Dossier[Décryptage] Comment démarcher les acteurs du BTP?

1 Le BTP, un secteur à la peine

"L'euphorie n'est pas de mise, ni sur le plan général ni pour l'activité du secteur, qui sera vraisemblablement en recul sur l'ensemble de l'année de 2,6% en volume, prévient d'emblée Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). L'activité du bâtiment, sans perspective de croissance générale, reste à la peine en 2014", précise-t-il encore. Dans le détail, on observe que cette baisse d'activité est davantage marquée dans le logement neuf, qui accuse un recul de 6,8% en 2013, l'amélioration-entretien des bâtiments reculant de 1% et le non-résidentiel se stabilisant à -0,2%.

2 Les grands acteurs connaissent aussi des difficultés

Mais derrière ce tableau d'ensemble se cachent plusieurs ­réalités. En effet, le secteur du bâtiment se caractérise par l'existence de quatre majors que sont Vinci, Eiffage, Bouygues et Spie, lesquels dominent 300000 entreprises de taille plus modeste, des artisans et TPE pour la plupart. Cependant, même les plus grands reconnaissent que le secteur est chahuté, à l'instar de Franck le Guillou, directeur achats de Bouygues Construction: "L'activité de la ­construction est fluctuante, et le marché apparaît aujourd'hui vraiment tendu, ce qui n'était pas le cas il y a encore trois ou quatre ans."

Durement touché par la crise, le secteur du bâtiment connaît une activité en recul. Le point sur l'état du marché.

3 L'innovation, un besoin-clé des acteurs du BTP

Malgré un secteur disparate, les besoins de production pour tous les acteurs du BTP se concentrent avant tout sur les matériaux de construction. Par exemple, chez Bouygues Construction, "les achats de production s'élèvent à 85% du montant total des achats. Ce sont, pour la plupart, des achats de matériaux de construction comme le béton, l'acier, les façades, mais aussi les familles électromécaniques: ascenseurs, éclairages, câbleries, vidéosurveillance, etc.", précise Franck le Guillou (Bouygues Construction).

Si, traditionnellement, ce domaine n'est pas réputé pour sa modernité et sa réactivité, le BTP ouvre toutefois la porte aux nouvelles technologies, en partie contraint par les réglementations du Grenelle de l'environnement. La réglementation thermique 2012 (ou RT 2012) impose en effet aux acteurs du bâtiment de respecter de nouvelles règles afin de gagner en performance énergétique. Ainsi, depuis ces dernières années, tous les métiers du bâtiment investissent massivement dans la recherche et développement et les solutions technologiques innovantes. "Aujourd'hui, le BTP parvient à construire des bâtiments à énergie positive, c'est-à-dire qu'ils génèrent ­davantage d'énergie qu'ils n'en consomment", argue Pierre Bourgoin, directeur des achats pour Vinci Construction France.

Les bâtiments dernière génération sont donc truffés de logiciels et d'électronique: multiples capteurs de température et de mouvements, option de pilotage à distance des performances du bâtiment... Et ces besoins en hautes technologies vont crescendo, puisque les réglementations européennes se durcissent de plus en plus et imposent aux acteurs du BTP d'être de plus en plus innovants.

En dépit des difficultés du secteur, des opportunités existent dans le bâtiment. Avec les réglementations imposées par le Grenelle de l'environnement, les acteurs sont en effet demandeurs de solutions en matière d'innovation.

4 [Zoom] Les achats dans le BTP, des services de plus en plus structurés

Souvent, les petits acteurs du bâtiment se regroupent sous des centrales et des coopératives d'achats, telles qu'Orcab, groupe Socoda ou encore Pme Centrale, qui fonctionnent comme une seule entité. Ainsi, vous pouvez vous faire référencer, comme pour un service achat, auprès de plusieurs centaines de TPE et PME en une fois. De leur côté, les majors ont su structurer leurs services achats ces dernières années. Fabrice Veyre, ­directeur exécutif spécialisé dans les fonctions achats de Michael Page, cabinet de recrutement, remarque que "depuis dix ans, les achats se centralisent dans le BTP, avec une nette accélération depuis ces trois dernières années. Alors qu'avant, le commercial entrait directement en contact avec un directeur de chantier, par exemple, désormais, les échanges s'effectuent entre le directeur commercial et le directeur achats".

