers des Français a déjà assisté à une réunion de vente à domicile. Un résultat conséquent, « mais il reste encore les deux-tiers à aller chercher », tempère Frédéric Billon. Ce dernier reconnait que les consommateurs peuvent encore avoir « l'impression que la vente à domicile est dépassée, avec l'image de la réunion Tupperware », même si la marque de boîtes en plastique, adhérente à la FVD, « avait été enterrée un peu vite ».
Des vendeurs toujours au coeur de la vente directe
Pour le délégué général, la force des entreprises de la vente directe est de « proposer une expérience différente et considérer que la consommation passe par l'expérience humaine et l'émotion ». Une expérience portée par la force de vente, dont le lien avec la clientèle est d'autant plus fort qu'elle en est généralement issue. « L'ADN de la vente directe est de s'appuyer sur des conseillers qui remontent immédiatement les critiques des clients », obligeant ainsi à une certaine exigence qualitative.
Frédéric Billon déconstruit les idées reçues sur l'âge des conseillers : « 50% des vendeurs ont entre 25 et 44 ans », assure-t-il. En revanche, le secteur reste très féminisé, avec 78% de conseillères, mais de fortes disparités : « Selon la typologie de produits, c'est caricatural : 98% de femmes dans les cosmétiques, 98% d'hommes dans la toiture », soulevant toutedois que la proportion d'hommes augmente. Certains secteurs s'approchent de la parité : nutrition, compléments alimentaires, hygiène.
Avec le statut de vendeur indépendant, les personnes « peuvent arrêter à tout moment. Parfois elles le font, souvent elles reviennent. Certaines restent des dizaines d'années ». 69% des conseillers ont une ancienneté supérieure à un an. Frédéric Billon loue « une possibilité de véritable ascension sociale. Une conseillère peut devenir directrice régionale. L'évolution de carrière ne dépend pas du niveau de diplôme ».
Environ 25% des effectifs considère la vente directe comme une activité assez accessoire, de 150 à 500 euros par mois. La majorité est constituée de personnes travaillant à temps partiel, gagnant de 500 à 1500 euros mensuels. Enfin, 20-25% y travaillent à temps plein.
Le délégué général est convaincu que le secteur attirera encore plus de jeunes dans les années à venir, de par l'indépendance qu'il permet. Et souligne que le statut particulier de VDI est confortable, puisque c'est l'entreprise qui doit effectuer toutes les déclarations à l'administration.
Une évolution vers le numérique
Si la vente directe était en retard sur l'utilisation du numérique, ses acteurs y travaillent depuis plusieurs années. Elle a d'ailleurs connu une accélération forcée durant le covid. Outre un facteur d'attraction des jeunes, « c'est une aide pour rester en contact avec le consommateur et en trouver de nouveaux. Il y a de plus en plus de prospection sur les réseaux sociaux », assure Frédéric Billon. Certains produits se prêtent très bien à des démonstrations en vidéo.
Selon lui, si l'évolution est permanente, « les entreprises ont fait des efforts monumentaux dans la digitalisation des relations entreprise / vendeur ». En revanche, reconnait-il, « la relation entreprise / client, là est le défi », notamment à travers la relation directe entre force de vente et clientèle. Les entreprises doivent non seulement mettre à disposition de leurs vendeurs les outils adéquats, mais également les former à leur utilisation.
Il reconnait que la vente directe « appréhende un peu à l'envers » le numérique. « L'e-commerce cherche à humaniser, quand nous cherchons à digitaliser. Mais en restant humains, ce qui reste notre ADN ».
Sur le même thème
Voir tous les articles Stratégie commerciale