Dossier[Enquête] Quelles solutions pour conquérir les PME ?
Conquérir le marché des PME est désormais une question de survie pour nombre d'entreprises. C'est une cible très spécifique qui demande de revoir et de redéfinir en profondeur son approche commerciale. Un pari fructueux, à condition de respecter certaines règles.
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1 Un marché alléchant
" Diversifier son portefeuille en ciblant les très nombreuses PME permet de ne pas trop dépendre de gros clients qui risquent, s'ils connaissent des difficultés économiques, d'entraîner leurs fournisseurs dans leur chute ", observe Lennart Heil, expert en marketing et action commerciale au pôle solutions de Demos.
Le loueur de véhicules longue durée Arval reconnaît, à cet égard, qu'il aurait tout simplement disparu s'il n'avait réorienté sa stratégie vers les PME à l'aube des années 2000, en anticipant les besoins de ce marché et en devançant la crise de 2008.
Vendre aux PME permet également de préserver ses marges, car les petites sociétés n'achètent pas en grande quantité et ont ainsi une plus faible latitude pour négocier. Les PME constituent également une porte d'entrée pour approcher les grands groupes, comme l'explique Jean-Noël de Galzain, dirigeant de Wallix, fournisseur de solutions de sécurité informatique pour entreprises : " De nombreuses filiales de groupes étrangers ou nationaux ne sont autres que des PME. Travailler avec elles apporte une notoriété et des contacts avec la maison mère ", confirme le fournisseur.
Cette collaboration implique, toutefois, des contraintes, comme celle de gérer une multitude de petites entreprises plutôt que quelques grands comptes.
*Des petites entreprises aux profils variés
Selon l'Insee, la France comptait, en 2011, quelque 3,1 millions d'entreprises, dont 137 534 PME. À côté, il existe environ 5 000 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 243 grandes entreprises, qui emploient à elles seules 30 % des salariés.
Selon la définition de l'Union européenne, les micro-entreprises possèdent un effectif de moins de 10 salariés et réalisent un chiffre d'affaires ou un bilan total inférieur ou égal à 2 millions d'euros. Les PME, quant à elles, possèdent un effectif de moins de 250 personnes et réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros.
Toutes les PME aspirent un jour à devenir des ETI, qui comptent, selon la définition officielle, de 250 à 4 999 salariés, et réalisent soit un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros, soit un total de bilan au-dessous de 2 milliards d'euros.
La France compte 3,1 millions d'entreprises, dont environ 99 % sont des petites, voire des micro-entreprises, selon l'Insee*. Une très large cible, pour les fournisseurs de produits B to B, qui ont dès lors tout intérêt à se tourner vers ce segment de marché.
2 Concevoir une offre adaptée
"Pour toucher cette clientèle, il faut d'abord bâtir une "stratégie PME", en démarrant par une connaissance approfondie de la cible et de ses besoins", souligne Pascal Davi, président de Coventeam, conseil en performance commerciale et externalisation des forces de vente. Quel produit ou solution vendre et à qui?
Rien ne sert d'aborder les petites sociétés de la même façon que les grosses. La règle d'or est de proposer à ces structures une offre pratique dont l'utilité est bien visible, car ce ne sont pas des professionnels des achats.
"Dans les PME, le décideur est bien souvent le chef d'entreprise lui-même, voire un bras droit, un directeur financier, technique, ou même une assistante polyvalente pour l'achat des frais généraux, comme les fournitures", explique Bruno Jourdan, dirigeant du cabinet P-Val Conseil, spécialiste du développement commercial.
C'est ainsi que, dans le secteur de la location automobile longue durée, tous les acteurs ont réfléchi à une offre packagée destinée aux dirigeants de PME. Le loueur 2R Fleet Services propose, par exemple, des deux-roues, particulièrement appréciés des dirigeants de PME pressés et contraints de se déplacer en milieu urbain.
Autre piste, les services spécifiques: "Nous n'envoyons plus de facture papier au client. En revanche, il peut se connecter, à tout moment, à son espace dédié sur notre plateforme web, pour consulter sa facture détaillée et tous ses éléments de reporting, comme la consommation de carburant, s'il a opté pour une carte carburant", détaille Guillaume Maureau, directeur général adjoint d'ALD Automotive.
Parce que l'on n'aborde pas les petites sociétés comme les grosses, il est primordial de se construire une offre adaptée.
3 Segmenter sa cible
"Les PME apprécient de gagner du temps avec leur fournisseur, d'entendre un argumentaire pratique, qui leur rend service", précise Bruno Jourdan, dirigeant du cabinet P-Val Conseil, spécialiste du développement commercial. Et de poursuivre: "Le coût d'acquisition sera élevé dès qu'il s'agit de prospecter, d'acheter des fichiers qu'il faudra ensuite qualifier et de mettre des moyens sur le terrain. Mais il peut être amorti par une durée de contrat plus longue, ou par la vente de services complémentaires." Un fournisseur de bonbonnes d'eau pour entreprises, par exemple, a ainsi tout intérêt à vendre des contrats pluriannuels, sachant que son client exprime un besoin sur le long terme.
