Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Les 10 mythes de la négociation commerciale

Publié par le - mis à jour à
Hand sketching Myths or Facts concept with white chalk on blackboard.
© Ivelin Radkov - Fotolia
Hand sketching Myths or Facts concept with white chalk on blackboard.

Il existe des mythes de la négociation commerciale tant elle fascine et nous concerne tous, construisant ainsi les légendes. La négociation commerciale est un art bien plus qu'une science et repose sur un certain nombre de techniques, à utiliser au cas par cas.

Je m'abonne
  • Imprimer

Il existe des mythes de la négociation commerciale tant elle fascine, nous concerne tous et fait parler depuis la nuit des temps, construisant ainsi les légendes. De tous temps, les hommes ont eu à négocier, dans les villages, pour leurs terres, pour leurs intérêts personnels, pour leurs affaires, par nécessité ou par intérêt pécuniaire. Par souci d'égalité ou par désir de s'enrichir. En conséquence, il s'est créé des pratiques plus ou moins bonnes pour tenter de négocier. Voilà pourquoi la négociation commerciale est un art bien plus qu'une science et repose sur un certain nombre de techniques, à utiliser au cas par cas.

Comment mener une négociation commerciale ?

Aujourd'hui, la négociation commerciale est avant tout un échange où les parties en présence recherchent l'entente par des concessions mutuelles pour atteindre un but commun : acheter pour l'une des parties et vendre pour l'autre partie. Vous devez aboutir à un accord mutuel acceptable.

La posture de collaboration et une bonne maîtrise de l'art oratoire permettent notamment de mener des négociations avec succès. Quand on sait que plus de 20 % du temps d'un manager est consacré à négocier pour rapprocher des points de vue différents (source : méthode de négociation Harvard), on comprend mieux pourquoi la négociation est un art à maîtriser.

Vous pensiez avoir tout vu en matière de croyances bloquantes dans votre négociation commerciale ?

Mythe 1 : le gagnant-gagnant est la base de la négociation commerciale

Cette théorie est la conséquence d'une étude menée par Robert Axelrod, qui a publié un ouvrage en 1984 sur l'étude des comportements de coopération. La théorie du gagnant-gagnant, ou win-win situation, est reprise dans de nombreux livres, de nombreux discours, de nombreuses formations. Or, la coopération est bien différente d'une négociation.

Ainsi, les pistes de mise en application proposées par Axelrod ne sont pas toutes adaptées aux phases de la négociation :

Ne pas chercher à gagner sur l'autre : Sincèrement ? Quand vous négociez ? Ne voulez-vous pas gagner ?

Ne pas être conflictuel : Sincèrement ? Ne connaissez-vous pas des négociations avec conflit ? Et qui finissent finalement bien ?

Ne pas paraître trop intelligent : Sincèrement ? Ce n'est pas ce qui prévaut à toutes les personnes ayant une estime de soi ne serait-ce que moyenne ? (On se dit, du moins on se pense rarement idiot)

La stratégie d'Axelrod se base par ailleurs sur la réciprocité, quand cela se passe bien, mais aussi quand cela se passe mal. Cette approche a le mérite de nous faire réfléchir mais il s'agit bien d'un mythe avec des prérequis qui ne peuvent pas fonctionner dans 100 % des cas.

Mythe 2 : on partage, "on coupe la poire en deux"

Quand on coupe la poire en deux, on pense faire un partage équitable des efforts consentis. Pourtant, cet exemple va vous démontrer le contraire : la mise en vente d'une maison au prix de départ de 150 000 euros.

Si l'acheteur en propose 140 000 euros et que le vendeur réplique par « on coupe la poire en deux et on dit 145 000 euros », chacun fait bien un effort de 5 000 euros. Cependant, cette somme va représenter un effort de 3,57 % pour l'acheteur tandis que le vendeur concède un effort de 3,33 %.

Donc, l'un des deux individus consent bien à un effort supérieur pour une même somme. Ici, c'est l'acheteur qui fait un effort supérieur de 0.24 %.

Si vous connaissez ce théorème, vous pourrez l'appliquer en votre faveur :

- soit en l'expliquant pour résister, si vous êtes acheteur.

- soit en l'utilisant, si vous êtes vendeur.

Il est certain que l'image de couper la poire en deux relève plus du marchandage que de la négociation commerciale.

Couper la poire en deux peut mener à des résultats calamiteux. En effet, selon les situations, un effort équivalent pour les deux parties peut être acceptable pour l'un mais pas du tout pour l'autre. Ce n'est pas du tout une solution magique.

Mythe 3 : tout est négociable

Il est tentant de dire cela mais non raisonnable d'y croire. Tout n'est pas négociable et fort heureusement.