5 Les conséquences de la centralisation pour les fournisseurs

Cette structuration a entraîné avec elle un deuxième phénomène: la centralisation. Si les directions régionales des acteurs du BTP disposaient jusqu'alors d'une large latitude afin de réaliser leurs achats, elles doivent désormais composer avec les directions achats nationales. Vinci Construction France, qui sous-traite auprès d'environ 20000 entreprises, travaille quasiment en monocontrat pour ses achats hors-production, avec un ou deux fournisseurs référencés par type d'achat.

Mais pour ce qui est des achats de production, la volonté est d'unifier les pratiques des 21 directions déléguées à travers la France. "Quelle que soit la famille concernée, 80% des achats passent par appel d'offres", annonce Pierre Bourgoin. Quant aux 20% d'achats restants, la direction achat de Vinci Construction France souhaite établir un consensus en proposant aux différentes directions régionales concernées de rassembler leurs achats afin de regrouper les volumes et de bénéficier de conditions tarifaires plus attractives. Mais toute cette structuration des services achats affecte la négociation des prix. "Les chantiers sont disputés, la concurrence est rude. Aussi, la notion de prix est forte et les acteurs du BTP essayent de tirer les tarifs vers le bas", commente Fabrice Veyre (Michael Page).

Cette centralisation a également pour conséquence de modifier en profondeur les relations entre les fournisseurs et les entreprises du BTP: "Alors qu'ils entretenaient des relations commerciales régionales fondées sur des habitudes ancestrales - depuis plus de dix ans pour certains -, il leur faut désormais traiter avec les directions nationales et les contrats-cadres", insiste Fabrice Veyre (Michael Page).

Désormais, tout partenaire doit passer par le ­référencement. Et si les directions régionales peuvent encore avoir la main sur certains types d'achats, elles doivent recourir à des partenaires approuvés par la direction nationale. Dans ce contexte, Bouygues Construction a révisé son panel de fournisseurs afin de mieux les connaître, répondant ainsi à sa stratégie de globalisation. "Nous mutualisons notre base fournisseurs avec l'ensemble des autres métiers de Bouygues Construction. Cela nous permet de partager nos retours d'expérience et d'avoir un meilleur aperçu de l'ensemble des acteurs avec lesquels nous travaillons et de ceux avec qui nous pourrions travailler", explique Franck le Guillou.

Depuis une dizaine d'années, la tendance est à la structuration des achats dans le bâtiment. Une évolution qui impacte fortement les relations entre clients et fournisseurs.

6 Flexibilité, réactivité, expertise: ce que le BTP attend de ses fournisseurs

7 Des partenaires réactifs et en bonne santé

Le métier du bâtiment est soumis à des aléas, sans doute davantage que d'autres domaines d'activité: conditions climatiques, dépendance d'investisseurs externes, variation des carnets de commandes... "En réponse, les fournisseurs du BTP doivent faire preuve de flexibilité et de souplesse, en s'adaptant au mieux au rythme de leur prescripteur", indique Fabrice Veyre (Michael Page).

La société Batiwiz en fait elle-même l'expérience: "Il faut prévoir des services de livraison souples, afin que les clients puissent réceptionner les produits commandés soit sur leur chantier, soit à leur bureau ou même à leur domicile s'il le faut", explique Cédric Fray, dirigeant de Batiwiz.com.

De leur côté, les petites et moyennes entreprises du BTP recherchent aussi de la souplesse de la part de leurs interlocuteurs commerciaux en vue d'optimiser leur temps. Constamment entre deux chantiers, ils n'ont pas ou peu le temps de se déplacer et d'accorder un rendez-vous commercial traditionnel assis dans un bureau. Aussi, les forces de vente qui les démarchent ont tout intérêt à être connectées par smartphone ou tablette numérique pour aller les visiter directement sur le terrain.

8 Des relations fournisseurs-partenaires étroites

"Nous ne sommes pas là uniquement pour réaliser des achats, mais pour aider nos sous-traitants à travailler dans les meilleures conditions possibles", affirme Pierre Bourgoin (Vinci Construction France). Et celui-ci d'expliquer qu'une attention toute particulière est portée à la politique RSE en interne, mais aussi à celle des partenaires. Pierre Bourgoin évoque également des relations étroites avec ses fournisseurs. "Nous rencontrons chacun d'entre eux quatre fois par an minimum. C'est un véritable investissement humain, insiste-t-il. De même, nous ne souscrivons jamais avec un nouveau fournisseur avant de l'avoir rencontré."