Classiquement, la segmentation peut s'opérer par secteur d'activité du client, par zone géographique, par potentiel de chiffre d'affaires, etc. Mais attention, "toutes les PME ne se ressemblent pas: il y a des différences de fonctionnement entre la petite structure de 10 personnes et l'entreprise de 300 salariés. C'est pourquoi un certain nombre de fournisseurs segmentent par taille de société", relève Gaëlle Menin-Urien, manager de l'offre vente et négociation chez Cegos. La consultante insiste sur la nécessité de mener une solide étude de potentiel afin de cerner les besoins des PME: "Cela peut se traduire par un questionnaire succinct, confié à une assistante commerciale ou à un stagiaire, afin de noter s'il existe déjà un fournisseur en place, quels sont les critères de choix du client, quand aura lieu le renouvellement, etc.".
Les fichiers B to B étant faciles à acquérir (y compris auprès d'institutions telles que les chambres de commerce et d'industrie), tout l'enjeu sera d'avoir des données précises et à jour.
Comme pour tout nouveau client, il convient de segmenter cette cible avant de l'aborder, en s'intéressant au coût d'acquisition des nouveaux clients.
Définir sa stratégie d'approche
"Savoir qui décide, dans une PME, est primordial, ne serait-ce que pour organiser une campagne de prospection multicanal", indique Pascal Davi, président de Coventeam, conseil en performance commerciale et externalisation des forces de vente. Car la cible des petites entreprises est diffuse, et le multicanal touche un public large. "En suivant la règle des trois tiers et en connaissant bien la cible, on peut décider d'appeler un premier tiers au téléphone, d'envoyer un courrier puis de relancer par téléphone un deuxième tiers et, enfin, de convier un dernier tiers à un événement salon ou à ses journées portes ouvertes, toujours en relançant par téléphone, si besoin", estime Pascal Davi.
D'autre part, le site web reste une porte d'entrée idéale pour les PME intéressées par l'offre. Il convient donc de soigner le contenu informatif ainsi que la rubrique contacts, pour récupérer des leads.
Côté force de vente, de nombreuses entreprises recourent à des intervenants extérieurs: des revendeurs ou une équipe externalisée mise en place pour conquérir ce nouveau marché.
"Avec l'externalisation, on a affaire à des professionnels de la vente et de la cible en question, formés et soumis à des objectifs commerciaux", résume Pascal Davi. Le budget "externalisation" est fixé à l'avance, ce qui en facilite la gestion. Une autre stratégie est de faire un essai, de tester la pertinence d'un marché, par une opération de courte durée grâce à une force de vente externalisée.
Quant aux distributeurs et revendeurs, il s'agit d'un réseau de partenaires qui oblige le fournisseur à endosser le rôle d'animateur. "Nous travaillons main dans la main avec notre réseau de 30 distributeurs, explique Jean-Noël de Galzain, p-dg de Wallix. Nous les formons, nous leur procurons les outils d'aide à la vente et le support nécessaires pour démarcher les PME. D'ailleurs, nos commerciaux internes se rendent trois ou quatre fois par mois chez les clients avec les revendeurs, ce qui appuie la démarche."
Par ailleurs, Wallix n'omet pas d'organiser des challenges à destination de ses commerciaux indirects tout en maintenant le lien avec le client final, notamment grâce à des roadshows. La part des PME représente 45 % du chiffre d'affaires de cette société, un résultat acquis en moins de cinq ans.
Dans les PME, la difficulté consiste à dénicher les coordonnées du ou des décisionnaires.
Commerciaux nomades ou sédentaires ?
"Contrairement à une idée reçue, on peut très bien cibler les PME à distance, grâce au téléphone et à l'e-mail, pour peu que l'approche soit professionnelle", explique Bruno Jourdan, dirigeant du cabinet P-Val Conseil, citant le cas des opérateurs de téléphonie ou encore de l'éditeur de CRM Salesforce, qui gère ses clients à distance en toute efficacité. "L'important est de bien connaître les besoins du client, de lui apporter une solution pratique et efficace", ajoute Jean-Noël de Galzain. Une démarche mixte consiste à utiliser le téléphone pour la qualification et la prise de rendez-vous, puis de laisser les commerciaux terrain prendre le relais. C'est la stratégie appliquée par le loueur Arval lorsqu'il s'est tourné vers les PME, en confiant la prospection à une force de vente sédentaire, puis le closing à des commerciaux terrain.
"On peut également, au début de la relation, dépêcher un commercial, puis assurer le suivi des clients PME par téléphone. Ou alors, réserver la force de vente terrain aux dossiers les plus complexes, qui nécessitent des négociations de visu", estime Pascal Davi. Il n'y a pas, au final, de recette toute faite. "Le choix d'une force de vente sédentaire ou nomade dépendra du coût engendré pour l'entreprise, ainsi que de la pertinence vis-à-vis du client ciblé", résume Lennart Heil (Demos).