Certaines valeurs ne sont pas négociables. Nous entendons par valeurs, des « codes sociaux » partagés par tous.

Certains partenariats ne sont pas négociables. Nous entendons par partenariats des relations amicales, voire filiales entre deux personnes qui ne changeront de partenaires pour rien au monde ou presque.

Certains efforts ne sont pas négociables. Nous entendons par « efforts », des éléments qui paraissent insurmontables pour un décideur, comme un délai de livraison avec une contrainte de temps, de dates, (ex : Pâques pour un boulanger).

Les « gâteaux » de la négociation ne peuvent s'agrandir à l'infini. À la rigueur, si les négociateurs l'acceptent, le gâteau peut augmenter un peu, quand c'est possible... Encore faut-il que les négociateurs aient envie de le partager, ou acceptent l'idée de retravailler une négociation, après un accord déjà finalisé.

Mythe 4 : Réussir sa négociation, c'est la gagner

Est-ce qu'arriver à un accord, c'est gagner ? La réussite possède une définition ambiguë, propre à chacun. On peut négocier, perdre à court terme et gagner à long terme, ou vice versa. Tout dépend de l'objectif que vous vous êtes fixé !

Dans le cas d'un achat immobilier par exemple, imaginons que notre vendeur n'accepte pas notre prix avec une baisse de 10 %. Nous pouvons perdre l'affaire pour retrouver un autre bien, semblable, voire mieux à un prix inférieur. À l'identique, d'un jour à l'autre, le coût du prêt immobilier peut augmenter ou baisser.

Dans le monde de l'entreprise, on peut participer à un casting de recrutement pour obtenir un poste ou un nouveau poste, perdre lors de la négociation sur les contours de la mission ; puis finalement, se retrouver quelques semaines plus tard en situation beaucoup plus favorable suite à la démission d'un collègue ou d'une réorganisation.

Et si finalement réussir sa négociation, cela pouvait aussi être la perdre ? Si votre objectif était de flatter l'ego de votre client, de gagner ce contrat à tout prix afin d'obtenir une référence précieuse ? Demandez-vous quel « trésor caché potentiel » peut sortir quelques semaines plus tard...

Mythe 5 : toujours demander une contrepartie

Tous les bons livres sur la négociation vous le diront, il faut toujours demander une contrepartie quand on fait une concession. Intellectuellement, cela est vrai. Humainement, c'est souvent décalé par rapport à « l'expérience client ». Pourquoi ne pas imaginer parfois faire les choses sans contrepartie tout en valorisant l'effort ? Et finalement, si c'était cela LA solution : trouver un accord sans négocier et ce tout en tenant compte des indicateurs financiers :

« Écoutez, monsieur client, je comprends votre demande. Vous savez que notre offre est parfaitement compétitive sur le marché. Pour moi, notre relation est plus importante que cela et elle s'inscrit dans la durée. Donc je vous dis oui sans contrepartie, sans réserve, et je suis ravi de vous satisfaire. Je sais que vous vous en souviendrez »

Et si le client ne s'en souvient pas ? Alors tant pis, partez du principe que c'est un poisson volant, cela existe, mais normalement, les poissons nagent. Dans la plupart des cas, le client s'en souvient. Et vous récoltez ce que vous avez semé.

Mythe 6 : donner un ultimatum

Donner un ultimatum s'apparente à la tactique « à prendre ou à laisser » pour conclure au plus vite la négociation en cours. Cette technique de négociation enferme la partie adverse dans une seule solution possible : soit elle accepte, soit c'est la rupture. Par conséquent, celui à qui on pose l'ultimatum peut se sentir poussé dans ses retranchements, obligé à prendre une décision.

Acculé, pris dans un étau, cette décision se fait à contrecoeur, le mettant dans une position d'infériorité, voire de culpabilité quant à la rupture de la négociation. Cette technique est donc problématique car elle pose un fardeau sur le dos de l'acheteur (dans l'hypothèse où c'est le vendeur qui pose un ultimatum) :

« Achetez maintenant ou perdez votre chance d'acheter dans ces conditions, pour toujours ». Vous ne devez pas forcer un acheteur à se caler sur votre calendrier avec un "c'est maintenant ou jamais".

De plus, l'ultimatum est souvent utilisé pour clore des débats sans fin. Pourtant, il ne permet pas de découvrir les problèmes sous-jacents qui sont à la racine réelle de l'hésitation d'un acheteur. Cette technique prend la forme d'un accord obtenu sous la contrainte.

Les bons négociateurs se forcent à résister à l'urgence.