Par ailleurs, impossible de commercer avec les acteurs du BTP sans connaître parfaitement leur marché, se tenir informé de ses évolutions. Cet impératif est renforcé par le fait que la majorité des profils d'acheteurs dans le bâtiment sont directement les patrons de PME, ou bien des opérationnels ayant appris sur le tard le métier des achats pour les majors. Fabrice Veyre (Michael Page) confirme cet état de fait: "Même pour des achats de prestations intellectuelles comme nous proposons, nous mettons un point d'orgue à être hyper à l'écoute du marché du BTP, peut-être plus encore qu'avec d'autres secteurs d'activité, car c'est capital pour mieux comprendre leurs besoins."

Mais dès lors qu'un fournisseur parvient à se faire une place dans le panel de référencement de l'un des majors, cela lui ouvre bien souvent des portes. "Nous nous développons de plus en plus à l'international - en Amérique et en Asie, notamment -, là où se trouvent les opportunités. Nous intégrons nos meilleurs fournisseurs au sein de ce que nous avons appelé la catégorie des Best in class, que nous n'hésitons pas à amener sur d'autres projets, dans d'autres pays que la France", affirme Franck le Guillou (Bouygues Construction). D'où l'intérêt de disposer d'une force de vente capable d'évoluer aussi à l'international, afin de grandir avec son client.

Exigeants avec leurs fournisseurs, les acteurs du BTP ont besoin de partenaires capables de s'adapter aux aléas de leur métier. Découvrez les qualités que vous devrez déployer pour séduire ces clients.

9 [Zoom] Le BTP à l'ère numérique

"Le secteur du BTP est à la fois traditionnel et à l'écoute des nouveautés", estime Iria Siboni-Marquès, directrice associée de l'agence de communication BtoB Aressy, qui compte plusieurs acteurs du bâtiment parmi ses clients. Ces derniers montrent un réel intérêt pour les solutions de communication digitale et de marketing opérationnel, d'autant que les opérations de rachat et de développement interne se multiplient. "De ce fait, ces acteurs doivent prendre la parole et communiquer sur ces changements", explique-t-elle.

Par ailleurs, depuis environ cinq ans, le bâtiment exprime des besoins en termes de ROI et de génération de leads. "Alors qu'auparavant, les équipes commerciales du bâtiment étaient davantage dans une relation one to one avec leurs clients, le secteur envisage de plus en plus le recours à de la communication digitale et au marketing opérationnel pour gagner davantage de parts de marché", souligne encore Iria Siboni-Marquès. Danem, société spécialisée dans les solutions mobiles pour personnel itinérant, dresse le même constat. Désormais, pour vendre leurs solutions, "les commerciaux du BTP doivent s'appuyer sur des démos produits, au travers, par exemple, de catalogues embarqués sur tablette numérique. De même, les techniciens du bâtiment sont de plus en plus amenés à transmettre des informations depuis les chantiers, comme des photos avant/après de leurs interventions", explique Michel Sasportas, président de Danem.

Et il n'y a pas que les "grands" du bâtiment qui s'engagent dans cette modernisation. Batiwiz.com, site de ventes privées pour les acteurs du bâtiment, propose aux entreprises du secteur de mettre en vente leurs produits en ligne. Cédric Fray, dirigeant de cette entreprise, explique: "Je travaille avec beaucoup d'artisans et de PME du secteur du BTP. Je m'aperçois que les baby-boomers laissent désormais place à des patrons quadras très connectés et habitués à utiliser le Web. Ils ont désormais atteint un niveau de maturité et d'équipement tel que les entreprises high-tech peuvent leur apporter beaucoup en termes de solutions Internet, par exemple."

Pour aller plus loin, consultez la tribune de Daniel Marache, "Les artisans et PME du BTP doivent accélérer leur entrée dans le numérique pour préserver leur productivité".

En dépit de son image traditionnelle, le secteur du bâtiment s'ouvre de plus en plus au nouvelles technologies. Catalogue embarqué, tablette durcie, rendez-vous client sur les chantiers... Les forces de vente doivent adapter leurs pratiques.