Certaines entreprises qui ciblent les PME choisissent de les toucher par le biais de commerciaux intégrés. Se pose alors la question de leur mode de fonctionnement : nomade ou sédentaire ?
Zoom - Les PME elles aussi touchées par la crise
Une amélioration timide mais réelle, puisque les défaillances de PME n'ont jamais été aussi peu nombreuses depuis la crise (189 au premier trimestre 2009). Cette meilleure conjoncture est surtout notable dans l'industrie, où 729 cessations de paiements sont recensées sur les trois premiers mois, soit 7 % en moins par rapport à la même période de l'année passée.
De quoi aborder ce marché plus sereinement. Toutefois, si les PME (et les sociétés de plus grande taille) s'inscrivent sur les meilleures tendances, ce n'est pas le cas des micro-entreprises, qui affichent, quant à elles, le plus de difficultés. Ainsi, les défaillances d'entreprises ont augmenté de 14 % sur ce segment.
Au total, celles-ci ont augmenté de 3,4 % sur le premier trimestre 2014. Pas moins de 16 446 entreprises sont en cessation de paiements, comme durant l'année 2009.
Exactement 113. C'est le nombre de défaillances de PME de plus de 50 salariés enregistrées durant le premier trimestre 2014 contre 156 au premier trimestre 2013, selon le dernier baromètre du cabinet Altares.
[Témoignage] Hélène Gellert (NextiraOne): "Une rémunération qui tient compte du court terme"
L'intégrateur réseaux NextiraOne était traditionnellement orienté vers les grands comptes, jusqu'à sa décision, l'an dernier, de suivre de plus près les PME, notamment en créant une direction des ventes on line composée d'une vingtaine de commerciaux sédentaires.
"La mission de l'équipe est de mieux servir cette catégorie de clientèle, qui arrive chez nous par le biais de la vitrine web ou encore par le bouche à oreille", explique Hélène Gellert, directrice nationale des ventes on line. La cible des PME implique des commerciaux au profil particulier: "Au téléphone, il n'y a pas d'erreur possible, il faut être professionnel de bout en bout. Car les dirigeants de PME n'ont pas de temps à perdre et veulent des réponses précises et concrètes à leurs préoccupations." C'est pourquoi NextiraOne a recruté ses commerciaux sédentaires en interne, notamment auprès du service de support commercial, qui appuie les vendeurs middle-market et grands comptes.
Ancienne d'Edenred (spécialiste des services prépayés aux entreprises) où elle a développé les ventes aux PME, Hélène Gellert estime que les commerciaux dédiés à cette cible ont besoin d'une rémunération spécifique: "Les cycles de vente sont courts et on peut décrocher des affaires de dernière minute, davantage qu'avec les grands comptes. Il faut donc que le variable soit calculé au mois le mois, plutôt que, par exemple, trimestriellement. Les commerciaux de PME ont besoin de voir rapidement le fruit de leurs efforts afin de garder leur motivation."
Hélène Gellert, directrice nationale des ventes on line de NextiraOne revient sur la création, l'année dernière, d'une direction des ventes on line constituée de sédentaires.
[Témoignage] Bruno Cressot (Insight France): "Une animation régulière de l'équipe"
Revendeur informatique, Insight a vu la part des PME passer de 5% à 25% de son chiffre d'affaires en un an. Créé il y a deux ans, le département corporate, qui cible le SMB (small and middle business), est passé de 10 à 26 commerciaux actuellement. "Nous nous sommes fait connaître de cette cible de façon classique, par la publicité et l'e-mailing, notamment", explique Bruno Cressot.
Sédentaires, les commerciaux PME fonctionnent également en binôme avec les commerciaux terrain en région, qui prennent le relais lorsqu'il s'agit de défendre un dossier complexe "de visu" auprès du client. "Notre équipe de commerciaux sédentaires est plutôt jeune, composée de jeunes diplômés qui ont envie de relever le défi de la prospection et qui veulent l'interactivité que procure la cible des petites entreprises", explique le responsable. Face aux PME, Insight a un maître mot: la rapidité. "Hors de question de faire attendre un dirigeant accaparé par la gestion de son entreprise et qui réclame un devis", estime Bruno Cressot.
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Cette effervescence se retrouve dans la gestion de l'équipe de vendeurs, qui est animée chaque mois, avec jusqu'à cinq ou six incentives mensuels en période de pic. "Il faut maintenir une certaine pression, pour décrocher des affaires, mais dans une ambiance décontractée." Challenge "Pirates" ou "Guerre des étoiles" à grand renfort de déguisements: avec l'aide des constructeurs, le revendeur rivalise d'originalité pour faire rimer motivation et convivialité.
Quant aux clients PME actifs, ils sont passés de 200 à 3000 en deux ans.
Bruno Cressot, directeur commercial du département corporate d'Insight France
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