Mythe 7 : une négociation est toujours rationnelle

Même si les gens ont un côté rationnel, leurs décisions sont généralement régies par des sentiments qui représentent une forme de pensée irrationnelle. Nous avons tous en tête des achats réalisés sans raison « ce n'est pas raisonnable », « si j'avais su », « je regrette ». Pensez-vous que les acheteurs professionnels ne se disent pas la même chose ? Nous sommes tous irrationnels.

Un client a raconté à l'un des auteurs une anecdote à ce sujet. Lors d'une négociation nationale de plusieurs centaines de millions d'euros, entre un distributeur et une banque, le dirigeant du distributeur a refusé un nouvel accord, après 7 ans de fidélité parce que le nouvel accord ne lui semblait pas juste. Il répétait inlassablement : « je ne trouve pas cela juste ". L'accord était pourtant beaucoup plus profitable que le précédent, et même beaucoup plus juste. Après de nombreuses réunions de négociation, ce point de blocage fit capoter l'accord : la raison invoquée n'étant absolument pas rationnelle.

Les gens sont émotifs avant d'être rationnels.

Mythe 8 : une négociation n'est pas toujours rationnelle

Parmi les mythes de la négociation, vous vous dites probablement que ce n'est pas possible d'avoir à la fois le mythe numéro 7 et le numéro 8. Et pourtant. Cela vous prouve que ce sont des mythes ou des croyances, et que par définition, ils ne sont pas toujours stables.

Si nous reprenons l'histoire numéro 7 et que nous l'analysons 3 ans plus tard, on découvre que le « je ne trouve pas cela juste » était très rationnel. Le distributeur avait entendu parler d'un accord identique entre les deux mêmes sociétés dans un autre pays. Il voulait donc obtenir les mêmes avantages, sans pouvoir citer sa source qui avait signé un accord de confidentialité. Trois ans plus tard, ayant quitté la société, il a avoué qu'en réalité son blocage était très rationnel.

Mythe 9 : il faut être un killer en négociation

Le but de négocier est de trouver un accord. De nombreux accords furent et sont encore loupés par des attitudes de Killer qui « bloquent » la négociation. Par expérience, nous constatons que les meilleurs négociateurs sont plutôt gentils, au sens premier du terme. Le terme est aujourd'hui galvaudé, il est pourtant noble dans les relations humaines.

Il ne faut pas associer gentil à idiot. On peut parfaitement avoir une approche assertive, non conflictuelle et obtenir un accord de très haute volée. D'ailleurs, les jeunes diplômés ne s'y trompent pas, ils ne souhaitent pas devenir des acheteurs « killer ». Être impitoyable en affaires comme dans Dallas, c'est has been.

Un dernier secret, dans nos métiers de consulting, plus le client est sympa, gentil, plus il obtient des choses gratuitement. Plus il est « killer », plus on a tendance à lui facturer la moindre ligne.

Mieux vaut une absence d'accord qu'un mauvais accord. Pour créer des ruptures dans une négociation, il importe de découvrir les cygnes noirs, ces informations cachées et inattendues. Une fois que vous avez compris la vision du monde de votre interlocuteur, vous pouvez l'influencer.

Mythe 10 : on naît négociateur ou on ne l'est pas

Dernier mirage du monde de la négociation : les talents de négociateur sont innés, et sont la conséquence de nos gènes. C'est partiellement possible, mais au final, sans aucun sens. Certains vont avoir plus d'aisance à l'oral, dans leur prise de parole en public.

D'autres sont à la fois des champions de l'empathie et de la répartie, combo gagnant pour amorcer des négociations. Et alors ? Toutes ces aptitudes se travaillent et les meilleurs négociateurs ont besoin de s'entraîner, étant experts. On ne naît pas négociateur, on le devient !

Par exemple, les négociateurs formés par la police pour les prises d'otages sont hyperentraînés. L'entraînement en négociation est évidemment indispensable, que ce soit dans une salle de formation, au travail ou dans des situations familiales ou personnelles.

Des preuves scientifiques existent désormais en matière d'entraînement mental. Il est prouvé aujourd'hui qu'une équipe qui s'entraîne au lancer franc de basket dans la tête, sans activité motrice, surplombe largement une équipe qui ne s'entraîne pas, ni mentalement, ni physiquement. Le cerveau crée donc les connexions nécessaires à réussir les paniers de baskets. Ce qui est vrai face à un panier est vrai face à un négociateur.

Biographie

Nicolas Dugay et Erika Kingsoon sont des experts en préparation mentale et performance commerciale pour la société Prefera, auteur de nombreux livres sur ces sujets. Ils accompagnent de nombreuses entreprises dans le domaine de la performance commerciale.

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page